Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Il n’y a dans ce film ni symbole ni thèse. [...] C'est un film réaliste et qui met cinématographiquement en œuvre le plus vrai que le vrai, ce réalisme supérieur, cette vérité que Goethe oppose à la réalité et qui sont la grande conquête de notre époque. p. 7.
Personnage d’Orphée (Jean Marais)
Dans le film, Orphée n’est pas le grand prêtre qu’il fut. [...] Orphée incarne plusieurs thèmes. / Le thème que résume le vers de Mallarmé : / “Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change.” / Le poète doit mourir plusieurs fois pour naître. [...] Le thème de l’inspiration. On ne devrait pas dire inspiration mais expiration. Ce qu’on nomme l’inspiration vient de nous, de notre nuit et non du dehors, d’une autre nuit soi-disant divine. p. 7-8.
Personnage d’Heurtebise (François Périer)
Heurtebise n’est pas du tout un ange [...]. C’est un jeune mort au service des innombrables satellites de la mort. Il est encore très peu mort. p. 9.
Au tribunal [...] la princesse et Heurtebise doivent avouer l’ombre de l’ombre d’un sentiment qu’ils éprouvent, le règne humain auquel ils ont appartenu ayant encore prise sur eux. p. 9.
Personnage d'Eurydice (Marie Déa)
Eurydice [...] est imperméable au mystère. / Elle traverse toutes les aventures de la légende avec une pureté parfaite et un seul objectif : l’amour qu’elle porte à son mari. Cet amour d’un seul bloc gagnera sa cause et décidera la mort d’Orphée à l’acte étrange qui figure le thème de l’immortalité. La mort du poète s’annule afin de le rendre immortel. p. 9-10.
Personnage de la princesse (Maria Casarès)
La princesse [...] est la mort d’Orphée [...]. Elle est une des innombrables fonctionnaires de la mort. Chacun de nous possède sa mort qui le surveille depuis sa naissance. p. 10.
Son amour pour Orphée et l’amour d’Orphée pour elle figurent cette profonde attraction des poètes pour tout ce qui dépasse le monde qu’ils habitent, leur acharnement à vaincre l’infirmité qui nous ampute d’une foule d’instincts qui nous hantent sans que nous puissions leur donner une forme précise ni les agir. p. 10.
La zone
La zone n’a rien à voir avec aucun dogme. C’est une frange de la vie. Un no man’s land entre la vie et la mort. On n’y est ni tout à fait mort ni tout à fait vivant. p. 11.
Les miroirs
J’allais oublier le thème des miroirs où l’on se voit vieillir et qui nous rapprochent de la mort. p. 11.
[Le] film se propose de n’être que la paraphrase d’un mythe de l’antiquité grecque, ce qui est normal puisque le temps est une notion purement humaine et, qu’en fait, il n’existe pas. p. 11.
J’ai cessé d’écrire à vingt ans. Je n’apportais rien de neuf. On respecte mon silence. p. 15.
Orphée… votre plus grave défaut est de savoir jusqu’où on peut aller trop loin. / - Le public m’aime. / - Il est bien le seul. p. 16.
Le silence va plus vite à reculons. [...] Un seul verre d’eau éclaire le monde. p. 22.
Si vous dormez, si vous rêvez, acceptez vos rêves. C’est le rôle du dormeur. p. 24.
Les miroirs feraient bien de réfléchir davantage. p. 25.
Vous cherchez trop à comprendre ce qui se passe, cher monsieur. C’est un grave défaut. p. 25.
Les hommes reviennent toujours. Ils sont tellement absurdes. p. 29.
Qu’on ne m’annonce plus de nouvelles ! Qu’on ne m’annonce plus de grandes nouvelles surtout ! Les nouvelles qu’on m’annonce sont toujours de mauvaises nouvelles ! p. 35.
Dites la vérité : vous voulez garder sous la main un personnage de cette histoire. p. 37.
Je me suis suicidé au gaz. Cette odeur me pourchasse depuis ma mort. p. 38.
L’oiseau chante avec ses doigts. p. 39.
Et, cette première nuit, la Mort d’Orphée vint dans sa chambre, le voir dormir. p. 39.
Nous étions morts sans nous en apercevoir. p. 41.
Et chaque nuit, la mort d’Orphée revenait dans la chambre. p. 50.
La princesse sort du miroir à trois faces, dont elle pousse les volets de droite et de gauche. C’est elle qui éclaire ce qu’elle approche. [...] - Voulez-vous fermer vos portes ? [...] Le miroir. p. 52.
Pourquoi faites-vous cette figure ? Vous vous attendiez sans doute à me voir travailler avec un suaire et une faux. Mais, mon garçon, si j'apparaissais comme ils me représentent, ils me reconnaîtraient et cela ne faciliterait pas notre tâche. p. 53.
Le crêpe des petites veuves et un vrai déjeuner de soleil. p. 53.
Jupiter rend sages ceux qu’il veut perdre. [...] Le ciel nocturne est une haie de mai. p. 55-56.
Apprendrez-vous jamais à ne pas regarder en arrière ? À ce petit jeu, il y en a qui se changent en statue de sel. p. 58.
Orphée !... Vous connaissez la mort. / - J’en parlais. J’en rêvais. Je la chantais. Je croyais la connaître. Je ne la connaissais pas. / - Vous la connaissez… en personne. p. 60.
Je vous livre le secret des secrets… Les miroirs sont les portes par lesquelles la mort vient et va. p. 60.
Un poète est plus qu’un homme. p. 61.
Votre femme habite un autre monde où je vous invite à me suivre. / - Je la suivrais aux enfers…/ - On ne vous en demande pas tant. p. 61.
Orphée, regardez-moi dans les yeux. Désirez-vous rejoindre Eurydice ou la mort ? [...] / - Les deux… / … Et, si possible, tromper l’une avec l’autre… p. 61.
Il ne s'agit pas de comprendre. Il s'agit de croire. p. 62.
La vie est longue à être morte. C’est la zone. Elle est faite des souvenirs des hommes et des ruines de leurs habitudes. p. 63.
Que font ces gens qui rôdent ? Est-ce qu’ils vivent ? / - Ils le croient. Rien n’est plus tenace que la déformation professionnelle. p. 64.
Qu’appelez-vous poète ? / - Écrire sans être écrivain. p. 68.
Chez nous, il y a des figures innombrables de la mort, des jeunes, des vieilles qui reçoivent des ordres. p. 70.
[Celui qui donne ces ordres] n’habite nulle part. Les uns croient qu’il pense à nous, d’autres qu’il nous pense. D’autres qu’il dort et que nous sommes son rêve… son mauvais rêve. p. 71.
Tous les mondes sont émus par l’amour. p. 72.
“Nous, tribunal d’enquête, décidons de mettre la mort d’Orphée et ses aides en liberté provisoire… [...] Orphée, libre, sous réserve de ne jamais dire ce qu’il a vu. Eurydice, libre de revivre dans l'autre monde, sous condition qu’Orphée ne la regarde jamais. Un seul regard sur elle et il la perdra pour toujours.” p. 72-73.
Méfiez-vous des miroirs. p. 77.
On se représente mal la difficulté, la tension d’esprit qu'exige une bêtise pareille. p. 77.
Je vais vous dire, moi, ce que ma femme pourrait faire d’autre ! Se rendre exactement compte de la difficulté affreuse dans laquelle je me trouve. / - Orphée ! Et elle ?... Vous croyez qu’elle ne souffre pas ? / Vous vous trompez, mon cher. Les femmes adorent les complications. p. 78-79.
Le portrait de votre femme n’est pas votre femme. p. 79.
C’est sa faute. Elle ferait se retourner un mort. p. 80.
S’il vous haïssait, il n’aurait pas été vous arracher à la mort. On le citera en exemple… / - Ce n’est pas pour moi qu’il est venu. p. 81.
Eurydice ne retrouvait pas Orphée. Elle ne pouvait supporter ce retour. Elle voulait le délivrer d’elle, et il n’y avait qu’un seul moyen. p. 81.
Une courte interruption de courant lui avait fait manquer son but. Il fallait continuer à vivre… et le lendemain matin… p. 82.
Orphée regarde en l’air. Son regard rencontre le rétroviseur. Il voit Eurydice. Elle disparaît. p. 84.
Que pense le marbre dans lequel on sculpte un chef-d’œuvre ? Il pense : on me frappe ! On m’abîme ! On m’insulte ! Je suis perdu. La vie me sculpte, Heurtebise, laissez-la finir son travail. p. 85.
Le revolver tombe. Un jeune homme le ramasse. Orphée se dégage et frappe le jeune homme au menton. Il bascule. Le coup part. Orphée porte les mains à son ventre. Fuite. Orphée s’effondre. p. 86.
C’est la première fois que j’ai presque la notion du temps. Ce doit être affreux, pour les hommes, d’attendre… p. 88.
Ce n’est plus le même voyage… Heurtebise conduit Orphée où il ne devrait pas le conduire… Nous sommes loin de sa belle démarche immobile. Orphée et son guide se traînent, tour à tour empêchés et emportés par un grand souffle inexplicable. p. 88.
Je ne te voulais pas chez les hommes. p. 89.
La mort d’un poète doit se sacrifier pour le rendre immortel. p. 90.
Sans la volonté, nous sommes des infirmes. p. 91.
Alors, en route ! Remontez le temps. Il faut que ce qui a été ne soit plus. p. 92.
Tes livres s’écrivent tout seuls… p. 93.
Madame, quand on est arrêté ici, qu’est-ce qui se passe ? / - Ce n'est pas drôle… / - Ce n’est drôle nulle part. / - Ici, moins qu’ailleurs. p. 94-95.
Il fallait les remettre dans leur eau sale. p. 95.
COCTEAU J., Orphée (Film), Paris, Librio, 1999.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, avril 2025.
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