Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Certainement la philosophie facile et claire aura toujours la préférence, auprès de la généralité des hommes, sur la philosophie précise et abstruse ; et de nombreuses personnes la recommanderont non seulement comme plus agréable, mais encore comme plus utile que l’autre. p. 48.
Soyez philosophe ; mais, au milieu de toute votre philosophie, soyez toujours un homme. p. 51.
La précision est, dans tous les cas, avantageuse à la beauté et la justesse du raisonnement à la délicatesse du sentiment. C’est en vain que nous exalterions l’une en dépréciant l’autre. p. 52.
L’obscurité est certes pénible à l’esprit aussi bien qu’aux yeux ; mais tirer la lumière de l’obscurité, au prix de quelque effort que ce soit, ce doit être nécessairement un ravissement et une joie. p. 53.
Toutes les couleurs de la poésie, malgré leurs splendeurs, ne peuvent jamais peindre les objets naturels d’une telle manière qu’on prenne la description pour le paysage réel. La pensée la plus vive est encore inférieure à la sensation la plus terne. p. 63.
Toutes les idées, spécialement les idées abstraites, sont par nature vagues et obscures ; l’esprit n’a sur elle qu’une faible prise [...]. Au contraire, toutes les impressions, c’est-à-dire toutes les sensations, externes ou internes, sont fortes et vives ; leurs limites sont plus exactement déterminées ; il n’est pas facile de tomber dans l’erreur et de se méprendre à leur sujet. p. 67-68.
Même dans nos rêveries les plus désordonnées et les plus errantes, nous trouverons, à la réflexion, que l’imagination ne courait pas tout à fait à l’aventure, mais qu’il y avait toujours une connexion entre les différentes idées qui se succédaient. p. 71.
Pour moi, il me paraît qu’il y a seulement trois principes de connexion entre des idées, à savoir ressemblance, contiguïté dans le temps ou dans l’espace, et relation de cause à effet. p. 72.
Tous les objets de la raison humaine ou de nos recherches peuvent naturellement se diviser en deux genres, à savoir les relations d’idées et les faits. p. 85.
Le contraire d’un fait quelconque est toujours possible, car il n’implique pas contradiction et l’esprit le conçoit aussi facilement et aussi distinctement que s’il concordait pleinement avec la réalité. Le soleil ne se lèvera pas demain, cette proposition n’est pas moins intelligible et elle n’implique pas plus contradiction que l’affirmation : il se lèvera. Nous tenterions donc en vain d’en démontrer la fausseté. p. 85.
[Tout] effet est un événement distinct de sa cause. On ne peut donc le découvrir dans la cause, et la première invention ou conception qu’on en fait a priori doit être entièrement arbitraire. [...] C’est donc en vain que nous prétendrions déterminer un seul événement ou inférer une cause ou un effet sans l’aide de l’observation et de l’expérience. p. 90.
La plus parfaite philosophie naturelle recule seulement un peu plus loin notre ignorance, et, peut-être, la plus parfaite philosophie morale ou métaphysique sert seulement à découvrir que notre ignorance s’étend à des domaines plus vastes. Ainsi toute la philosophie conduit à remarquer l’aveuglement et la faiblesse de l’homme [...]. p. 90.
On peut diviser tous les raisonnements en deux classes : les raisonnements démonstratifs, qui concernent les relations d’idées, et les raisonnements moraux, qui concernent les questions de faits et d’existence. [...] Y a-t-il une proposition plus intelligible que l’affirmation que tous les arbres fleuriront en décembre et en janvier et dépériront en mai et en juin ? Or, tout ce qui est intelligible, tout ce qu’on peut distinctement concevoir, n’implique pas contradiction, et l’on ne peut jamais en prouver la fausseté par un argument démonstratif ou un raisonnement abstrait a priori. p. 94-95.
Accordez la parfaite régularité du cours des choses jusqu’ici ; cette régularité dans le passé ne prouve pas à elle seule, sans un nouvel argument ou une nouvelle inférence, qu’elle se poursuivra dans le futur. p. 97.
La nature maintiendra toujours ses droits et prévaudra à la fin sur tous les raisonnements abstraits. p. 104.
Toutes les inférences tirées de l’expérience sont donc des effets de l’accoutumance et non des effets du raisonnement. p. 106.
Rien n’est plus libre que l’imagination humaine ; bien qu’elle ne puisse déborder le stock primitif des idées fournies par les sens externes et internes, elle a un pouvoir illimité de mêler, composer, séparer et diviser ces idées dans toutes les variétés de la fiction et de la vision. [...] Nous pouvons, quand nous concevons, joindre une tête humaine à un corps de cheval ; mais il n’est pas en notre pouvoir de croire qu’un tel animal ait jamais existé. p. 110-111.
En philosophie, nous ne pouvons aller plus loin que l’affirmation suivante : la croyance, c’est quelque chose de senti par l’esprit qui distingue les idées du jugement des fictions de l’imagination. p. 112.
De même que la nature nous a enseigné l’usage de nos membres sans nous donner la connaissance des muscles et des nerfs qui les font agir, de même elle a implanté en nous un instinct qui emporte la pensée en avant dans un cours qui correspond à celui qu’elle a établi entre les objets extérieurs ; pourtant, nous ignorons les pouvoirs et les forces dont dépendent en totalité ce cours régulier et cette succession d’objets. p. 118.
Bien qu’il n’y ait rien de tel que le hasard dans le monde, notre ignorance de la cause réelle d’un événement à la même influence sur l’entendement et elle engendre la même sorte de croyance ou d’opinion. p. 121.
Le principal obstacle à notre perfectionnement dans les sciences morales ou métaphysiques est donc l’obscurité des idées et l’ambiguïté des termes. La principale difficulté en mathématiques vient de la longueur des raisonnements et de l’ampleur de pensée requise pour former une conclusion. p. 128.
Les idées complexes, on peut sans doute les bien connaître par une définition qui n’est autre qu’une énumération des parties ou idées simples qui les composent. p. 129.
Tous les événements paraissent entièrement détachés et séparés les uns des autres. Un événement en suit un autre ; mais nous ne pouvons jamais observer aucun lien entre eux. Ils semblent être en conjonction, et non en connexion. p. 141.
Notre idée de nécessité et de causalité naît donc entièrement de l'observation d’une uniformité dans les opérations de la nature où des objets semblables sont constamment conjoints les uns aux autres, et l’esprit déterminé par accoutumance à inférer l’un de l'apparition de l’autre. Ces deux circonstances forment le tout de la nécessité que nous attribuons à la matière. p. 151.
Par liberté, nous ne pouvons seulement entendre un pouvoir d’agir ou de ne pas agir selon les déterminations de la volonté ; c’est-à-dire, si nous choisissons de rester en repos, nous le pouvons ; si nous choisissons de nous mouvoir, nous le pouvons aussi. p. 164.
Nulle contingence, nulle part, dans l’univers ; nulle indifférence ; nulle liberté. Alors que nous agissons, au même moment nous sommes agis. p. 168.
Mais bien que les animaux apprennent beaucoup de leurs connaissances par l’observation, il y en a aussi beaucoup d’autres qui dérivent du pouvoir originel de la nature [...]. Ces connaissances particulières, nous les appelons instincts [...]. [Le] raisonnement expérimental lui-même, que nous possédons en commun avec les bêtes et dont dépend toute la conduite de la vie, n’est rien qu’une espèce d’instinct ou de pouvoir machinal qui agit en nous à notre insu ; et qui, dans ses principales opérations, n’est dirigé par aucune de ces relations ou comparaisons d’idées qui sont les objets propres de nos facultés intellectuelles. p. 178-179.
Le sage proportionne donc sa croyance à l’évidence. Dans ces questions qui se fondent sur une expérience infaillible, il attend l’événement avec le dernier degré d’assurance et regarde son expérience passée comme une preuve complète de l’existence future de cet événement. Dans d’autres cas, il procède avec plus de prudence ; il pèse les expériences contraires ; il considère quel côté est soutenu par le plus grand nombre d’expériences ; c’est de ce côté qu’il penche, non sans doute ni hésitation ; quand enfin il fixe son jugement, l’évidence ne dépasse pas ce qui s’appelle proprement probabilité. p. 184-185.
La passion de la surprise et de l’étonnement, qui naît des miracles, est une émotion agréable ; aussi nous donne-t-elle une tendance sensible à croire les événements dont elle procède. p. 191.
L’éloquence, à son plus haut sommet, laisse peu de place à la raison et à la réflexion ; mais comme elle s’adresse entièrement à l’imagination ou aux affections, elle captive les auditeurs complaisants et subjugue leur entendement. Heureusement, ce sommet, elle l’atteint rarement. p. 192.
Il faut considérer l’hypothèse religieuse uniquement comme une méthode particulière d’explication des phénomènes visibles de l’univers ; mais aucun homme qui raisonne correctement n’osera jamais en inférer un seul fait, modifier les phénomènes ou leur rien ajouter sur un seul point. p. 218.
Je nie la providence, [...] je nie qu’un gouvernement suprême du monde guide le cours des événements, punisse les vicieux par l’infamie et le désespoir, et récompense les vertueux par l’honneur et le succès dans toutes leurs entreprises. Mais, assurément, je ne nie pas le cours lui-même des événements, qui reste ouvert à la recherche et à l’examen de tous. Je le reconnais : dans l’ordre présent des choses, la vertu s’accompagne de plus de paix spirituelle que le vice et elle rencontre un accueil plus favorable dans le monde. p. 219.
Donc toute la philosophie du monde et toute la religion, qui n’est rien qu’une espèce de philosophie, ne seront jamais capables de nous porter au-delà du cours ordinaire de l’expérience ou de nous donner des règles de conduite et d’action différentes de celles que nous fournissent les réflexions sur la vie courante. p. 225.
C’est une tentative tout à fait extravagante de la part des sceptiques [...] que de vouloir détruire la raison par argument et ratiocination ; pourtant, c’est le grand but de toutes leurs recherches et de toutes leurs discussions. p. 237.
La principale objection contre tous les raisonnements abstraits se tire des idées d’espace et de temps ; idées qui, dans la vie courante et pour un regard négligent, sont très claires et très intelligibles, mais qui, lorsqu'on passe à l’examen des sciences profondes [...] apportent des principes qui paraissent pleins d’absurdités de contradictions. p. 238.
La grande destructrice du Pyrrhonisme, des principes excessifs du scepticisme, c’est l’action, c’est le travail, ce sont les occupations de la vie courante. p. 241.
Car voici la principale objection et la plus ruineuse, qu’on puisse adresser au scepticisme outré, qu’aucun bien durable n’en peut jamais résulter tant qu’il conserve sa pleine force et sa pleine vigueur. Il nous suffit de demander à un tel sceptique : Quelle est son intention ? Que se propose-t-il d’obtenir par toutes ces recherches curieuses ? Il est immédiatement embarrassé et ne sait que répondre. p. 242.
En général, il y a un degré de doute, de prudence et de modestie qui, dans les enquêtes et les décisions de tout genre, doit toujours accompagner l’homme qui raisonne correctement. p. 244.
Toutes les autres recherches humaines concernent seulement les questions de fait et d’existence ; et celles-ci, on ne peut évidemment pas les démontrer. Tout ce qui est peut ne pas être. Il n’y a pas de fait dont la négation implique contradiction. p. 246.
La morale et la critique ne sont pas tant objets de l’entendement que du goût et du sentiment. On sent la beauté, morale ou naturelle, bien plus qu’on ne la perçoit. p. 247.
HUME, Enquête sur l’entendement humain, Paris, Flammarion, 2006.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, septembre 2024.
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