De nos jours, les gens vivent dans de grandes maisons, avec des portes et des fenêtres, des cours carrelées et des portails à colonnades : mais il y a plusieurs milliers d'années, les hommes ne vivaient pas ainsi, et il n'y avait pas non plus de pays de soixante millions d'habitants, comme il y en a aujourd'hui. Dans ces temps-là, il n'y avait pas de livres qui racontaient les choses : les pierres, les os, les coquillages, les instruments de travail sont ce qui enseignent comment vivaient les hommes d'autrefois. C'est ce qu'on appelle “l'âge de pierre”, quand les hommes vivaient presque nus, ou vêtus de fourrures, se battant avec les fauves de la forêt, cachés dans les grottes de la montagne, sans savoir qu’il y avait là-bas dans le monde du cuivre et du fer dans les temps qu'on appelle “paléolithiques” : - Quel long mot que celui de “paléolithique” ! Les hommes ne savaient alors même pas tailler la pierre : ensuite ils ont commencé à lui donner une forme, avec des haches en silex aiguisées, et ce fut le nouvel âge de la pierre, qu'on appelle “néolithique” : neo, nouveau, litique, de pierre : paleo, bien sûr, cela signifie vieux, ancien.
Alors les hommes vivaient dans les cavernes de la montagne, où les bêtes féroces ne pouvaient pas monter, ils ouvraient un trou dans le sol, et ils fermaient l'entrée avec une porte faite de branches d'arbres ; ou ils faisaient un toit avec des branches là où la roche était comme ouverte en deux ; ou ils plantaient dans le sol trois bâtons pointus et les recouvraient de la peau des animaux qu'ils chassaient : les animaux étaient alors grands, grands comme des montagnes. En Amérique il ne semble pas que les hommes de cette époque vivaient ainsi, mais plutôt qu'ils marchaient ensemble comme des peuples, et non comme des familles isolées : on voit encore les ruines de ce qu'on appelle les “terrapleneros” [terre-pleins], car ils fabriquaient avec de la terre des murets en forme de cercle, de triangle, de carré, ou faits de quatre cercles les uns dans les autres : d'autres Indiens vivaient dans des maisons de pierre qui étaient comme des villages, et ils les appelaient les maisons des peuples, car il y avait là jusqu'à mille familles à la fois, et on n'entrait pas dans la maison par des portes, comme nous, mais par le toit, comme le font de nos jours les Indiens Zuñis : dans d'autres endroits, il y a des maisons sur les bords dans les trous des rochers, où ils grimpaient en s'agrippant à des entailles dans la pierre, comme un escalier.
Partout des familles se rassemblaient pour se défendre, et faisaient des cités dans les rochers, ou au milieu des lacs, ce qu'on appelle des cités lacustres, parce que les maisons en troncs d'arbres étaient sur l'eau, posées sur des piliers plantés dans le fond, ou fixées avec des pierres à leur pied, pour que le poids maintienne les maisons à flot : et parfois ils assemblaient certaines maisons avec des poutres, et mettaient une palissade autour d'elles pour se défendre des voisins qui venaient combattre, ou des animaux de la montagne : le lit était fait d'herbe sèche, les tasses étaient en bois, les tables et les sièges étaient faits de troncs d'arbres.
D'autres dressaient trois grosses pierres au milieu d'une forêt, et une plate sur le dessus en guise de toit, avec une clôture en pierre, mais ces dolmens n'étaient pas faits pour vivre, mais pour enterrer leurs morts, ou pour aller entendre les vieillards et les sages quand la saison changeait, qu’il y avait la guerre, ou qu’ils devaient choisir un roi : et pour se souvenir de chacun d'eux, ils plantaient dans le sol une grande pierre, comme une colonne, qu'ils appelaient " menhir "en Europe, et que les Indiens mayas appelaient “Katún”; car les Mayas du Yucatan ne savaient pas que de l’autre côté de la mer vivait le peuple gaulois, là où est la France maintenant, pourtant ils ont fait la même chose que les Gaulois et les Germains, qui vivaient là où se trouve maintenant l'Allemagne. En l’étudiant on apprend ceci : que l'homme est le même partout, il apparaît et évolue de la même manière, il fait et pense les mêmes choses, sans plus de différence que celle de la terre sur laquelle il vit, parce que l'homme qui naît sur une terre d’arbres et de fleurs pense plus à la beauté et aux ornements, et a plus de choses à dire que celui qui naît sur une terre froide, où il voit le ciel obscur et sa grotte dans la roche. On apprend une autre chose, c'est que là où naît l'homme sauvage, sans savoir qu'il y a déjà des peuples dans le monde, il commence à vivre comme vivaient les hommes il y a des milliers d'années.
À côté de la ville de Saragosse, en Espagne, il y a des familles qui vivent dans des trous ouverts dans la terre de la montagne : dans le Dakota, aux États-Unis, ceux qui vont fonder le pays vivent dans des cavités, avec des toits de branches, comme à l'âge néolithique : sur les rives de l'Orénoque, en Amérique du Sud, les Indiens vivent dans des cités lacustres, les mêmes que celles qui existaient il y a des centaines de siècles dans les lacs de Suisse : l'Indien d'Amérique du Nord traînait avec son cheval les trois perches de son tipi, qui est une tente en fourrure, comme celle que les hommes du néolithique érigeaient dans les déserts : le noir d'Afrique fait aujourd'hui sa maison avec des murs de terre et un toit de branches, comme les Germains d'autrefois, et il place en hauteur le montant de la porte comme le Germain le plaçait, pour que les serpents n'entrent pas. Ce n'est pas qu'il y ait eu un âge de pierre, durant lequel tous les peuples auraient vécu simultanément de la même façon ; et ensuite un autre de bronze, quand les hommes ont commencé à travailler le métal, puis un autre âge du fer. Il y a des peuples qui vivent, comme la France aujourd'hui, dans le plus bel âge du fer, avec sa tour Eiffel qui traverse les nuages : et d'autres peuples qui vivent à l'âge de pierre, comme l'Indien qui construit sa maison dans les branches des arbres, et avec sa lance en silex, il part pour tuer les oiseaux de la forêt et embrocher dans les airs les poissons volants de la rivière.
Mais les peuples d'aujourd'hui grandissent plus vite, parce qu'ils se joignent aux peuples plus anciens et apprennent avec eux ce qu'ils ne savent pas ; pas comme avant, lorsqu'ils devaient aller petit à petit découvrir tout eux-mêmes. L'âge de pierre fut le commencement de la vie, quand les hommes erraient fuyant les animaux, qu’ils vivaient un jour ici et le lendemain là, et qu’ils ne savaient pas que les fruits de la terre étaient bons à manger. Ensuite les hommes trouvèrent le cuivre, qui était plus malléable que le silex, et l'étain, qui était plus mou que le cuivre, et ils ont vu qu'avec le feu le métal se retirait de la roche, et qu'avec l'étain et le cuivre ensemble on faisait un nouveau métal, excellent pour les haches, les lances et les couteaux, et pour couper la pierre. Quand les peuples ont commencé à savoir comment travailler le métal et à joindre le cuivre à l'étain, alors ils étaient à l'âge du bronze. Il y a des peuples qui ont atteint l'âge du fer sans passer par l'âge du bronze, car le fer était le métal de leur terre, et ils ont commencé à le travailler, sans savoir qu'il y avait du cuivre ou de l'étain dans le monde.
Lorsque les hommes d'Europe vivaient à l'âge du bronze, ils construisaient déjà de meilleures maisons, même si elles n’étaient pas aussi élaborées et parfaites que celles des Péruviens et des Mexicains d'Amérique, chez qui les deux âges ont toujours coexisté, car ils ont continué à travailler avec du silex alors qu’ils avaient déjà leurs mines d'or, leurs temples avec des soleils dorés comme le ciel, et leurs huacas, qui étaient les cimetières du Pérou, où l'on déposait les morts avec les vêtements et les cruches qu'ils utilisaient dans la vie.
La maison de l'Indien péruvien était en maçonnerie, sur deux étages, avec les fenêtres très hautes, et les portes du dessous plus larges que celles de la corniche, qui était habituellement en pierre sculptée, finement travaillée. Le Mexicain ne construisait pas sa maison aussi solide, mais plus ornée, comme dans les pays où il y a beaucoup d'arbres et d'oiseaux. Sur le toit il y avait comme des marches, où ils mettaient les figures de leurs saints, comme on met aujourd'hui beaucoup sur les autels des figures d'enfants, des jambes et des bras en argent : ils ornaient les murs avec des pierres sculptées, et de bandes de perles ou de fils tressés, imitant les ornements et les franges que leurs femmes brodaient sur leurs tuniques : dans les pièces intérieures, ils sculptaient les têtes sur les poutres, représentant leurs dieux, leurs animaux ou leurs héros, et à l'extérieur, ils mettaient des cannelures en courbe gracieuse dans les coins, comme pour imiter des plumes. Au loin, les maisons brillaient sous le soleil, comme si elles étaient en argent.
C’est chez les peuples d'Europe que l’on voit le plus clairement les trois âges, et mieux encore parmi ceux plus au nord, car c’est là que les hommes ont vécu isolés, chacun dans leur village, pendant des siècles et des siècles, et comme ils ont commencé à vivre à la même époque, on peut voir que même s'ils ne se connaissaient pas les uns les autres, ils allaient en progressant de la même façon. La terre se dispose en couches à mesure que passent les siècles : la terre est comme une pâte feuilletée, qui a plusieurs strates les unes sur les autres, des couches de pierre dure, et parfois vient de l'intérieur, des profondeurs du monde, une masse de roche qui brise les couches agglomérées, elle sort à l'air libre, et reste par-dessus la terre, comme un géant qui gronde, ou comme un fauve en colère, lançant par le cratère de la fumée et du feu : ainsi se font les montagnes et les volcans.
C'est à partir de ces couches de la terre que l'on sait comment l'homme a vécu, parce que dans chacune il y a ses os enterrés, des restes d'animaux et des arbres de cet ère, des vases et des haches ; en comparant les couches d'un endroit à celles d'un autre, on voit que les hommes vivent partout presque de la même façon à chaque âge de la terre : sauf que la terre met beaucoup de temps à passer d'un âge à un autre, à se recouvrir d’une couche nouvelle, et ainsi arrive celle des Romains et des Bretons d'Angleterre à l'époque de Jules César, lorsque les Romains avaient des palais de marbre avec des statues d'or et qu’ils portaient de costumes de laine très fine, les peuple de Bretagne vivait dans des grottes, il s'habillait de peaux de bêtes sauvages et combattait avec des masses faites de troncs durs.
Dans ces vieux peuples, on peut voir comment l'homme a progressé, car après les couches de l'âge de pierre, où l'on ne trouve que du silex, viennent les autres couches de l'âge du bronze, avec beaucoup de choses faites du mélange de cuivre et d'étain, puis viennent les couches d'en haut, celles des temps récents, que l'on appelle l'âge du fer, quand l'homme apprit que le fer se ramollissait avec un feu puissant, et qu'avec le fer blanc il pouvait fabriquer des marteaux pour briser la roche, des lances pour combattre, des pics et des lames pour travailler la terre : c’est qu’on commence à voir des maisons en pierre et en bois, avec des cours et des chambres, imitant toujours les cahutes de pierre placées les unes sur les autres sans aucun mortier, ou les tentes de fourrures de leurs déserts et de leurs plaines : ce que l'on voit, c'est que depuis qu'il est venu au monde, l'homme aimait copier dans des dessins les choses qu'il voyait, car même les cavernes les plus sombres où vivaient les familles sauvages étaient pleines de figures sculptées ou peintes dans la roche, et dans les montagnes et sur les rives des rivières, on voit des mains, des signes étranges, et des peintures d'animaux, qui étaient déjà là depuis de nombreux siècles quand les peuples d'aujourd'hui sont venus vivre dans le pays.
On voit aussi que tous les peuples ont pris grand soin d'enterrer les morts avec beaucoup de respect et ont construit de hauts monuments, comme pour être plus près du ciel, comme nous le faisons maintenant avec les tours. Les terre-pleins formaient des montagnes de terre, où les cadavres avaient leur sépulture : les Mexicains posaient leurs temples au sommet de très hautes pyramides : les Péruviens avaient leur "chullpa" [tour funéraire] de pierre qui était une tour large au sommet, comme la poignée d’un bâton : sur l'île de Sardaigne il y a des tours appelées "nuraghe” [tour ronde en forme de cône tronqué], dont personne ne sait à quel peuple elles étaient ; les Égyptiens ont élevé leurs pyramides avec d'énormes pierres, et avec le porphyre le plus dur, ils ont fait leurs obélisques célèbres, où ils ont écrit leur histoire avec les signes qu'on appelle “hiéroglyphes”.
Ces temps des Égyptiens d’alors commencent ce qu’on appelle les "temps historiques" parce qu’on peut écrire leur histoire avec ce que l'on sait d'eux : les autres peuples des premiers âges sont appelés peuples "préhistoriques", d'avant l'histoire, ou peuples primitifs. Mais la vérité est que chez ces mêmes peuples historiques, il y a encore beaucoup de préhistorique, car il faut aller chercher pour deviner où et comment ils vivaient. Personne ne sait quand les Quechuas ont construit leurs aqueducs, leurs chemins et leurs chaussées au Pérou ; ni quand les Chibchas de Colombie ont commencé à fabriquer leurs breloques et leurs cruches en or ; ni quel était le peuple qui vivait au Yucatan avant les Mayas, découverts là par les Espagnols ; ni d'où est venue la race inconnue qui a construit les terre-pleins et les maisons des peuples en Amérique du Nord ?
Il en va de même pour les peuples d'Europe ; même si on voit que les hommes sont apparus là en même temps, comme nés de la terre, en de nombreux endroits différents ; mais que c’est là où il faisait moins froid et où le pays était plus en altitude que l'homme a vécu dans les premiers temps : et comme il commençait à vivre là, c'est là qu’il est parvenu plus vite à savoir, à découvrir les métaux, à fabriquer, et à partir de là, avec les guerres, les inondations et le désir de voir le monde, les hommes se sont disséminés par terre et par mer. C'est dans les zones les plus élevées et les plus fertiles du continent que le premier homme transatlantique[1] s’est civilisé. Dans notre Amérique, la même chose s’est produite : dans les hauts plateaux du Mexique et du Pérou, dans les terres abondantes des hautes vallées, c'est là où l’Indien d’Amérique a eu ses meilleurs peuples. Sur le continent transatlantique, il semble que l'Égypte ait été le peuple le plus ancien, et de là, les hommes sont entrés dans ce qu'on appelle maintenant la Perse et l'Asie Mineure, ils sont venus en Grèce, à la recherche de la liberté et de la nouveauté, et en Grèce, ils ont érigé les bâtiments les plus parfaits du monde, et ils ont écrit les livres les mieux composés et les plus beaux. Il y avait des peuples nés dans tous ces pays, mais ceux qui venaient des peuples anciens en savaient plus, ils les battaient à la guerre, ou leur enseignaient ce qu'ils savaient, et ils se joignaient à eux. Du nord de l'Europe vinrent d'autres hommes plus forts, obligés de se battre avec des bêtes sauvages et de vivre dans le froid : et de ce qu'on appelle de nos jours Hindoustan[2], ont fui après une grande guerre les gens de la montagne et ils ont rejoint les Européens des terres froides, qui descendaient du Nord pour combattre les Romains, parce que les Romains étaient venus leur ôter leur liberté, et parce qu'ils étaient des gens pauvres et farouches, qui enviaient Rome, pour sa sagesse et sa richesse, et comme fille de la Grèce. Ainsi allaient en voyageant les peuples du monde, comme les courants vont par la mer et les vents dans l’air.
[1] L’ancien monde dont l’Europe.
[2] Hindoustan : sous-continent indien.
Patrick Moulin, MardiPhilo, juin 2025.
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