Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. Rabelais, Pantagruel.
De même que chaque personne doit décider, par une réflexion rationnelle, ce qui constitue son bien, c’est-à-dire le système des fins qu’il est rationnel pour elle de rechercher, de même un groupe de personnes doit décider, une fois pour toutes, ce qui, en son sein, doit être tenu pour juste et injuste. Le choix que des êtres rationnels feraient, dans cette situation hypothétique d’égale liberté, détermine les principes de la justice. John Rawls, Théorie de la justice.
En premier lieu : chaque personne doit avoir un droit égal au système le plus étendu de libertés de base égales pour tous qui soit compatible avec le même système pour les autres. En second lieu : les inégalités sociales et économiques doivent être organisées de façon à ce que, à la fois, (a) l’on puisse raisonnablement s’attendre à ce qu’elles soient attachées à l’avantage de chacun et (b) qu’elles soient attachées à des positions et à des fonctions ouvertes à tous. Rawls, Théorie de la justice, p. 91.
Toutes les valeurs sociales - liberté et possibilité offertes à l’individu, revenus et richesses ainsi que les bases sociales du respect de soi-même - doivent être réparties également à moins qu’une répartition inégale de l’une ou de toutes ces valeurs soient à l’avantage de chacun. Rawls, Théorie de la justice, p. 93.
Quand on se place au point de vue du système solaire, nos révolutions ont à peine l’amplitude de mouvements d’atomes. Du point de vue de Sirius, c’est encore moins. Ernest Renan.
L’existence d’une nation est un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie. Renan, Qu’est-ce qu’une nation ?
La souffrance ne se borne pas à être, mais à être en excès. Souffrir c’est toujours souffrir de trop. Paul Ricœur, La souffrance n’est pas la douleur.
Répondre à la question "Qui ?", c'est raconter l'histoire d'une vie. Ricœur, Temps et Récit.
Je définirai la visée éthique par les trois termes suivants : visée de la vie bonne, avec et pour les autres, dans des institutions justes. Ricœur.
Je ne suis pas proche de moi-même, mais toujours dans un rapport d'interprétation. Ricœur.
Le mal, c’est ce qui est et qui ne devrait pas être, mais dont nous ne pouvons pas dire pourquoi cela est. Ricoeur, Le Scandale du Mal.
Pour l’action, le mal est avant tout ce qui ne devrait pas être, mais doit être combattu. Ricoeur, Le Mal. Un défi à la philosophie et à la théologie.
Qu’en est-il maintenant de la distinction proposée entre éthique et morale ? Rien dans l’étymologie ou dans l’histoire de l’emploi des termes ne l’impose. L’un vient du grec, l’autre du latin ; et les deux renvoient à l’idée intuitive de moeurs, avec la double connotation que nous allons tenter de décomposer, de ce qui est estimé bon et de ce qui s’impose comme obligatoire. C’est donc par convention que je réserverai le terme d’éthique pour la visée d’une vie accomplie et celui de morale pour l’articulation de cette visée dans des normes caractérisées à la fois par la prétention à l’universalité et par un effet de contrainte [...]. On reconnaîtra aisément entre visées et normes l’opposition entre deux héritages, un héritage aristotélicien, où l’éthique est caractérisée par sa perspective téléologique, et un héritage kantien, où la morale est définie par le caractère d’obligation de la norme, donc par un point de vue déontologique. On se propose d’établir, sans souci d’orthodoxie aristotélicienne ou kantienne, mais non sans une grande attention aux textes fondateurs de ces deux traditions : 1) la primauté de l’éthique sur la morale ; 2) la nécessité pour la vie éthique de passer par le crible de la norme ; 3) la légitimité d’un recours de la norme à la visée, lorsque la norme conduit à des impasses pratiques [...] Ricoeur, Soi-même comme un autre, septième étude, “Le soi et la visée éthique”’.
Appelons “visée éthique” la visée de la “vie bonne” avec et pour autrui dans des institutions justes. Ibid.
(...) je pense qu'il ne doit y avoir, dans une oeuvre de philosophie conséquente, qu'un petit nombre de concepts. Clément Rosset, in L'abécédaire de Clément Rosset, Philosophie magazine, mai 2018.
Le point de départ de ma philosophie est la conscience du tragique de l’existence : tout est promis à disparaître, la mort nous entoure et nous sommes menacés par notre propre inconsistance. Or on refuse le tragique et la mort. Et ce refus du tragique, donc de la réalité, se paie très cher. A l’inverse, la capacité d’admettre la part tragique du réel est pour moi la pierre de touche de la santé morale et de l’allégresse. On peut d’ailleurs distinguer deux grands axes dans l’histoire de la philosophie, les philosophes qui font droit au tragique - Pascal, Nietzsche… -, et ceux qui font tout pour l’évacuer par la rationalisation du monde - Platon, Kant, Hegel… Quant à moi, il y a longtemps que j’ai choisi mon camp. Clément Rosset, in L'abécédaire de Clément Rosset, Philosophie magazine, mai 2018.
Il entre dans l’essence de l’amour de prétendre aimer toujours, mais dans son fait de n’aimer qu’un temps. En sorte que la vérité de l’amour ne s’accorde pas avec l’expérience de l’amour. Rosset, Le Principe de cruauté.
L'homme est naturellement bon. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes.
L'homme est né libre et partout il est dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux. Rousseau, Du contrat social.
Homme, ne cherche plus l’auteur du mal ; cet auteur, c’est toi-même. Rousseau, Emile ou de l’éducation.
Nos affections qui s’attachent aux choses extérieures passent et changent nécessairement comme elles. Toujours en avant ou en arrière de nous, elles rappellent le passé qui n’est plus ou préviennent l’avenir qui souvent ne doit point être (...). Aussi n’a-t-on guère ici-bas que du plaisir qui passe ; pour le bonheur qui dure, je doute qu’il soit connu. A peine est-il dans nos plus vives jouissances un instant où le coeur puisse véritablement nous dire : je voudrais que cet instant durât toujours. Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire.
On vit tranquille aussi dans les cachots ; est-ce assez pour s’y trouver bien ? Rousseau.
Il faut avoir beaucoup de jugement soi-même pour apprécier celui d’un enfant. Rousseau, Emile ou De l’éducation.
Ô Montaigne ! toi qui te piques de franchise et de vérité, sois sincère et vrai, si un philosophe peut l’être, et dis-moi s’il est quelque pays sur la terre où ce soit un crime de garder sa foi, d’être clément, bienfaisant, généreux ; où l’homme de bien soit méprisable, et le perfide honoré. Rousseau, Emile ou de l’éducation.
Conscience ! conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide d’un entendement sans règle et d’une raison sans principe. Rousseau, Emile ou de l’éducation.
Il est donc bien certain que la pitié est un sentiment naturel, qui, modérant dans chaque individu l’activité de l’amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l’espèce. (...) c’est elle, qui au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée : Fais à autrui comme tu veux qu’on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle, bien moins parfaite mais plus utile peut-être que la précédente : Fais ton bien avec le moindre mal d’autrui qu’il est possible. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.
“Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant.” Tel est le problème fondamental dont le contrat social donne la solution. Rousseau, Du contrat social.
Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. Rousseau, Du contrat social.
Puisque aucun homme n’a une autorité naturelle sur son semblable, et puisque la force ne produit aucun droit, restent donc les conventions pour base de toute autorité légitime parmi les hommes. Rousseau, Du contrat social.
L’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. Rousseau, Du contrat social.
Il ne faut pas confondre l’amour-propre et l’amour de soi-même, deux passions très différentes par leur nature et par leurs effets. L’amour de soi-même est un sentiment naturel qui porte tout animal à veiller à sa propre conservation, et qui, dirigé dans l’homme par la raison et modifié par la pitié, produit l’humanité et la vertu. L’amour-propre n’est qu’un sentiment relatif, factice, et né dans la société, qui porte chaque individu à faire plus cas de soi que de tout autre, qui inspire aux hommes tous les maux qu’ils se font mutuellement, et qui est la véritable source de l’honneur. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.
Ce que l’homme perd par le contrat social, c’est sa liberté naturelle et un droit illimité à tout ce qui le tente et qu’il peut atteindre ; ce qu’il gagne, c’est la liberté civile et la propriété de tout ce qu’il possède. Pour ne pas se tromper dans ces compensations, il faut bien distinguer la liberté naturelle, qui n’a pour bornes que les forces de l’individu, de la liberté civile, qui est limitée par la volonté générale ; et la possession, qui n’est que l’effet de la force ou le droit du premier occupant, de la propriété, qui ne peut être fondée que sur un titre positif. On pourrait ajouter à l’acquis de l’état civil la liberté morale, qui seule rend l’homme vraiment maître de lui ; car l’impulsion du seul appétit est esclavage, et l'obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté. Rousseau, Du contrat social.
On me demandera si je suis prince ou législateur pour écrire sur la politique. Si j’étais prince ou législateur, je ne perdrais pas mon temps à dire ce qu’il faut faire ; je le ferais, ou je me tairais. Rousseau, Du Contrat social, Livre I.
L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclaves qu’eux. Rousseau, Du Contrat social, I, chapitre I, “Sujet de ce premier livre”.
La famille est donc si l’on veut le premier modèle des sociétés politiques : le chef est l’image du père, le peuple est l’image des enfants, et tous, étant nés égaux et libres, n’aliènent leur liberté que pour leur utilité. Toute la différence est que dans la famille l’amour du père pour ses enfants le paye des soins qu’il leur rend, et que dans l’État le plaisir de commander supplée à cet amour que le chef n’a pas pour ses peuples. Rousseau, Du Contrat social, I, chapitre II, “Des premières sociétés”.
A l’instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d’association produit un corps moral et collectif composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. Cette personne publique qui se forme ainsi par l’union de toutes les autres prenait autrefois le nom de Cité, et prend maintenant celui de république ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres État quand il est passif, souverain quand il est actif, puissance en le comparant à ses semblables. A l’égard des associés ils prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en particulier citoyens comme participant à l’autorité souveraine, et sujets comme soumis aux lois de l’État. Rousseau, Du Contrat social, I, chapitre VI, “Du pacte social”.
Par la même raison que la souveraineté est inaliénable, elle est indivisible. Car la volonté est générale, ou elle ne l’est pas ; elle est celle du corps du peuple, ou seulement d’une partie. Dans le premier cas cette volonté déclarée est un acte de souveraineté et fait loi. Dans le second, ce n’est qu’une volonté particulière, ou un acte de magistrature ; c’est un décret tout au plus.
Mais nos politiques ne pouvant diviser la souveraineté dans son principe, la divisent dans son objet : ils la divisent en force et en volonté, en puissance législative et en puissance exécutive, en droits d’impôts, de justice et de guerre ; en administration intérieure et en pouvoir de traiter avec l’étranger : tantôt ils confondent toutes ces parties et tantôt ils les séparent. Ils font du souverain un être fantastique et formé de pièces rapportées ; et c’est comme s’ils composaient l’homme de plusieurs corps, dont l’un aurait des yeux, l’autre des bras, l’autre des pieds, et rien de plus. [...] Tels sont à peu près les tours de gobelets de nos politiques ; après avoir démembré le corps social par un prestige digne de la foire, ils rassemblent les pièces on ne sait comment. Rousseau, Du Contrat social, II, chapitre II, “Que la souveraineté est indivisible”.
Par le pacte social nous avons donné l’existence et la vie au corps politique : il s’agit maintenant de lui donner le mouvement et la volonté par la législation. Car l’acte primitif par lequel ce corps se forme et s’unit ne détermine rien encore de ce qu’il doit faire pour se conserver. Rousseau, Du Contrat social, II, chapitre VI, “De la loi”.
Il n’y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu’un est au-dessus des lois : dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois mais il n’obéit qu’aux lois, et c’est par la force des lois qu’il n’obéit pas aux hommes. (...) Un peuple est libre, quelque forme qu’ait son gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois ; elle règne ou périt avec elles. Rousseau, Lettres écrites de la montagne.
Mais quand les difficultés qui entourent toutes ces questions laisseraient quelque lieu de disputer sur cette différence de l’homme et de l’animal, il y a une autre qualité très spécifique qui les distingue, et sur laquelle il ne peut y avoir de contestation ; c’est la faculté de se perfectionner, faculté qui, à l’aide des circonstances, développe successivement toutes les autres, et réside parmi nous tant dans l’espèce que dans l’individu ; au lieu qu’un animal est au bout de quelques mois ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce au bout de mille ans ce qu’elle était la première année de ces milles ans. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes.
Le droit politique est encore à naître, et il est à présumer qu’il ne naîtra jamais. [...] Le seul moderne en état de créer cette grande et inutile science eût été l’illustre Montesquieu. Mais il n’eut garde de traiter des principes du droit politique ; il se contenta de traiter du droit positif des gouvernement établis ; et rien au monde n’est plus différent que ces deux études. Rousseau, Émile ou De l'Éducation, Livre V.
On me demandera si je suis prince ou législateur pour écrire sur la politique. Si j’étais prince ou législateur, je ne perdrais pas mon temps à dire ce qu’il faut faire ; je le ferais, ou je me tairais. Rousseau, Du Contrat social, Livre I.
L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclaves qu’eux. Ibid., I, chapitre I, “Sujet de ce premier livre”.
La famille est donc si l’on veut le premier modèle des sociétés politiques : le chef est l’image du père, le peuple est l’image des enfants, et tous, étant nés égaux et libres, n’aliènent leur liberté que pour leur utilité. Toute la différence est que dans la famille l’amour du père pour ses enfants le paye des soins qu’il leur rend, et que dans l’État le plaisir de commander supplée à cet amour que le chef n’a pas pour ses peuples. Ibid., I, chapitre II, “Des premières sociétés”.
A l’instant, au lieu de la personne particulière de chaque contractant, cet acte d’association produit un corps moral et collectif composé d’autant de membres que l’assemblée a de voix, lequel reçoit de ce même acte son unité, son moi commun, sa vie et sa volonté. Cette personne publique qui se forme ainsi par l’union de toutes les autres prenait autrefois le nom de Cité, et prend maintenant celui de république ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres État quand il est passif, souverain quand il est actif, puissance en le comparant à ses semblables. A l’égard des associés ils prennent collectivement le nom de peuple, et s’appellent en particulier citoyens comme participant à l’autorité souveraine, et sujets comme soumis aux lois de l’État. Ibid., I, chapitre VI, “Du pacte social”.
Par la même raison que la souveraineté est inaliénable, elle est indivisible. Car la volonté est générale, ou elle ne l’est pas ; elle est celle du corps du peuple, ou seulement d’une partie. Dans le premier cas cette volonté déclarée est un acte de souveraineté et fait loi. Dans le second, ce n’est qu’une volonté particulière, ou un acte de magistrature ; c’est un décret tout au plus.
Mais nos politiques ne pouvant diviser la souveraineté dans son principe, la divisent dans son objet : ils la divisent en force et en volonté, en puissance législative et en puissance exécutive, en droits d’impôts, de justice et de guerre ; en administration intérieure et en pouvoir de traiter avec l’étranger : tantôt ils confondent toutes ces parties et tantôt ils les séparent. Ils font du souverain un être fantastique et formé de pièces rapportées ; et c’est comme s’ils composaient l’homme de plusieurs corps, dont l’un aurait des yeux, l’autre des bras, l’autre des pieds, et rien de plus. [...] Tels sont à peu près les tours de gobelets de nos politiques ; après avoir démembré le corps social par un prestige digne de la foire, ils rassemblent les pièces on ne sait comment. Ibid., II, chapitre II, “Que la souveraineté est indivisible”.
Par le pacte social nous avons donné l’existence et la vie au corps politique : il s’agit maintenant de lui donner le mouvement et la volonté par la législation. Car l’acte primitif par lequel ce corps se forme et s’unit ne détermine rien encore de ce qu’il doit faire pour se conserver. Ibid., II, chapitre VI, “De la loi”.
Tout un monde de douleur, de misère et de solitude bafoue la vie telle qu’elle devait être. Bertrand Russell, Autobiographie.
[A Naples, un voyageur] vit douze mendiants étendus au soleil et proposa une lire à celui qui se montrerait le plus paresseux. Onze d’entre eux bondirent pour la lui réclamer. Il la donna au douzième. Bertrand Russell, Éloge de l’oisiveté.
Puisque tout comportement humain naît du désir, il est clair que les conceptions éthiques n’ont pas d’importance, sauf dans la mesure où elles influencent les désir. Elles y parviennent parce qu’on désire être approuvé et que l’on craint d’être désapprouvé. (...) En dehors des désirs humains, il n’existe pas de critère moral. Russell, Ce que je crois.
Tous les signes tendent à montrer que ce que nous regardons comme notre vie mentale est lié à une structure cérébrale et à une énergie corporelle organisées. Il est donc raisonnable de supposer que la vie mentale s’arrête quand s’arrête la vie du corps. L’argument ne relève que de la probabilité, mais il est d’une certaine force. Russell, Ce que je crois.
On s’est efforcé de définir “vérité” en termes de “connaissance” ou à l’aide de concepts tels que celui de “vérifiabilité”, comportant de la “connaissance”. Ces tentatives, si elles sont menées en bonne logique, conduisent à des paradoxes qu’il n’y a pas de raison d’accepter. Je conclus que “vrai” est le concept fondamental et que c’est la “connaissance” qui doit se définir en termes de “vérité”, non l’inverse. Cela entraîne la conséquence qu’une proposition peut être vraie, encore que nous ne puissions voir aucun moyen d'administrer de preuve ni pour ni contre elle. Russell, Signification et Vérité.
Personne ne traite une automobile aussi stupidement qu’on traite un être humain. Quand l’automobile ne veut pas avancer, on n’attribue pas cette panne à quelque péché ; on ne dit pas : “Tu est une méchante automobile, et je ne te fournirai pas d’essence avant que tu démarres.” Au contraire, l’on cherche à découvrir ce qui ne marche pas et à le réparer. Traiter de manière analogue un être humain est cependant considéré comme contraire aux vérités de notre saint religion… Russell, La religion a-t-elle contribué à la civilisation ?
L’idée selon laquelle les choses doivent avoir un commencement est réellement due à la pauvreté de notre imagination. Russell, Pourquoi je ne suis pas chrétien.
Je ne suis pas à même de démontrer que Dieu n’existe pas, mais je ne puis démontrer non plus que Satan soit une fiction. Il se peut que le Dieu des chrétiens existe ; il se peut qu’il en soit de même des dieux de l’Olympe, ou de ceux de l’ancienne Egypte, ou de Babylone. Mais aucune de ces hypothèses n’a un caractère de probabilité plus grand que l’autre : elles se situent même hors de la région d’une connaissance probable, et donc il n’y a pas de raison d’en examiner aucune. Russell, Ce que je crois.
Le monde a besoin d’une philosophie ou d’une religion qui favorise la vie. Mais pour favoriser la vie, il est nécessaire d’apprécier quelque chose d’autre que la vie elle-même. La vie consacrée uniquement à la vie est animale, sans aucune réelle valeur humaine, incapable de préserver de façon permanente les hommes de l’ennui et de l’impression que tout est vanité. Si la vie doit être profondément humaine, il faut qu’elle serve un but qui semble, en un certain sens, en dehors de la vie humaine, un but impersonnel et au-dessus de l’humanité, tel que Dieu, la vérité ou la beauté. Russell, Principes de reconstruction sociale.
Patrick Moulin, MardiPhilo, août 2024.
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