Le Sophiste fait partie des œuvres tardives de Platon (370-347 av. J.-C.).
Les personnages du texte sont :
Théodore : mathématicien étranger originaire de Cyrène, disciple de Protagoras, précepteur de Socrate et Platon.
Socrate : maître de Platon, considéré comme le premier philosophe.
Un étranger d’Élée : fidèle de Parménide (physicien du Ve siècle av. J.-C., “l’être est, le non-être n’est pas”) et de Zénon (philosophe présocratique du Ve siècle av. J.-C., auteur du paradoxe d’Achille et de la tortue).
Théétète : mathématicien et philosophe.
Dans Le Sophiste, Platon donne une définition du Sophiste, qu'il considère comme quelqu'un qui ne cherche qu'à tirer un profit pécuniaire de son art de persuader. C'est "un trafiquant des connaissances qui se rapportent à l'âme [231d]. Contrairement à Socrate et à sa proclamation d'ignorance ["Je sais que je ne sais pas"], le Sophiste prétend tout savoir, mais ce savoir est fabriqué par le Sophiste et n'est qu'un faux savoir.
Platon présente les cinq natures génériques ou genre de l'Être : l'Être, le Repos, le Mouvement, le Même et l'Autre. Contrairement à Parménide, qui soutient que seul l'Être existe et que le Non-Être n'existe pas, Platon montre que l'Autre est Non-Être de l'Être, et donc que le Non-Être existe bien. Il donne l'exemple de l'existence du Non-Être dans le discours :
"Théétète est assis" [...] Théétète [...] vole en l'air. 262e-263b.
Le premier discours est vrai : Théétète, personnage du texte, est bien assis à côté de son interlocuteur. Le second discours évoque quelque chose qui ne peut pas être : Théétète est un homme, donc il est incapable de voler en l'air. Ce discours est faux, parce qu'il évoque quelque chose qui est du Non-Être.
Le Sophiste soutient que son faux discours est vrai : il affirmera que Théétète peut voler, parce qu'il prétend que le Non-Être - le faux - ne peut pas exister.
[Récapitulons] tous les aspects sous lesquels le Sophiste s’est révélé à nos yeux. [...] un chasseur salarié d’une jeunesse riche. [...] un trafiquant des connaissances qui se rapportent à l’âme. [...] un marchand en détail, eu égard à ces mêmes articles [...] quelqu’un qui nous vend ces articles, fabriqués par lui-même. [...] un athlète en paroles, puisqu’il s’est réservé pour lui l’art de la dispute.[...] un purificateur, dans le domaine de l’âme, à l’égard des opinions qui sont un obstacle pour le savoir. p. 280, 231d-e. [...] c’est un controversiste. [232 b].
Le premier [le Sophiste] a pris subrepticement la fuite vers l’obscurité du Non-Être, se l’attachant à lui-même à force de le pratiquer : homme que l’obscurité du lieu rend difficile à observer par l’esprit [...]. Le Philosophe de son côté, toujours placé par ses réflexions au contact de la nature de l’Être, s’il n’est pas du tout facile à voir, c’est au contraire en raison de l’éclatante lumière de la région où il réside ; car la multitude est incapable de soutenir avec fermeté, par les yeux de l’âme, une vision qui se porte dans la direction du Divin ! [254 a-b].
La méprise de Parménide : comment on l’évite. - Les genres [...] se mêlent entre eux ; l’Être et l’Autre circulent à travers tous et ces deux genres à travers l’un l’autre ; l’Autre, participant à l’Être, forcément, il est en toute certitude non-être. Quant à l’Être, puisque à son tour il participe à l’Autre, il doit être autre que le reste des genres ; mais, puisque ainsi il est autre que tous les genres sans exception, il n’est pas chacun d’eux, pas davantage il n’est l’ensemble de ces autres genres, réserve faite de ce qu’il est lui-même ; par suite, sans contestation possible, l’Être à son tour, milliers de fois sur milliers de fois, n’est pas, et c’est ainsi dès lors que, hors lui, tout le reste, aussi bien pris individuellement que dans son ensemble, un grand nombre de fois “est”, un grand nombre de fois d’autre part “n’est pas”. [259 a-b].
La liaison constitutive du discours est vraie ou fausse. - Un discours, c’est forcé, dès que précisément il est, est un discours relatif à un certain sujet, tandis qu’il est impossible qu’il ne porte sur rien. [...] je m’en vais te “discourir un discours”, en unissant à une action un sujet-agent, par l’entremise d’un verbe et d’un nom ! [...] “Théétète est assis.” [...] “Théétète [...] vole en l’air.” [...] Du second, nous devons dire [...] qu’il est faux, du premier qu’il est vrai. [...] Or, celui des discours qui est vrai dit, te concernant, ce qui est, comme il est. [...] celui qui est faux le dit autre qu’il n’est. [...] C’est donc ce qui n’est pas qu’il énonce comme l’étant. [263 b].
[Énoncer] des choses autres comme étant les mêmes, et des choses qui ne sont pas comme étant, une pareille composition faite de verbes unis à des noms, voilà ce qui réellement, véritablement, constitue un discours faux. [263d].
Donc, l’homme qui possède [1] l’art de se faire contredire ; qui, [2] sous la forme astucieuse [3] de l’art imitatif d’opinion, [4] est propre à imiter ; qui, [5] dans la partie relative aux apparences, [6] elle-même détachée de l’art de produire des simulacres, s’est réservé pour sa part [7] la portion verbale [8] de l’illusionnisme ; [9] portion, non point divine, mais humaine, [10] de la production : en affirmant que “là où est la généalogie est le sang” du Sophiste authentique, on dirait, semble-t-il bien, tout ce qu’il y a de plus vrai ! [268 c].
PLATON, Le Sophiste ou De l'Être. Texte en accès libre
Patrick Moulin, MardiPhilo, septembre 2024.
#Philosophie #Fiches #Lecture #Platon #Sophiste #Être