2e poème : Jésus est chargé de la croix
On lui rend ses vêtements et la croix lui est apportée.
« Salut », dit Jésus, « ô Croix que j'ai longtemps désirée ! » Et toi, regarde, chrétien, et frémis ! Ah, quel instant solennel
Que celui où le Christ pour la première fois accepte la Croix éternelle !
O consommation en ce jour de l'arbre dans le Paradis ! Regarde, pêcheur, et vois à quoi ton péché a servi.
Plus de crime sans un Dieu dessus et plus de croix sans le Christ ! Certes le malheur de l'homme est grand, mais nous n'avons rien à dire,
Car Dieu est maintenant dessus, qui est venu non pas expliquer, mais remplir.
Jésus reçoit la Croix, comme nous recevons la Sainte Eucharistie:
"Nous lui donnons du bois pour son pain", comme il est dit par le prophète Jérémie.
Ah ! Que la croix est longue, et qu'elle est énorme et difficile !
Qu'elle est dure! qu'elle est rigide ! que c'est lourd, le poids du pêcheur inutile !
Que c'est long à porter pas à pas jusqu'à ce qu'on meure dessus !
Est-ce vous qui allez porter cela tout seul Seigneur Jésus ?
Rendez-moi patient à mon tour du bois que vous voulez que je supporte.
Car il vous faut porter la croix avant que la croix nous porte.
Introduction :
Le deuxième poème du Chemin de la Croix de Paul Claudel, intitulé "Jésus est chargé de la croix", est un moment clé dans la Passion du Christ, où il accepte sa souffrance et s’apprête à porter la croix jusqu’à son supplice. Claudel dépeint non seulement la douleur physique de Jésus, mais aussi la profondeur spirituelle de ce geste. La croix devient ici un symbole de rédemption, et ce poème invite le lecteur à méditer sur le sens de la souffrance, du péché et de l'acceptation du divin. Le Christ, dans ce moment solennel, se présente comme l’incarnation du sacrifice et de l'amour divin, tout en offrant une réflexion sur le poids du péché et la possibilité de la rédemption. Ce commentaire se déploie autour de trois axes : la dimension sacrée et universelle de la Croix, le poids du péché humain, et la transformation spirituelle du chrétien face à la croix.
1. La Croix comme symbole de rédemption et d’éternité
Dans ce poème, Claudel nous invite à voir la croix comme bien plus qu’un simple instrument de torture. "Ô Croix que j'ai longtemps désirée !" s’exclame Jésus, une déclaration qui semble paradoxale, mais qui reflète la nature profonde de sa mission. Pour le Christ, la croix n’est pas seulement une souffrance à endurer, mais un acte rédempteur, un instrument de réconciliation entre l’humanité et Dieu. Claudel fait référence à l’"arbre dans le Paradis", un rappel de l’origine du péché, et de la manière dont la croix vient réparer ce qui a été brisé au début du monde. Jésus accepte la croix "comme nous recevons la Sainte Eucharistie", une comparaison frappante qui montre que le Christ perçoit la croix non pas comme une malédiction, mais comme un sacrement sacré, essentiel à la rédemption du monde. La croix devient ainsi le symbole de la victoire divine sur le mal, un acte solennel de l’amour divin qui englobe l’humanité tout entière.
2. Le poids du péché humain et la dureté de la croix
Claudel décrit avec une grande intensité la lourdeur de la croix que Jésus porte : "Que la croix est longue, et qu'elle est énorme et difficile ! Qu'elle est dure! que c'est lourd, le poids du pêcheur inutile !" La croix, en tant que symbole du péché humain, pèse lourdement sur les épaules de Jésus. La douleur physique est évidente, mais elle symbolise aussi le poids du péché du monde, la somme de toutes les faiblesses et injustices humaines. Le Christ porte cette croix, non seulement en tant qu’homme, mais aussi en tant que Sauveur, acceptant la souffrance pour expier les fautes des autres. La croix devient ainsi le miroir de la condition humaine, lourde, rigide, et difficile à porter. Cette image du Christ portant le poids du péché met en lumière la réalité du sacrifice et du salut. C'est un acte de souffrance infinie, mais aussi de pur amour, qui montre que le Christ ne vient pas expliquer le mal, mais "le remplir", c'est-à-dire l’absorber pour en expier les conséquences.
3. La transformation spirituelle du chrétien face à la croix
Ce poème, tout en mettant en lumière la souffrance du Christ, est aussi une invitation à la méditation pour le chrétien. Claudel écrit : "Rendez-moi patient à mon tour du bois que vous voulez que je supporte." Ce vers exprime le défi spirituel du chrétien, qui, en suivant l'exemple du Christ, doit apprendre à porter sa propre croix, c’est-à-dire les difficultés et souffrances de la vie. La croix, qui apparaît d'abord comme un fardeau insupportable, devient progressivement un moyen de transformation spirituelle. Le chrétien, en imitant Jésus, trouve dans sa propre souffrance la possibilité de se rapprocher de Dieu. Claudel montre que, par le sacrifice de Jésus, il est donné à l'homme de participer à un chemin de rédemption et de purification. La croix, en ce sens, devient une voie d’élévation spirituelle, un moyen de purification intérieure et d’union avec le divin.
Conclusion :
Le deuxième poème du Chemin de la Croix de Paul Claudel, "Jésus est chargé de la croix", explore la dimension sacrée et rédemptrice de la croix, tout en soulignant le poids du péché humain et la transformation spirituelle que cet acte de souffrance peut engendrer. Claudel invite le lecteur à méditer sur le sens profond de la Passion, qui n’est pas seulement une histoire de douleur physique, mais aussi une démarche de réconciliation et de rédemption. La croix devient ainsi à la fois un symbole de la fragilité humaine, mais aussi de l’espérance et de la possibilité de salut, un appel à suivre l'exemple du Christ et à trouver dans notre propre souffrance un chemin de purification et de transformation spirituelle.