Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
[Il] y a ceux qui achètent des livres pour lire, et c’est une minorité, et il y a ceux qui en achètent afin de constituer une bibliothèque, et c’est une majorité. p. 13.
Le son et le sens ! La parole pure et sa raison ! [...] Le mot, le verbe, le sens, et avec lui, inséparable, le son, souffle, esprit. Car esprit veut dire respiration, souffle, son. p. 19.
Je renonce donc à disserter maintenant sur le poids du vide, qui est certainement ce qui nous pèse le plus. Ce que les sots appelleraient un paradoxe. p. 20.
Prenez un enfant quelconque, disons, prenez-le dès son état embryonnaire, appliquez-lui la pédagogie sociologique, et il en sortira un génie. Le génie se fait, quoi qu’en dise le refrain ; oui, il se fait. p. 24.
Quelqu’un se fait-il père ou le fait-on père ? p. 24.
Comment cela s’appelle-t-il ? Parce que c’est ça le nœud de la question : comment cela s’appelle. Dormons ; c’est en dormant que ce genre d’impressions se digèrent… Je crois que l’Inconscient est entré en jeu… Laissons-lui sa chance… Dormons ! p. 28.
[L’égoïsme est] le sens commun moral. p. 32.
Pourquoi la jouissance de ce que nous possédons aiguise-t-elle nos appétits pour ce que nous ne possédons pas ? p. 33.
Il y a ceux qui portent leur nom comme un châtiment, telle une corvée qu’on leur a imposée dès leur naissance. En toute rigueur, on devrait attendre que l’homme ait donné ses fruits pour lui donner un nom qui leur soit adapté ; tant qu’il ne manifeste pas de caractère propre, il ne devrait avoir qu’un nom provisoire ou intérimaire, juste pour ne pas être anonyme. Les pseudonymes et les sobriquets sont plus vrais que les noms légaux, car il n’y a guère de chose légale qui soit vraie, et s’il y en a une, elle le sera malgré sa légalité, jamais grâce à elle. p. 39.
[La] pédagogie même, qu’est-elle sinon un biberon psychique, allaitement artificiel de ce qu’on appelle esprit pour lui donner un nom quelconque ? p. 41.
[Amour] et pédagogie sont incompatibles [...]. p. 42.
[Nous] avons besoin que les autres croient en nous pour nous croire. p. 46.
La méthode coordinatrice est, sans doute, la source de toute philosophie, le moyen d’exciter la pensée. Entends-tu dire que l’amour est la faim de l’espèce ? eh bien, inverse ceci et dis que la faim est l’amour de l’individu. [...] On te parle de liberté de conscience ? eh bien, compare-la justement avec la conscience de liberté ; on te propose la quadrature du cercle ? médite sur la circularité du carré. p. 47.
- On perd beaucoup de temps à parcourir l’espace. / - Presque autant que l’espace qu’on perd à passer le temps… p. 47.
- Mais vous croyez en Dieu maintenant ? [...] - Tant qu’Il croit en moi… p. 48.
On ne commence jamais, tout est continuation. p. 48.
Ceci est une tragicomédie [...]. Nous y avons chacun notre rôle ; quand on croit agir, ce sont nos ficelles que l’on tire, parce qu’agir n’est autre qu’actionner ; nous récitons le rôle que nous avons appris là-bas, dans les ténèbres de l’inconscience, dans notre ténébreuse préexistence ; le Souffleur nous guide ; le grand Machiniste actionne le tout [...] ; et de même que mourir c’est dé-naître et naître c’est dé-mourir… Voilà la permutation. p. 48-49.
Dans la vie de chaque homme il n’y a qu’un seul moment, un seul moment de liberté, de véritable liberté, une seule fois dans la vie on est vraiment libre, et de ce moment, de ce moment-là, attention ! s’il s’en va il ne revient pas, comme tous les autres moments et comme tous il s’en va ! eh bien, de notre moment métadramatique, de cette heure mystérieuse dépend tout notre destin. p. 49.
La Nature (la nature avec majuscule, bien sûr) est un grand livre ouvert auquel l’homme doit ajouter des notes en marge et des illustrations, indiquant également au crayon rouge les passages les plus importants. p. 51.
On ne trouve pas de grains en volant. Seule la logique donne à manger. p. 56.
Pourquoi l’enfant aime-t-il l’absurde ? p. 57.
Y a-t-il peut-être plus gros mensonge que la vérité ? Ne sommes-nous pas trompés ? La vérité ne trompe-t-elle pas nos aspirations les plus pures ? p. 58.
La pédagogie est adaptation, l’amour est hérédité, et la lutte sera éternelle entre adaptation et hérédité, progrès et tradition. p. 58.
La maison était le livre ; aujourd’hui, c’est le livre qui est notre maison. p. 62-63.
C’est que je ne sais pas comment vouloir. p. 64.
[Seule] l’aspiration à l’inaccessible rend chacun capable d’atteindre le sommet de ce qui lui est accessible. p. 73.
C’est le sens commun qui juge avec les moyens communs de la connaissance, de sorte qu’en une terre où un seul mortel connaîtrait le microscope et le télescope, ses compatriotes le qualifieraient d’homme dépourvu de sens commun lorsqu’il leur communiquerait ses observations, jugeant eux-mêmes à l’œil nu, qui est l’instrument du sens commun. p. 73.
La scolastique est une grande et belle cathédrale pour laquelle on a résolu tous les problèmes de construction pendant des siècles, d’une fabrication admirable, mais faite d’adobes. p. 74.
Il y a trois sortes d’hommes : ceux qui pensent d’abord et qui agissent ensuite, soit les prudents ; ceux qui agissent avant de penser, les audacieux, et ceux qui agissent et pensent en même temps, pensant à ce qu’ils font tout en faisant ce qu’ils pensent. Ceux-ci sont forts. Sois parmi les forts ! p. 75.
L’Univers s’est fait, écoute bien, il s’est fait, non pas il a été fait, ni on l’a fait : l’Univers s’est fait afin d’être expliqué par l’homme. p. 75.
- Ce n’est pas rationnel ! - La nature dépasse la raison. / - Mais la raison doit dépasser la nature. / - La raison vient de la nature. / - Mais la nature doit entendre raison. / - C’est le Destin. p. 80.
[Seul] celui qui hait la mort se suicide ; les mélancoliques qui en sont amoureux vivent afin de jouir en l’attendant, et plus longtemps ils attendent, plus longtemps ils jouissent, le mélancolique est avant tout et surtout un sensuel. p. 88.
[Si] d’une part vous êtes un je et moi un autre je, et d’autre part vous êtes un tu et moi un autre tu, il en résulte que nous sommes tous deux je et tu à la fois. Le philosophe a bien dit que tout est un et le même. p. 89.
Il s’agit [...] de penser haut et sentir profond. p. 97.
Il est préférable de secouer les entrailles et les têtes de quatre personnes, même le moins artistiquement possible, que d’être applaudi et admiré par quatre millions d’imbéciles. p. 97.
Quel étrange sérieux que celui du philosophe ! p. 100.
Vivre des jours, des années, des siècles, quelle importance ? Et comme nous ne croyons pas à l’immortalité de l’âme, nous rêvons de laisser un nom, pour qu’on parle de nous, pour vivre dans la mémoire des autres. Pauvre vie ! p. 102.
Quels rêves que ceux de la mort de la vie et de la vie de la mort ! Avons-nous droit à la vie ? Avons-nous le devoir de mourir ? Être des dieux ! [...] être immortels ! p. 102.
[Lorsque] surgira l’homme-esprit, s’il est entièrement conscience, conscience réfléchissant tout son organisme, jusqu’à la vie de son ultime cellule et l’esprit de cette dernière, alors ressusciteront en lui ses parents et les parents de ses parents, nous ressusciterons tous dans nos descendants. p. 103.
Le jeu est un effort pour se sortir de la logique, parce que la logique entraîne à la mort. p. 104.
À quoi me sert la science si elle ne me rend pas heureux ? p. 106.
[Nous] devons tendre à sentir la science et à comprendre l’art, à faire de la science de l’art et de l’art de la science [...]. p. 127.
À quel titre devons-nous nous atteler à cet abominable joug de la logique qui, avec le temps et l’espace, sont les trois pires tyrans de l’esprit ? Dans l’éternité et dans l’infinité, nous rêvons de nous émanciper du temps et de l’espace, ces despotes catégoriques, formes infâmes a priori ; mais de la logique, comment nous en émanciper ? La liberté ne signifie-t-elle ou peut-elle signifier autre chose que notre émancipation de la logique, qui est la plus triste de nos servitudes ? p. 127.
[Qu’est-ce] que le sentiment du comique, sinon celui de l’émancipation de la logique, et qu’est-ce qui provoque en nous le rire sinon l’illogisme ? Et ce rire, qu’est-ce sinon l’expression corporelle du plaisir que nous ressentons nous voyant libres, ne fût-ce que pour un instant, de ce féroce tyran, de ce fatum lugubre, de cette force incoercible et sourde aux voix du cœur ? [...] L’ergo, le fatidique ergo est le symbole de l’esclavage de l’esprit. p. 128.
Voyez combien les hommes graves, ceux qui ne rient qu’extérieurement et sous leur masque, languissent d’orgueil et d’envie, avançant péniblement attelés au joug infâme du sens commun, lâche officier et contremaître de la tyrannique Logique. p. 129.
UNAMUNO, M. de, Amour et pédagogie, Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, 1996.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, avril 2025.
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