Hypostase, hypostasier

Auteurs – Ouvrages

Henri Bergson, L’Évolution créatrice

Le simple bon sens nous dit, en effet, que lorsque nous sommes en possession d’un instrument efficace de recherche, et que nous ignorons les limites de son applicabilité, nous devons faire comme si cette applicabilité était sans limite : il serait toujours temps d’en rabattre. Mais la tentation devait être grande, pour le philosophe, d’hypostasier cette espérance ou plutôt cet élan de la nouvelle science, et de convertir une règle générale de méthode en loi fondamentale des choses. IV, “Métaphysique de la science moderne. Descartes, Spinoza, Leibniz.”

José Lezama Lima, Les Ères Imaginaires

La poésie se fait visible, hypostasiée, dans les ères imaginaires, où elle se vit en image, par anticipation dans le miroir, comme la substance de la résurrection. “Prélude aux ères imaginaires”.

François Jullien, Si parler va sans dire

[En] Chine, “dire le vide”, ce serait le faire ressortir, le privilégier, encore en faire un objet (serait-ce le néant) et par la suite s’attacher à lui et l’hypostasier (ce que ne manquent pas de faire, remarquons-le au passage, ceux qui, en Occident, se complaisent à traiter du “Vide”...) : ce serait donc aussi le rater.

Définition

Hypostase : substance, principe divin. Le verbe “hypostasier” a toujours le sens péjoratif de considérer abusivement quelque chose d’abstrait comme une réalité.

Étymologie

Larousse étymologique

Latin ecclésiastique hypostasis, ce qui est placé en dessous, c’est-à-dire “substance”, du grec hupostasis, support.

Gaffiot

Substance, hypostase.

Bailly

[Upostasis :] Action de se placer dessous.

Ce que l’on place dessous, ce qui est au fond.

Au propre : base, fondement ; dépôt, sédiment.

Au sens moral : ce qui est au fond de l’âme, fermeté, sang-froid, confiance, courage.

En parlant de l’intelligence, de la pensée, etc. : fondement ou sujet d’un ouvrage, d’un discours, d’où particulièrement point de départ, commencement ; dessein, plan.

Rhétorique : développement d’une idée.

Philosophie : substance, c’est-à-dire réalité, par opposition à phantasma, apparition, vision, songe.

Références

Lalande

[Hypostase :] A. Substance considérée comme une réalité ontologique.

B. (Péjoratif). Entité fictive, abstraction faussement considérée comme une réalité. - Ce sens est surtout usuel pour le verbe hypostasier (= transformer une relation logique en une substance, au sens ontologique de ce mot) ; et même, plus généralement, donner à tort une réalité absolue à ce qui n’est que relatif.

Morfaux

En théologie, le terme désigne les trois personnes divines de la Trinité chrétienne (Père, Fils, Saint-Esprit) en tant qu’elles sont considérées comme substantiellement distinctes.

Dans le néoplatonisme, les trois hypostases de l’Un, de l’Intellect, de l’Âme désignent des principes éternels, incorporels, hiérarchisés. L’Un suprême est hors du monde et principe constituant des deux autres. L’âme est principe organisateur providentiel du monde, mais séparé des intelligibles. Dans le néoplatonisme, ce n’est pas à l’Un mais à l'Intellect qu’est assimilé le soleil intelligible (mythe de la caverne). Les trois hypostases procèdent l’une de l’autre.

Extension péjorative. Simple abstraction abusivement considérée comme une réalité, une substance. Le verbe hypostasier est toujours péjoratif.

CNRTL

[Hypostase :] Philosophie et théologie. Principe divin (doctrine néoplatonicienne). Chacune des trois personnes divines, considérée comme substantiellement distincte (dogme chrétien).

[Hypostasier :] Considérer abusivement une pure abstraction comme une réalité.

Académie 9e édition

[Hypostase :] Philosophie. Chez les néoplatoniciens, chacun des principes divins, éternels, nécessaires et immuables, dont procèdent toutes choses.

Théologie. Nom employé, à l'origine par les Pères grecs, pour désigner chacune des personnes de la Trinité.

Grammaire. Passage d'un mot d'une catégorie grammaticale dans une autre. Les emplois substantivés de l'infinitif, comme « le parler », ou d'une expression entière, comme « le qu'en-dira-t-on », constituent des hypostases. (On dit aussi Dérivation impropre.)

[Hypostasier :] Prêter une réalité à une pure abstraction ; ériger faussement en principe absolu.

Littré

Terme de théologie. Suppôt, personne. Il y a en Dieu trois hypostases et une seule nature.

Terme de médecine. Dépôt, sédiment dans les urines.

Patrick Moulin, MardiPhilo, septembre 2024.