Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Sous le rêve, sous l’empreinte du temps, l’homme ne dispose pas de lui-même. C’est à cause de cela qu’il endure sa propre réalité. p. 10.
Si l’homme entre par le réveil dans l’éveil, c’est parce que, dans le songe initial qui semble être sa vie première, il ne peut s'atteindre lui-même, être lui-même. Parce que si la vie est un songe, c’est un songe qui exige l’éveil. p. 11.
Ce que l’homme est doit être visible, lisible dans sa vie. p. 12.
Même si l’on se souvient de quelques rêves, on n’en a pas la mémoire : ils restent alors figés comme des îles ; il est difficile de les situer dans le temps de l’état de veille et si on réussit à le faire, c’est d’une manière extérieure. p. 30.
[Le rêve] est une chute par le fait d’abandonner la réalité et de s’abandonner soi-même. Se laisser glisser ici parmi les corps comme un corps de plus, se rendre corporel. Céder et obéir à la gravité. p. 56.
L’homme, dans ce qu’il a de spécifiquement humain, quand il tombe c’est parce que sa conscience et la réalité qui lui appartient, s’absentent. Il s’occulte à lui-même, perd son identité. p. 57.
Pour qu’il se passe quelque chose d’analogue dans l’état de veille, pour que l’instant précédent devienne passé, séparé, il faut qu’un événement extraordinaire se produise. Dans ce cas, c’est toute une époque et parfois toute une vie qui devient révolue et non pas l'expérience de ce moment du jour. p. 59.
Le temps sépare. Il sépare en révélant ou révèle en séparant. Il extrait du fond obscur qui forme la continuité du vécu, les événements et les expériences qui lui sont rapportés. Il les fait naître. p. 63.
Parce que la vie est toujours vie de quelqu’un, de quelque chose ou de quelqu’un que nous avons tendance à appeler être ; en réalité nous ne connaissons pas la vie, mais seulement des êtres vivants. p. 65.
La plante est toujours présente. Son occultation est sa mort et son état de latence. [...] Tout cela, dans la plante, se déroule à l’intérieur d’un rêve, comme s’il s’agissait d’une créature entièrement crée en tant que créature. p. 73.
Dormir, ce n’est pas seulement une fonction, mais un état : l’autre état de veille, son ombre. Ombre qui pourrait bien être ses ténèbres originaires. Puisque de l’état de rêve, il reste une trace et qu’il survit dans l’état de veille, comme un substrat de vie, le fond à partir duquel nous nous éveillons. p. 77.
[Nous] avons trois types de rêves : le rêve-histoire, émanation de la psyché passive, le rêve qui contient une image réelle qui peut se combiner librement, à l’intérieur d’une histoire ou d’une seule image sous forme monoidétique, le rêve dans lequel le sens paraît évident. p. 82.
Si la vie n’était pas initialement un songe, il n’y aurait pas de rêve. p. 88.
Où se trouve, à proprement parler, celui qui dort ? Il montre qu’on peut être et vivre sans coexister. Qu’on peut être sans à peine vivre. Il est comme la plante, le maximum d’être avec le minimum de vie. p. 91.
Il n’y a rien de plus mystérieux dans le vécu que les instants qui précèdent le rêve. On dirait que les instants de la naissance se répètent inversés. Et qu’il s’agit d’un mouvement dans lequel on défait la naissance. p. 95.
L’être vivant ne peut jamais choir dans l’anesthésie parfaite. Quel que soit l’état où il se trouve, il continue à sentir. p. 105.
La durée n’est pas un écoulement mais un suivre, une dilatation qui n’arrête pas la marche du temps pour celui qui lui est attaché. Elle est une ombre du temps. p. 107.
Vie et rêve ont cette communauté de racine et d’origine. La vie commence en rêvant. p. 110.
Pendant que l’on dort, nous sommes dans la communauté des ombres de ceux qui ne sont pas encore nés et de ceux qui sont nés, entièrement : les morts. Dans un royaume qui en même temps est vie et mort. p. 114.
Dans la vie de la conscience, la clarté consomme du temps — la lumière absorbe du temps. p. 121.
Nous appelons délire l’automatisme de l'expression sans aucune intervention du sujet ; l’aliénation de certains vécus expérimentés de façon plus intense par la conscience. Une vie sans lieu qui déborde de son lit, qui se détache du centre. p. 124.
L’éphémère est comme un rêve sans souci, ce qui est vivre sans être blessé, ou assiégé par la réalité, et sans être inquiété par son propre être. p. 128.
Se souvenir, revivre, c’est comme un songe : se sauver du révolu, sauver le révolu. p. 150.
Même quand [l’homme] est encore vivant, ce serait adéquat de dire : il était. Il est là du fait d’avoir été, laissant voir qui il était et ce qu’il était. p. 152.
Tout rêve est un voyage. p. 161.
Les rêves considérés en tant qu’histoire, en tant qu’argument, sont des histoires sans auteur et en quête d’auteur. p. 189.
Les rêves sont la première forme du réveil de la conscience et le premier pas sur le chemin de la représentation. p. 211.
Les rêves ne passent pas, ils s’évanouissent ; ils ne tombent pas dans le passé, ils ont lieu par rapport aux événements vécus à l’état de veille. p. 217.
ZAMBRANO M., Les rêves et le temps, Paris, Éditions José Corti, 2003.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, juin 2025.
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