Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Le privilège du cinématographe c’est qu’il permet à un grand nombre de personnes de rêver ensemble le même rêve et de nous montrer, en outre, avec la rigueur du réalisme, les phantasmes de l’irréalité. Bref, c’est un admirable véhicule de poésie. Mon film n’est pas autre chose qu’une séance de strip-tease, consistant à ôter peu à peu mon corps et à montrer mon âme toute nue. Car il existe un considérable public de l’ombre, affamé de ce plus vrai que le vrai qui sera un jour le signe de notre époque. Voici le legs d’un poète aux jeunesses successives qui l’ont toujours soutenu. p. 16.
Le professeur ne pourrait plus vous entendre ni vous répondre. Lorsqu’il était enfant sa mère a eu peur de je ne sais quoi et elle l’a laissé tomber sur la tête. Il a vécu sans souffrir de cette chute, mais un jour… p. 23-24.
La vie du professeur ne tenait qu’à un fil. Il cassa. p. 24.
Je la tenais enfin, cette boîte qui devait me rendre libre… p. 25.
C'est probablement une tout autre chute que le bébé professeur avait dû faire, mais l’intemporel venait cependant de m’en rendre responsable. p. 27.
Professeur, vous êtes sans doute la seule personne au monde capable de ne pas chercher à comprendre et capable aussi de comprendre l’incompréhensible. J’ai voulu en savoir trop long. J’ai commis une grave imprudence. Je la paye. Je me suis égaré dans l’espace-temps. J’étais à votre recherche, non sans peine. p. 28-29.
[Il] n’y a eu que le XIXe siècle pour croire qu’il existe des sciences exactes. p. 30.
Les poètes savent pas mal de choses… redoutables. p. 31.
Excusez-moi, professeur, j’ai une très mauvaise mémoire de l’avenir. p. 32.
Pour fumer en 1770, j’ai dû faire semblant d’inventer la cigarette. Ils m’ont dit que c’était une invention absurde et qui n’aurait aucune chance de réussir. p. 34.
Pourquoi. Toujours pourquoi. Vous cherchez trop à comprendre. C’est un grave défaut. p. 47.
[La phénixologie] C’est la science qui permet de mourir un grand nombre de fois pour renaître. p. 49.
Judith vient de couper la tête du capitaine Nabuchodonosor : Holopherne… La servante s’attarde sur le seuil de la chambre où eut lieu la décollation. Judith n’est plus une femme, la fille d’un riche banquier juif, elle est désormais le sarcophage contenant sa propre légende. p. 50.
Hâtons-nous. Les coqs du soir chantent… [...] Mettez votre nuit en plein jour. p. 55.
Bien sûr que les œuvres se font toutes seules. Qu’elles rêvent de tuer père et mère. Bien sûr qu’elles existent avant que l’artiste ne les découvre. p. 56.
Primo : vous êtes accusé d’innocence, c’est-à-dire d’atteinte à la justice en étant capable et coupable de tous les crimes, au lieu de l’être d’un seul [...]. Secundo : vous êtes accusé de vouloir sans cesse pénétrer en fraude dans un monde qui n’est pas le vôtre. p. 66.
Je plaide coupable dans le premier et le second cas. J’avoue être cerné par la menace des fautes que je n’ai pas commises et j’avoue avoir souvent voulu sauter le quatrième mur mystérieux sur lequel les hommes écrivent leurs amours et leurs rêves. [...] Sans doute par fatigue du monde que j’habite et par horreur des habitudes. Aussi par cette désobéissance que l’audace oppose aux règles et par cet esprit de création qui est la plus haute forme de l’esprit de contradiction… propre aux humains. p. 67-68.
Sans [la désobéissance], que feraient les enfants, les héros, les artistes ? p. 68.
Un film est une source pétrifiante de la pensée. Un film ressuscite les actes morts. Un film permet de donner l’apparence de la réalité à l’irréel. / - Qu’appelez-vous l’irréel ? / - Ce qui déborde nos pauvres limites. / - Il existerait en somme chez vous des individus pareils à un infirme endormi, sans bras ni jambes, rêvant qu’il gesticule et qu’il court. / - Vous donnez là une excellente définition du poète. p. 70-71.
Le poète, composant des poèmes, use d’une langue ni vivante ni morte que peu de personnes parlent et que peu de personnes entendent. p. 71.
Je vous conseille de ne pas plaisanter sottement et lourdement avec des choses qui risquent d’éclairer les hommes sur la vanité de leurs entreprises. p. 75.
[Tout] ce qui se prouve est vulgaire. p. 76.
“Ce corps qui nous contient ne connaît pas les nôtres. Qui nous habite est habité. Et ces corps les uns dans les autres sont le corps de l’éternité.” p. 76-77.
[Nous] sommes les serviteurs d'une force inconnue qui nous habite, nous manœuvre et nous dicte cette langue. p. 78.
N'oubliez pas que vous êtes un amalgame nocturne de cavernes, de forêts, de marécages, de fleuves rouges, amalgame peuplé par des bêtes gigantesques et fabuleuses qui s’entre-dévorent. Il n’y a pas de quoi faire le mariole. p. 79.
Vous êtes au lit, professeur, vous dormez ? Seulement, vous ne rêvez pas. Vous occupez un de ces replis du temps dont vous avez fait votre étude. p. 82.
Vous passez votre temps à vous efforcer d’être, c’est ce qui vous empêche de vivre. p. 112-113.
Je suis la Clef des Songes. La colonne triste. La vierge au masque de fer. p. 114.
J’ai assez d’écume de mer dans les veines pour comprendre le langage des vagues. p. 114-115.
Quelle est cette idole qui mange des autographes ? / - C’est la machine à rendre n’importe qui célèbre en quelques minutes. Après quoi il faut essayer d’être connu. C’est moins commode. p. 117-118.
Croyez-vous qu’on puisse vivre chez les hommes lorsqu’ils vous ont condamné à mort ? p. 119.
Les miroirs réfléchissent trop. Ils renversent prétentieusement les images et se croient profonds. p. 120.
Vous n’êtes pas fatigué de tout vouloir comprendre depuis soixante-dix ans ? p. 121.
Nombreuses étaient les minutes et j’attendais toujours. p. 125.
Ici, laissez toute espérance. p. 126.
Ils sont venus assister à l’une des dernières épreuves de l’initiation orphique. p. 131.
Faites semblant de pleurer, mes amis, puisque les poètes ne font que semblant d’être morts. p. 133.
Le Sphinx, Œdipe… Ceux qu’on a trop voulu connaître, il est possible qu’on les rencontre un jour sans les voir. p. 136.
[La] terre après tout n’est pas votre patrie. p. 139.
Et voilà. Une vague joyeuse vient de balayer mon film d’adieu. S’il vous a déplu, j’en serai triste, car j’y ai mis toutes mes forces comme le moindre ouvrier de mon équipe… Ma vedette est une fleur d’hibiscus. p. 141.
COCTEAU J., Le Testament d'Orphée, Paris, Éditions du Rocher, 2003.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, avril 2025.
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