3e poème : Jésus tombe une première fois
En marche ! victime et bourreaux à la fois, tout s'ébranle vers le Calvaire.
Dieu qu'on tire par le cou tout à coup chancelle et tombe à terre.
Qu'en dites-vous,
Seigneur, de cette première chute? Et puisque maintenant vous savez, qu'en pensez-vous ?
Cette minute où l'on tombe et où le faix mal chargé vous précipite !
Comment la trouvez-vous, cette terre que vous fîtes ?
Ah ! ce n'est pas la route du bien seulement qui est raboteuse.
Celle du mal, elle aussi, est perfide et vertigineuse !
Il n'est pas que d'y aller tout droit, il faut s'instruire pierre à pierre, Et le pied y manque souvent, alors que le cœur persévère.
Ah, Seigneur, par ces genoux sacrés, ces deux genoux qui vous ont fait faute à la fois, Par le haut-le-cœur soudain et la chute à l'entrée de l'horrible Voie,
Par l'embûche qui a réussi, par la terre que vous avez apprise, Sauvez-nous du premier péché que l'on commet par surprise !
Introduction :
Le troisième poème du Chemin de la Croix de Paul Claudel, intitulé "Jésus tombe une première fois", décrit un moment de grande humanité et de souffrance dans le cheminement du Christ vers le Calvaire. Cette chute symbolise non seulement la fragilité physique du Christ, mais aussi la difficulté inhérente à tout chemin vers le bien, la lutte contre les obstacles du mal. Dans ce poème, Claudel invite à réfléchir sur la notion de péché, sur les chutes inévitables dans la vie humaine, mais aussi sur la persévérance et l'espérance qui naissent de ces épreuves. Ce commentaire se structure autour de trois axes : la symbolique de la chute du Christ, l’enseignement de la fragilité humaine face à la souffrance et la nécessité de la persévérance sur le chemin du salut.
1. La chute du Christ : une image de fragilité humaine et divine
La première chute de Jésus est un événement marquant de sa Passion, et Claudel la décrit avec une grande intensité : "Dieu qu'on tire par le cou tout à coup chancelle et tombe à terre." Cette image de la chute de Jésus souligne non seulement la douleur physique de ce moment, mais aussi la profonde humanité du Christ. Bien que divin, Jésus fait l'expérience de la faiblesse humaine. En tombant, il incarne la fragilité de l'homme, confronté aux épreuves de la vie, à l'injustice, et à la souffrance. La question posée par Claudel – "Et puisque maintenant vous savez, qu'en pensez-vous ?" – suggère que la chute de Jésus n'est pas seulement une souffrance pour lui, mais aussi un moment de réflexion pour l'humanité. Elle nous invite à considérer la condition humaine dans sa réalité la plus brute et la plus humble, et à comprendre que le Christ, tout en étant divin, partage cette fragilité humaine avec nous.
2. La route du mal et la difficulté de marcher vers le bien
Claudel fait une observation intéressante sur la route que Jésus emprunte : "Ce n'est pas la route du bien seulement qui est raboteuse. Celle du mal, elle aussi, est perfide et vertigineuse !" Le poème souligne ici que les chemins de la vie ne sont pas toujours aussi simples qu’ils paraissent. Même sur la voie du mal, il existe des obstacles et des difficultés. Jésus, dans sa chute, nous montre qu’il ne suffit pas de s'engager sur le chemin du bien pour qu’il soit facile ou exempt de souffrance. La vie est pleine de pièges, de chutes imprévues, et parfois, même ceux qui cherchent à faire le bien rencontrent des embûches. "Il n'est pas que d'y aller tout droit, il faut s'instruire pierre à pierre, Et le pied y manque souvent, alors que le cœur persévère." Ces vers rappellent que la voie du bien est souvent semée d'embûches et que le chemin vers la vertu n’est pas une simple ligne droite. Le cœur, animé par la foi et la persévérance, est essentiel pour surmonter les obstacles.
3. La chute comme épreuve et le salut par la persévérance
La chute de Jésus est aussi un moment symbolique d’enseignement pour l’humanité : "Par les genoux sacrés, ces deux genoux qui vous ont fait faute à la fois, Par le haut-le-cœur soudain et la chute à l'entrée de l'horrible Voie..." Claudel met en lumière le caractère paradoxal de la chute : ce n’est pas seulement une défaite, mais aussi une leçon. Jésus, dans sa chute, nous enseigne que le péché et la souffrance font partie de l'expérience humaine, mais qu'il faut persévérer. "Sauvez-nous du premier péché que l'on commet par surprise !" Ce vers exprime l'idée que nous, humains, tombons souvent sans prévoir les conséquences de nos actes. Cette première chute, imprévue, est un appel à la vigilance et à la repentance. Jésus, en tombant, ne se laisse pas abattre mais continue son chemin vers la croix, nous montrant qu’il est possible de se relever, de continuer à avancer malgré les épreuves.
Conclusion :
Le troisième poème du Chemin de la Croix, "Jésus tombe une première fois", illustre la fragilité humaine, la difficulté du chemin de la rédemption et la nécessité de la persévérance. En montrant la chute de Jésus, Claudel ne se contente pas de décrire un simple événement physique, mais nous invite à réfléchir sur les obstacles que nous rencontrons tous dans nos vies, qu’ils soient liés au péché, à l’injustice, ou à la souffrance. La chute devient ainsi un symbole des épreuves humaines, mais aussi de l’espoir, de la capacité à se relever et à poursuivre le chemin. Jésus, en tombant et en se relevant, nous montre que le salut passe par la persévérance, le courage et la foi en la rédemption, même lorsque le chemin semble difficile.