Le naturalisme est un mouvement littéraire qui se développe en France à la seconde moitié du XIXe siècle, en particulier dans les années 1860-1880. Il est une évolution du réalisme, mais va plus loin en cherchant à appliquer des principes scientifiques et une approche presque « expérimentale » à l'étude des comportements humains et des conditions sociales. Le naturalisme repose sur la conviction que l’homme est déterminé par ses gènes, son environnement et son milieu social. À la différence du réalisme, qui décrit simplement la réalité, le naturalisme essaie de l'analyser de manière scientifique, en mettant en lumière les mécanismes qui régissent l’existence humaine.
Le mouvement naturaliste est principalement incarné par Émile Zola, qui en est le chef de file et l'un des plus grands représentants. Cependant, d'autres écrivains de l'époque, comme Gérard de Nerval, Joris-Karl Huysmans ou Alphonse Daudet, participent également à la diffusion de ces idées littéraires.
Le naturalisme émerge dans un contexte de profondes transformations sociales, politiques et scientifiques. La Révolution industrielle, la monarchie de Juillet, puis le Second Empire, bouleversent les structures économiques et sociales. L’urbanisation rapide, les progrès scientifiques et l’évolution des idéologies influencent le développement du mouvement.
La découverte des sciences, en particulier de la biologie, de la médecine et de la psychologie, inspire les écrivains naturalistes. L'idée de la transmission des caractères par l'hérédité et de l'influence de l'environnement sur les individus devient un fondement du naturalisme. Les auteurs naturalistes cherchent à explorer et à décrire la réalité en tenant compte de ces principes scientifiques. Ils veulent donner une vision objective, sans jugement moral, de l’homme et de son environnement.
Le naturalisme s'appuie sur plusieurs principes qui en font une approche distincte du réalisme et qui en marquent l'originalité :
a) Le déterminisme
L'idée centrale du naturalisme est le déterminisme. Les écrivains naturalistes affirment que l’individu est gouverné par ses instincts, son hérédité, son milieu social et l’environnement dans lequel il vit. Les personnages de ces romans sont souvent des victimes de leurs conditions de naissance et de leur milieu. Par exemple, un personnage pauvre ou né dans un environnement misérable aura peu de chance d’échapper à la misère sociale, et ses comportements seront largement influencés par cette condition.
b) L’observation scientifique
Les écrivains naturalistes appliquent une méthode scientifique pour étudier la société. Ils s’inspirent des théories scientifiques, comme les idées de Darwin sur l’évolution et la sélection naturelle, et de Claude Bernard sur la médecine expérimentale. L’écrivain devient un observateur rigoureux, presque un « médecin de l’âme humaine », qui cherche à analyser et décrire les comportements humains à travers des détails concrets et objectifs.
c) La description minutieuse de la réalité
Tout comme le réalisme, le naturalisme se caractérise par une description minutieuse et détaillée de la réalité, mais avec un accent mis sur les aspects souvent les plus sombres ou les plus misérables de la vie humaine. Le naturalisme cherche à montrer la réalité dans sa crudité, en s’intéressant particulièrement à des sujets comme la pauvreté, la maladie, le vice et la violence.
d) La critique sociale
Le naturalisme n'est pas seulement une description de la réalité, mais aussi une forme de critique sociale. En exposant les conditions de vie difficiles des classes populaires, les écrivains naturalistes cherchent à dénoncer les injustices sociales, le traitement des ouvriers, et la misère qui touche de larges pans de la population. Le naturalisme s'attaque ainsi à des problèmes tels que le logement, la santé publique, la condition des femmes et l’exploitation des travailleurs.
e) L’influence de l’hérédité et de l’environnement
Le naturalisme met l’accent sur l'influence de l’hérédité (les gènes, la biologie) et de l’environnement (l'éducation, le milieu social) sur les individus. L'écrivain naturaliste cherche à montrer comment les personnages sont façonnés par ces deux facteurs. Ainsi, un personnage né dans un milieu pauvre ou criminel est souvent dépeint comme voué à une destinée tragique, que ce soit par sa pauvreté ou par l’influence de sa famille.
Le chef de file du naturalisme est Émile Zola, mais de nombreux autres auteurs contribuent au développement du mouvement.
Émile Zola (1840-1902)
Écrivain prolifique, Zola est surtout connu pour sa série de romans intitulée "Les Rougon-Macquart". Cette série, qui comporte 20 romans, est une vaste fresque de la société française sous le Second Empire. Elle se veut une étude scientifique des effets de l’hérédité et du milieu social sur les individus. Parmi les romans les plus célèbres de cette série figurent "Germinal" (1885), qui raconte la grève des mineurs, "L’Assommoir" (1877), qui dépeint la vie misérable des ouvriers parisiens, et "Nana" (1880), qui explore la carrière d’une prostituée.
Les romans de Zola sont souvent marqués par une volonté de réalisme social, en exposant la misère des classes populaires et les mécanismes sociaux qui les maintiennent dans la pauvreté.
Gérard de Nerval (1808-1855)
Bien que souvent associé au romantisme, Gérard de Nerval a également écrit des œuvres qui mêlent le réalisme et le naturalisme. Ses œuvres les plus célèbres, comme "Aurélia" (1855), explorent la psychologie humaine et la folie, un thème qui sera également central dans le naturalisme.
Joris-Karl Huysmans (1848-1907)
Huysmans, bien qu'il ait évolué vers le symbolisme plus tard dans sa carrière, est initialement un écrivain naturaliste. Son premier roman, "À Rebours" (1884), présente une critique de la société bourgeoise et de ses valeurs, tout en explorant les limites de l'individu et de la civilisation à travers une approche naturaliste.
Alphonse Daudet (1840-1897)
Daudet, avec ses "Lettres de mon moulin" (1869) et "Tartarin de Tarascon" (1872), dépeint la vie en Provence, en mêlant réalisme et naturalisme. Son approche est moins scientifique que celle de Zola, mais il fait une critique sociale sous-jacente en exposant les faiblesses humaines et la misère de certaines classes populaires.
Bien que principalement un mouvement littéraire, le naturalisme a également influencé d'autres formes artistiques, notamment le théâtre et la peinture. Le naturalisme théâtral, inspiré par les œuvres de Zola et de ses contemporains, cherche à représenter le monde social avec une grande précision et à traiter des sujets sociaux contemporains. Dans le domaine de la peinture, des artistes comme Gustave Courbet ou Jean-François Millet ont adopté une approche similaire, cherchant à dépeindre la vie quotidienne des paysans et des ouvriers avec une grande fidélité à la réalité.
Le naturalisme a profondément marqué la littérature et la culture de la fin du XIXe siècle. Il a été un puissant vecteur de critique sociale et a influencé des générations d'écrivains. Si le mouvement a peu à peu été dépassé par d'autres courants, comme le symbolisme et le modernisme, il a laissé un héritage important, en particulier dans son approche scientifique de l'étude des individus et de la société. Par sa volonté d'analyser l'humanité avec la rigueur d'un chercheur, le naturalisme a contribué à une vision plus profonde et plus complexe de la condition humaine.
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