Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
En ce mois d’août de l’année 1729, un ami sincère m’a rapporté que dans vos Nouveautés littéraires du mois d’août de l’année 1727, moi-même et mon livre [la Science nouvelle] avons reçu de votre part, messieurs les illustres savants de Leipzig, une mauvaise appréciation [...]. P. 33.
Mais puisque toutes ces affirmations sont fausses, à l’exception d’une seule qui est vraie, [...] je vous montrerai, dans ces Annotations, que si vous les avez publiées, c’est que vous étiez trompés par la mauvaise foi d’autrui. p. 34.
[Étant] donné que cet homme fait semblant d’appartenir à un autre peuple et renie le sien, je l’appellerai, dans ces Annotations, “vagabond inconnu”. p. 35.
[Le] sujet principal de cette Science, ce n’est pas le droit naturel des gens, mais la nature commune des nations, de laquelle découle et se répand de la même manière chez tous les peuples une connaissance cohérente et universelle des choses divines et humaines ; c’est ainsi qu’un nouveau système de droit naturel a été découvert, qui constitue le principal corollaire de cette science. p. 37.
Ce n’est pas un hasard si à cet endroit le vagabond a retenu le terme d’ingenium ; [...] ce vagabond affirme que dans mon système, plus conforme au génie de l’Église catholique, je fais davantage de concessions à l’ingéniosité qu’à la vérité. / Mais à vrai dire je revendique cela comme une chose excellente [...]. [C’est] cette Église qui m’a permis d’établir fermement un système valable pour l’ensemble du genre humain et m’a appris deux dogmes, premièrement celui de la Divine Providence et deuxièmement celui du libre arbitre des hommes [...]. p. 41.
La guerre impie que mène le vagabond inconnu contre la Divine Providence est à ce point engagée, qu’il ne reconnaît pas le statut de philosophe à Cicéron, lequel, sur la base d’un consensus unanime de toutes les nations et de tous les peuples, veut qu’on tienne la Divine Providence pour la puissance qui préside aux choses humaines. Et il ne le reconnaît pas non plus à Platon, qui a démontré par des arguments rationnels conformes à la nature des choses que la Providence est l'ordre intelligent et libre des choses naturelles. p. 43-44.
Mais la philosophie, la géométrie, la philologie voire la totalité des sciences démontrent de manière manifeste qu’il est tout à fait absurde de croire que l’ingenium s’oppose à la vérité. / En tout premier lieu la philosophie, car il est [...] démontré par les philosophes que l’ingenium est le père divin de toutes les découvertes. Plaise au ciel que les philosophes commencent à suivre dans leur travail les principes que donne Bacon dans son Novum Organum, de sorte qu’ils prouvent par l’expérience que ce qu’ils ont pensé est vrai [...]. [Chez] les Anglais, on pratique plus que tout autre la philosophie expérimentale. p. 44.
Quant à la géométrie [...], j’ai pu me rendre compte du fait que, par la méthode synthétique des Anciens, elle parcourt les innombrables propositions d’Euclide, à savoir les principes des grandeurs, et réunit les propositions qui, étant séparées et distinctes, ne semblaient avoir entre elles aucun [rapport]. [...] Or, cela n’est à la portée que d’un très grand ingenium ; si bien que le géomètre, dans son monde de figures, est en quelque sorte un dieu, tout comme le Dieu très bon et très grand, dans ce monde d’âmes et de corps, est en quelque sorte un géomètre. p. 45.
Enfin, dans les traités de rhétorique, la philologie nous apprend que l’acuité de l’ingenium ne peut être disjointe de la vérité. En effet, elle réunit des choses qui paraissent communément séparées et éloignées entre elles sous quelque principe commun de vérité cachée et les rend denses de signification. Et dans ce principe commun, dans lequel se résument un grand nombre de longs raisonnements, ces mêmes choses apparaissent harmonieusement liées ensemble et comme formant un tout. p. 47.
[Le] rire est le résultat d’un piège tendu à l'ingenium de l’homme, avide de vérité ; c’est pourquoi le rire est d’autant plus abondant que la simulation de la vérité est réussie. p. 50.
Ainsi, savants de Leipzig, j’en ai fini avec vous, dans ces notes, au sujet de ce que vous avez fait ; mais il me reste à traiter à part un dernier aspect de ma cause, et à ce propos je m’adresserai familièrement à ce vagabond inconnu, qui vous a rendu compte de mon livre de manière extravagante et qui a parlé hors de propos quand il a pris la parole à ce sujet. p. 66.
Puisque donc tu es tel, à savoir un fourbe caché dans les ténèbres épaisses de ton nom, que tu ne supportes pas d’affronter en public le regard des hommes, également nuisible à tes amis et à tes ennemis ; que tu fuis ta patrie alors que personne ne te persécute, que tu n’as pas de lieu où t’arrêter, de ce côté-ci des Alpes ou au-delà, et puisque le savoir ou l’érudition, qui rendent meilleurs les hommes de bonne nature, rendent très méchants ceux qui ont une mauvaise nature, pour toutes ces raisons, je t’exhorte vivement et t’invite à renoncer au nom d’érudit et, autant que faire se peut, à l'éloigner de toi ; il vaut mieux, en effet, être ignorant et inoffensif qu’être très savant et errer, inconnu, avec le poids d’une si grande faute, et être mis au ban du genre humain. p. 73-74.
[Je] revendique le nom de Vico dont ce vagabond m’a dépossédé ; c’est pourquoi au début de ce livre ont été inscrits les mots : “Revendications de Vico”. p. 74.
Mais toi, équanime lecteur, sache que j’ai composé cet opuscule dans un poêle, alors que je souffrais d’une maladie mortelle et fulgurante dont le remède même est dangereux puisqu’il peut causer aux vieillards une apoplexie. Sache ensuite qu’il y a presque vingt ans que j’ai dit adieu à tous les livres pour apporter ma contribution, dans la mesure de mes faibles moyens, à la science du droit naturel des gens ; et pour cette science je me suis donné beaucoup de mal, m’étant plongé tout entier dans les arcanes d’une bibliothèque complexe et variée, celle de toute la pensée humaine, où je méditais sur les plus anciens fondateurs des nations, dont après plus de mille ans sont issus tous les écrivains. p. 74-75.
Pour toutes ces raisons, et après cet exemple d’un grave oubli, si tu en trouves quelque autre dans cet écrit, pardonne-moi ; et si tu trouves que quelque chose n’a pas été traité complètement ni poli à la perfection, juges-en avec équité et bonté. p. 76.
VICO G., Vici Vindiciae, Paris, Éditions Allia, 2004.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, janvier 2025.
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