Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Je lisais beaucoup quand j’avais dix-huit ans ; je lisais comme on ne lit guère à cet âge, avec naïveté et passion. Ouvrir un roman, c’était vraiment entrer dans un monde, un monde concret, temporel, peuplé de figures et d’événements singuliers ; un traité de philosophie m’emportait par-delà des apparences terrestres dans la sérénité d’un ciel intemporel. Dans l’un et l’autre cas, je me rappelle encore l’étonnement vertigineux qui me saisissait au moment où je refermais le livre. p. 93.
[Il] n’est qu’une réalité : c'est au sein du monde que nous pensons le monde. p. 94.
Tandis que le philosophe, l’essayiste livrent au lecteur une reconstruction intellectuelle de leur expérience, c’est cette expérience elle-même, telle qu’elle se présente avant toute élucidation, que le romancier prétend restituer sur un plan imaginaire. [...] C’est là ce qui fait le prix d’un bon roman. Il permet d’effectuer des expériences imaginaires aussi complètes, aussi inquiétantes que les expériences vécues. Le lecteur s’interroge, il doute, il prend parti et cette élaboration hésitante de sa pensée lui est un enrichissement qu’aucun enseignement doctrinal ne pourrait remplacer. p. 95-96.
[Le] roman ne revêt sa valeur et sa dignité que s’il constitue pour l’auteur comme pour le lecteur une découverte vivante. p. 97.
Ainsi, au fur et à mesure que l’histoire se déroule, [le romancier] voit-il apparaître des vérités dont il ne connaissait pas à l’avance le visage, des questions dont il ne possède pas la solution : il s’interroge, il prend parti, il court des risques, et c’est avec étonnement qu’au terme de sa création il considérera l’œuvre accomplie, dont il ne pourra pas lui-même fournir une traduction abstraite car, d’un seul mouvement, elle se sera donné ensemble son sens et sa chair. Alors, le roman apparaîtra comme une authentique aventure spirituelle. p. 99.
La métaphysique n’est pas d’abord un système ; on ne “fait” pas de la métaphysique comme on “fait” des mathématiques ou de la physique. En réalité, “faire” de la métaphysique, c’est “être métaphysique”, c’est réaliser en soi l’attitude métaphysique qui consiste à se poser dans sa totalité en face de la totalité du monde. p. 101.
Ainsi, en tant qu’il affirme la réalité suprême de l’Idée dont ce monde n’est qu’une dégradation trompeuse, Platon n’a que faire des poètes, il les bannit de sa république ; mais en tant que, décrivant le mouvement dialectique qui porte l’homme vers l’idée, il intègre à la réalité l’homme et le monde sensible, Platon éprouve le besoin de se faire lui-même poète. Il situe dans les prairies en fleur, autour d’une table, au chevet d’un mourant, sur terre, les entretiens qui montrent le chemin du ciel intelligible. p. 103.
Plus vivement un philosophe souligne le rôle et la valeur de la subjectivité, plus il sera amené à décrire l’expérience métaphysique sous sa forme singulière et temporelle. p. 104.
Ce n’est pas un hasard si la pensée existentialiste tente de s’exprimer aujourd’hui, tantôt par des traités théoriques, tantôt par des fictions : c’est qu’elle est un effort pour concilier l’objectif et le subjectif, l’absolu et le relatif, l’intemporel et l’historique ; elle prétend saisir l’essence au sein de l’existence ; et si la description de l’essence relève de la philosophie proprement dite, seul le roman permettra d'évoquer dans sa vérité complète, singulière, temporelle, le jaillissement originel de l’existence. p. 104-105.
Honnêtement lu, honnêtement écrit, un roman métaphysique apporte un dévoilement de l’existence dont aucun autre mode d'expression ne saurait fournir l’équivalent ; loin d’être, comme on l’a parfois prétendu, une dangereuse déviation du genre romanesque, il m’en semble au contraire [...] l'accomplissement le plus achevé puisqu’il s’efforce de saisir l’homme et ses événements humains dans leur rapport avec la totalité du monde, puisque lui seul peut réussir ce à quoi échouent la pure littérature comme la pure philosophie : évoquer dans son unité vivante et sa fondamentale ambiguïté vivante cette destinée qui est la nôtre et qui s'inscrit à la fois dans le temps et dans l’éternité. p. 108.
BEAUVOIR, S. de, Idéalisme moral et réalisme politique, Paris, Folio Gallimard, 2017.
« De Spinoza à Sartre - Philosophie - Fiches de lecture, tome 2 » : Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Fiche de lecture n° 5.
Carnet de vocabulaire philosophique : Métaphysique.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, novembre 2024.
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