La Fontaine - Les Fables - Le Lion et Le Rat

Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde :

On a souvent besoin d'un plus petit que soi.

De cette vérité deux fables feront foi,

Tant la chose en preuves abonde.

Entre les pattes d'un Lion

Un Rat sortit de terre assez à l'étourdie.

Le Roi des animaux, en cette occasion,

Montra ce qu'il était, et lui donna la vie.

Ce bienfait ne fut pas perdu.

Quelqu'un aurait-il jamais cru

Qu'un Lion d'un Rat eût affaire ?

Cependant il advint qu'au sortir des forêts

Ce Lion fut pris dans des rets,

Dont ses rugissements ne le purent défaire.

Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents

Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.

Patience et longueur de temps

Font plus que force ni que rage.

Jean de la Fontaine 

I. Division de la fable en trois parties

1. Introduction : La rencontre entre le Lion et le Rat

Du vers "Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde :" au vers "et lui donna la vie."

Cette première partie introduit la morale initiale et présente la situation. Un Rat, sortant de terre sans précaution, se retrouve sous les pattes d’un Lion. Ce dernier, bien que puissant, décide de faire preuve de clémence et épargne la vie du petit animal.

• Cette scène met en avant la générosité et la grandeur du Lion, roi des animaux.

• La faiblesse du Rat contraste avec la majesté du Lion, introduisant déjà un thème central : la valeur du plus petit face au plus grand.

2. Développement : Le renversement de situation

Du vers "Ce bienfait ne fut pas perdu." au vers "Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage."

La situation s’inverse de manière inattendue. Le Lion, pris au piège dans des rets, est impuissant face à sa captivité malgré sa force. Le Rat, autrefois sauvé par le Lion, arrive à son secours. Grâce à sa ténacité et ses dents, il libère le roi des animaux.

• Ce retournement montre que même le plus faible peut sauver le plus fort.

• Le courage et l'ingéniosité du Rat surpassent la force brute du Lion, illustrant la valeur de la patience et du travail minutieux.

3. Conclusion : La morale de la fable

Du vers "Patience et longueur de temps" au vers "Font plus que force ni que rage."

Les deux derniers vers contiennent la morale explicite :

• La patience et l’action réfléchie sont plus efficaces que la force ou la violence.

• Ce dénouement valorise l’intelligence, l’humilité et l’importance de ne pas sous-estimer les plus petits.

II. Les personnages

1. Le Lion :
   Symbole de la force, de la royauté et de la générosité. Malgré sa puissance, le Lion est impuissant face aux filets, ce qui rappelle que même les plus forts ont leurs limites.
   
   

2. Le Rat :
   Représentant des faibles et des petits, le Rat incarne l’intelligence, la reconnaissance et l’utilité inattendue. Grâce à son intervention, il prouve qu’un être insignifiant en apparence peut accomplir de grandes choses.
   
   

Ces personnages forment un duo complémentaire, où chacun joue un rôle essentiel dans la morale de la fable.

III. La morale

La morale est double et universelle :

1. "On a souvent besoin d'un plus petit que soi" : Cette leçon rappelle que l'aide peut venir de ceux que l'on considère comme insignifiants. Personne n’est totalement indépendant ou invincible.
   
   

2. "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage" : La patience et le travail persévérant sont souvent plus efficaces que l'impatience et la violence. Cette sagesse oppose l’action réfléchie à la force brute.
   
   

La Fontaine valorise ici l’humilité et la coopération sociale, tout en dénonçant l’arrogance de ceux qui sous-estiment les autres.

IV. Champs lexicaux

1. Le champ lexical de la force et de la royauté :

• "Lion", "Roi des animaux", "force", "rugissements" : Ces termes mettent en avant la grandeur du Lion et son statut de souverain.

2. Le champ lexical de la faiblesse et du sauvetage :

• "Rat", "dent", "rongée", "maille" : Ces mots montrent la fragilité apparente du Rat, mais également son efficacité dans l'action.

Ces deux champs lexicaux s’opposent pour mieux illustrer la complémentarité des personnages.

V. Les figures de style

1. Antithèse :

• "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage" : L’opposition entre patience/travail et force/violence souligne la morale.

2. Personnification :

• "Sire Rat accourut, et fit tant par ses dents" : Le Rat adopte des comportements humains (agir, accourir), ce qui le rend héroïque.

3. Hyperbole :

• "Dont ses rugissements ne le purent défaire" : L’exagération des rugissements du Lion montre son impuissance face aux filets.

4. Inversion :

• "Quelqu’un aurait-il jamais cru / Qu’un Lion d’un Rat eût affaire ?" : L'inversion met en valeur l’ironie de la situation et le retournement de rôle.

VI. Connoté / Dénoté

1. Dénoté :
   L’histoire raconte la générosité d’un Lion sauvant un Rat, puis le Rat, en retour, sauve le Lion pris dans des filets.
   
   

2. Connoté :
   
   

• Le Lion symbolise les puissants qui, malgré leur statut, dépendent parfois des plus faibles.

• Le Rat incarne les petits que l’on méprise, mais qui peuvent jouer un rôle crucial.

• Les filets représentent les obstacles inattendus auxquels tout être, même le plus fort, peut être confronté.

VII. Péjoratif / Mélioratif

1. Mélioratif :

• "Roi des animaux", "montra ce qu'il était" : Ces expressions valorisent la noblesse et la grandeur du Lion.

• "Patience", "longueur de temps" : La patience est présentée comme une vertu positive et efficace.

2. Péjoratif :

• "Pris dans des rets", "rugissements" : Ces mots ridiculisent la force inutile du Lion face à une situation qui le dépasse.

Conclusion

Le Lion et le Rat est une fable qui enseigne deux grandes leçons de vie : la valeur des plus petits et la supériorité de la patience sur la force. À travers des personnages symboliques et une structure claire, La Fontaine nous rappelle que l’humilité et la reconnaissance sont essentielles dans un monde où chacun dépend des autres. Avec un style simple et poétique, il nous invite à ne jamais sous-estimer l’utilité des plus faibles et à valoriser la réflexion plutôt que la violence.