Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Depuis le commencement des siècles il n’y a que le début d’un jour. Sur cette terre il n’y a jamais de crépuscule. p. 14.
Une femme qui n’est plus près de moi, qui me dicte calmement ce livre. p. 19.
Le passé est un immense corps dont le présent est l'œil. Ce corps rêve. La voix l’a abandonné. p. 20.
Le temps ne trie rien. p. 20.
Je suis en train de recopier des phrases qui sont elles-mêmes tombées dans le temps et que l’âge a désaccoutumées. p. 21.
La vie d’un homme peut toujours être autre, et meilleure, et plus intense, et pire, et plus brève. p. 27.
Nous sommes les pousses de l’antériorité invisible. p. 29.
Tout instant est une porte qui s’ouvre. p. 34.
L’homme ne meurt pas : il mue ; son nom se transporte du sénescent au naissant comme les âmes dans les cris et les souffles. p. 35.
Encore faut-il au cours de trois modes funéraires aider le mort à devenir défunt ; puis le défunt devient ancêtre ; puis l’ancêtre s’impersonnalise jusqu’à redevenir matière divine et à pouvoir revenir au travers des poussières qui volettent dans les rayons que le soleil lance. p. 37.
Il faut faire vivre le vivant signifie : il faut faire mourir les morts. Ce sont des cercles qu’on roule dans la nuit. p. 37.
C’est le cas lorsqu’on goûte quelque chose qu’on va aimer plus que tout et qu’on ignore encore. Que ce soit un fruit, un plat, une boisson, une drogue, une œuvre, un lieu, une manie, un vice. L’expression si extraordinaire et si ancienne et si naturelle de coup de foudre définit la surchronie. p. 43.
Les poissons sont de l’eau à l’état solide. / Les oiseaux sont du vent à l’état solide. / Les livres sont du silence à l’état solide. p. 45.
Le présent ne capitalise pas le passé. C’est le jadis qui ne cesse d’augmenter son jaillissement en toute présence. p. 46.
Le temps n’avance pas, il s’incruste, s’encercle, s’additionne sans avant ni après. p. 47.
Une horloge, qui ne marche plus du tout, donne l’heure exacte deux fois par jour. Ainsi la vérité. p. 52.
Le langage est la maison pour tout ce qui n’est plus. p. 52.
Le temps est le voyageur qui ne revient jamais. p. 56.
On ne s’aime pas : on se touche les dents. p. 62.
La vérité se disait en grec alètheia. Est vrai ce qui ne parvient pas à s’oublier. p. 62.
Il n’y a pas de passé qui resurgisse qu’il ne procure une sensation de naissance. Même l’image d’un mort surgie au cours d’un terrible cauchemar apporte - avec son cri - la joie tragique d’avoir retrouvé le perdu. p. 64.
L'investigation est le sens du passé. [...] Le vestige définit le signe qui témoigne de la présence passée d’un objet dorénavant disparu. Une empreinte de pied pour un animal. Les traces, par définition, ne sont donc jamais visibles en tant que traces. Elles ne sont visibles que si elles sont cherchées comme des marques de ce qui n’est plus là. Toute trace est une bête absente, une chasse possible de ce qui ne s’y voit pas. p. 67.
À chaque saison, lors de la contemplation de ce qui resurgit, l’âme récapitule. [...] Chaque bourgeon de lilas est revisité de tous les lilas vécus antérieurement. p. 70.
L’ensemble du temps est sans orient. p. 73.
Qu’est-ce que la musique ? Il y avait du “Il y avait”. p. 74.
Chez l’homme (et sans doute la plupart des vivipares) le temps est le perdu. Dans la nature (particulièrement les végétaux) le temps est le retrouvé. p. 78-79.
On a beau puiser dans la même rivière / l'eau s'écoule de la rivière d’avant. La famille a beau conserver la même propriété / le destin de chacun vient de la vie d’avant. / Sous chaque arbre / l’ombre qui nous abrite vient d’un corps qui n’est plus. p. 82.
Le temps ne paraissait pas long dans l’enfance, quand le langage manquait. p. 101.
Le passé est le temps du rêve. Le rêve répare de la naissance. p. 102.
Toujours nous tente le désir de retourner là où nous avons été heureux. p. 110.
Visages qui persistez dans le regard où que nous soyons et quoi que nous voyions. p. 112.
Nommer vieillit le monde. p. 128.
Chaque instant du temps est un lieu où on ne revient pas. p. 130.
L’être se dit moins bien selon l’étant que selon le toujours. p. 138.
Le rêve est ce qui fait apparaître comme étant là des êtres absents, ou éloignés, ou disparus, ou morts. Ils sont là mais le “là” où ils séjournent n’est pas une dimension spatiale (pour le vivant) ni temporelle (pour le mort). p. 157.
L’homme est un vivre terminable et un dire interminable. p. 165.
Le livre est un mort qui parle. p. 166.
Un bûcheron de la forêt du Henan s’appelait Wang Tchee. Un jour, il s’attarda à regarder des ancêtres qui jouaient aux dames sous l’auvent. Quand la partie fut finie, il s’aperçut que le manche de sa cognée était tombé en poussière. Les siècles avaient passé. Il frotta son visage qui s’éparpilla. p. 183.
Dans la vie aussi les visages aimés s’usent comme les coudes des chandails. p. 191.
Nous ne sommes que la trace vivante d’une scène qui n’est plus. p. 199.
Il y a un avant l’avant. Un sans limite avant la limite. p. 205.
Quand on date l’homme de sa naissance on ne le date pas de sa vie. p. 206.
Le temps est l’originaire qui afflue. Le temps est un enfant qui joue. Ce n’est pas un adulte qui contemple. p. 219.
Ce sont toujours des ancêtres qui feront les récents. Ce ne sera jamais le contraire. Telle est l’irréversion du temps. L’origine invisible est seule référente. p. 225.
Le rétroviseur est l’âme même. p. 225.
Sur les lèvres de celle que nos lèvres tètent s’entend la langue. p. 226.
Le temps est diachronique parce qu'il est non fini. p. 227.
Il faut méditer la phrase : C’est vieux comme le monde. Phrase étrange. Phrase qui dit l'enveloppe spatiale comme plus ancienne que ce qu’elle contient. p. 237.
Celui que nul ne voit et qui séjourne partout est le temps. p. 251.
Une aube muette se cherche dans la lecture des livres. p. 262.
Quand un papillon réchappe, tout palpitant et presque hagard dans l’air, reste sur les doigts qui cherchaient à le saisir un peu de poussière, de couleur, de douceur, de tiédeur, de jour. p. 280.
Il s’est toujours trouvé des hommes prêts à résilier la liberté pour devenir gras ; des chiens de garde de l’administration et de la police sociales. p. 283-284.
[Les] larmes sont le seul objet perdu. p. 314.
Dans les larmes des humains, il n’y a plus beaucoup de jadis. Il y a beaucoup de passé. p. 315.
Il y a dans notre héritage des plaies incurables. p. 318.
QUIGNARD P., Sur le jadis, Folio, 2013.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, septembre 2024.
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