Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Un spectre hante l’Europe - le spectre du communisme. [...] Où est le parti d’opposition que ses adversaires au pouvoir n’aient dénigré en le qualifiant de communiste, où est le parti d’opposition qui n’ait à son tour jeté à la face des hommes plus avancés de l’opposition tout comme à ses adversaires réactionnaires le reproche infamant de communisme ? / De ce fait se dégagent deux conclusions. Toutes les puissances européennes reconnaissent dès maintenant le communisme comme une puissance. / Il est grand temps que les communistes exposent ouvertement à la face du monde entier leur manière de voir, leurs buts et leurs tendances et opposent aux légendes du spectre communiste un manifeste du parti lui-même. p. 71.
L'histoire de toute société jusqu’à nos jours est l’histoire de la lutte des classes. / Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître d’un corps de métier et compagnon, bref, oppresseurs et opprimés ont été en opposition constante, ils ont mené une lutte ininterrompue, tantôt cachée, tantôt ouverte, lutte qui chaque fois s’est terminée par une transformation révolutionnaire de la société tout entière ou par la ruine commune des classes en lutte. p. 73-74.
Notre époque, l’époque de la bourgeoisie, a cependant pour signe distinctif qu’elle a simplifié les oppositions de classes. La société entière se scinde de plus en plus en deux grands camps hostiles, en deux grandes classes qui se font directement face : la bourgeoisie et le prolétariat. p. 74.
La découverte de l’Amérique, le tour du cap de Bonne-Espérance ont ouvert à la bourgeoisie un champ d’action nouveau. Les marchés des Indes Orientales et de la Chine, la colonisation de l’Amérique, le commerce avec les colonies, l’accroissement des moyens d’échange et des marchandises en général ont donné au négoce, à la navigation, à l’industrie un essor qu’ils n’avaient jamais connu et entraîné du même coup le développement rapide de l’élément révolutionnaire dans la société féodale chancelante. p. 74.
[La bourgeoisie] a dissous la dignité personnelle dans la valeur d’échange et substitué aux innombrables libertés reconnues par lettres patentes et chèrement acquises la seule liberté du commerce. p. 76.
La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole les activités pour vénérables et considérées avec une piété mêlée de crainte. Elle a transformé le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l’homme de science, en salariés à ses gages. p. 77
Les anciens besoins que satisfaisaient les produits nationaux sont remplacés par des besoins nouveaux qui exigent pour leur satisfaction les produits des contrées et des climats les plus lointains. Et ce qui est vrai de la production matérielle l'est tout autant de la production intellectuelle. L’exclusivisme et l’étroitesse nationaux deviennent de plus en plus impossibles, et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une littérature mondiale. p. 78.
La bourgeoisie a soumis la campagne à la domination de la ville. [...] Tout comme elle a assujetti la campagne à la ville, elle a rendu les pays barbares ou à demi barbares dépendants des pays civilisés, les peuples paysans dépendants des peuples bourgeois, l’Orient de l’Occident. p. 79.
Avec les crises éclate une épidémie sociale qui serait apparue à toutes les époques antérieures comme une absurdité : l’épidémie de la surproduction. La société se trouve brusquement ramenée à un état de barbarie momentanée ; on dirait qu’une famine, une guerre générale d’anéantissement lui ont coupé tous les moyens de subsistance : l’industrie, le commerce semblent anéantis, et pourquoi ? Parce qu’elle possède trop de civilisation, trop de moyens de subsistance, trop d’industrie, trop de commerce. p. 81.
Dans la mesure même où se développe la bourgeoisie, c’est-à-dire le capital, se développe le prolétariat, la classe des ouvriers modernes qui ne vivent que tant qu’ils trouvent du travail et qui n’en trouvent que tant que leur travail augmente le capital. Ces ouvriers, obligés de se vendre par portions successives, sont une marchandise comme tout autre article du commerce et sont donc exposés de la même manière à tous les aléas de la concurrence, à toutes les fluctuations du marché. p. 82.
[L’ouvrier] n’est plus qu’un accessoire de la machine et l’on n’exige de lui que le geste le plus simple, le plus monotone, le plus facile à apprendre. Les frais qu’occasionne l’ouvrier se limitent donc à peu près uniquement aux moyens de subsistance dont il a besoin pour son entretien et la reproduction de sa race. Or le prix d’une marchandise, donc aussi du travail est égal à ses frais de production. En conséquence, à mesure que le travail devient plus répugnant, le salaire baisse. p. 82.
Une fois terminée son exploitation par le fabricant, en ce sens qu’on lui a compté son salaire, l'ouvrier voit fondre sur lui les autres membres de la bourgeoisie, le propriétaire, le boutiquier, le prêteur sur gages, etc. p. 83.
Le but immédiat des communistes est le même que celui de tous les autres partis prolétariens : constitution du prolétariat en classe, renversement de la domination de la bourgeoisie, conquête du pouvoir politique par le prolétariat. p. 92.
[La] propriété privée bourgeoise moderne est l’expression dernière et la plus achevée de la production et de l'appropriation des produits reposant sur des oppositions de classes, sur l’exploitation des uns par les autres. / En ce sens, les communistes peuvent résumer leur théorie en cette seule expression : abolition de la propriété privée. p. 92.
Être capitaliste ne signifie pas seulement occuper une position purement personnelle dans la production, mais une position sociale. Le capital est un produit collectif et ne peut être mis en mouvement que par une activité commune de nombreux membres de la société, voire en dernière analyse que par l’activité commune de tous les membres de la société. / Le capital n’est pas une puissance personnelle, il est une puissance sociale. / Si donc le capital est transformé en une puissance collective, appartenant à tous les membres de la société, ce n’est pas une propriété personnelle qui se transforme en propriété sociale. C’est seulement le caractère social de la propriété qui se transforme. Il perd son caractère de classe. p. 93.
Le prix moyen du travail salarié est le minimum du salaire, c’est-à-dire la somme des moyens de subsistance nécessaires pour maintenir en vie l’ouvrier en tant qu’ouvrier. Ce que l'ouvrier salarié s’approprie donc par son activité est tout juste suffisant pour reproduire sa pure et simple existence. [...] Nous voulons seulement abolir le caractère pitoyable de cette appropriation qui fait que l’ouvrier ne vit que pour accroître le capital et ne vit qu’autant que l’exige l’intérêt de la classe dominante. p. 93-94.
Le communisme n’ôte à personne le pouvoir de s’approprier des produits sociaux, il n’ôte que le pouvoir de s’assujettir le travail d’autrui grâce à cette appropriation. p. 95.
L’action de la société sur l’éducation n’est pas une invention des communistes ; ils changent seulement son caractère, ils arrachent l’éducation à l’influence de la classe dominante. p. 97.
Le bourgeois ne voit dans sa femme qu’un instrument de production. Il entend dire que les instruments de production seront exploités en commun et ne peut naturellement imaginer pour les femmes d’autre sort que d’être également mises en commun. / Il ne soupçonne pas qu’il s’agit précisément de supprimer la condition de simples instruments de production qui est celle des femmes. p. 97.
À mesure qu’est abolie l’exploitation d’un individu par l’autre, l’exploitation d’une nation par l’autre l’est aussi. p. 98.
Une fois que les différences de classes auront disparu au cours du développement et que toute la production sera concentrée entre les mains des individus associés, les pouvoirs publics perdront leur caractère politique. Le pouvoir politique au sens propre est le pouvoir organisé d'une classe pour l’oppression d’une autre. p. 101.
À la vieille société bourgeoise avec ses classes et ses oppositions de classes se substitue une association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous. p. 102.
[Le socialisme allemand] a proclamé que la nation allemande était la nation normale et le petit-bourgeois allemand l’homme normal. Il a donné à chacune des bassesses de ce dernier un sens caché, supérieur, socialiste, par lequel elle signifie son contraire. Il a tiré la conséquence dernière en prenant parti contre l’orientation “brutalement destructive” du communisme et en faisant savoir qu’il se plaçait impartialement au-dessus de toutes les luttes de classes. p. 110.
Une partie de la bourgeoisie souhaite remédier aux anomalies sociales pour assurer la durée de la société bourgeoise. / Ici se rangent : des économistes, des philanthropes, des humanitaires, des gens qui veulent améliorer la situation des classes travailleuses, organiser la charité, abolir la cruauté envers les animaux, des fondateurs d’associations de tempérance, des réformateurs véreux du genre le plus disparate. Et ce socialisme bourgeois a même été élaboré en systèmes complets. p. 110-111.
Les bourgeois socialistes veulent les conditions de vie de la société moderne sans les luttes et les dangers qui en résultent nécessairement. Ils veulent la société existante débarrassée des éléments qui la révolutionnent et la dissolvent. Ils veulent la bourgeoisie sans le prolétariat. La bourgeoisie se représente naturellement le monde où elle règne comme le meilleur. p. 111.
Une seconde forme, moins systématique et plus pratique de ce socialisme, a cherché à dégoûter la classe ouvrière de tout mouvement révolutionnaire en lui démontrant que ce n’est pas tel ou tel changement politique, mais seulement celui des conditions matérielles de vie, des rapports économiques qui peut lui être de quelque profit. p. 111.
L’importance du socialisme et du communisme utopiques et critiques est en raison inverse du développement historique. Dans la mesure même où la lutte de classe se développe et prend forme, cette façon de s’élever au-dessus d’elle par l'imagination, de la combattre en imagination perd toute valeur pratique, toute justification théorique. [...] [Les auteurs de ces systèmes] maintiennent les vieilles conceptions de leurs maîtres face à la progression historique du prolétariat. Ils cherchent donc à émousser à nouveau la lutte des classes et à concilier les oppositions. p. 114-115.
Les communistes se refusent à dissimuler leurs opinions et leurs intentions. Ils déclarent ouvertement que leurs fins ne peuvent être atteintes que grâce au renversement par la violence de tout l’ordre social du passé. Que les classes dominantes tremblent devant une révolution communiste. Les prolétaires n’ont rien à y perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner / PROLÉTAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS ! p. 119.
Marx K, Engels F., Manifeste du parti communiste, Paris, GF Flammarion, 2019.
France Culture - Les Chemins de la philosophie, Marx attaque - Épisode 2 : Classe contre classe
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, septembre 2024.
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