Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Je ne cherche que des pensées qui tremblent. p. 13.
Une chose est de raisonner, une autre de voir et de rapporter sa vision dans un livre. p. 16.
Nous nous sommes construits dans l’ombre. Passivement dans l’ombre. Nous sommes les fruits de l’oreille sans paupières de l’ombre. p. 16.
Il appartient à la structure du langage d’être son propre tiers. p. 18.
C’est le mot de toute société à ses citoyens : “Ne respirez plus.” p. 27.
On ne sait ce que le dernier roi des Romains voulut dire en mourant. [...] Il demanda en mourant : / - Où sont les ombres ? p. 35.
Le destin de ceux qui usent du langage n’a pas toujours été l’hypnose. p. 39.
La deuxième guerre mondiale au cœur du siècle qui précède a dissous à jamais l’idée d’humanité dans l’humanité. p. 40.
Ce sont des ombres qu’il faut opposer aux images. p. 41.
Absente je te parle. C’est toi, unique, que ma voix nomme derrière tout ce que je désigne. Aucune nuit ne monte sans toi. Aucun jour ne s’élève. p. 42.
Le passé est édifié dans chaque vague du temps qui avance. p. 43.
Le langage est un mentir. p. 52.
Il y a dans lire une attente qui ne cherche pas à aboutir. Lire c’est errer. La lecture est l’errance. p. 53.
La mer était sans écume, lissée, extrêmement brillante, resplendissante. Chaque vague était comme une grande tuile d’or qui s’élevait, qui avançait. p. 72.
Le réel n’est jamais l’image de la réalité. Le réel est l’énigme. p. 74.
Chaque océan est une larme du temps. Qui pleure au fond de l’Être ? p. 75.
Un verset des Veda dit : Je suis un écho qui se tient devant le miroir. p. 76.
Plotin disait que les réincarnations successives sont comme un homme qui dort dans des lits différents. p. 77.
Où est le miroir sur lequel le reflet ne se dépose pas ? p. 79.
Les choses les plus anciennes ont été les plus neuves des choses. p. 81.
Les arts ne connaissent pas le progrès. Le merveilleux ne connaît pas le temps. p. 90.
On donne l’eau contre de l’argent. On donne un mort à la terre contre de l’argent. On donne le soleil contre de l’argent. p. 91.
Les Inuits ont ce proverbe : Les dons font les esclaves comme les fouets font les chiens. p. 94.
Les images ne sont les représentations de rien. Sans langage elles ne signifient pas. Que veulent dire les scènes qu’on voit sur les parois des grottes paléolithiques ? Nous l’ignorerons toujours faute des récits mythiques qu’elles prélettraient ou qu’elles condensaient. / Les images sont préhumaines. p. 105.
Le langage dit : C’est… Il a toujours répondu avant toute question. p. 107.
L’humanité européenne est antihumaine. p. 108.
Il n’est pas à sa place. C’est la définition même de la saleté : Quelque chose n’est pas à sa place. Un soulier est propre sur le plancher. Il est sale pour peu qu’on le pose sur la nappe parmi les fleurs, l’argenterie et les verres alignés. p. 114.
Si les hommes cessaient de croire à la valeur d’échange de la monnaie ? Les grands immeubles des banques qui ont envahi la terre seraient autant de temples d’Angkor dans les lianes et les cris de la jungle, sans plus de trace de cette ancienne foi des hommes pour l’équivalence. p. 115.
Le langage n’a que nos corps pour abri. Homo ne se définit que par là : animal à langage. p. 117.
L’individu est comme la vague qui se soulève à la surface de l’eau. Elle ne peut s’en séparer tout à fait. Et elle retombe très vite dans la masse solidaire qui l’engloutit. Elle retombe toujours dans le mouvement irrésistible de la marée qui la porte. Mais pourquoi ne pas se soulever encore et encore et encore ? p. 125.
Éprouver en pensant ce qui cherche à se dire avant même de connaître, c’est sans doute cela, le mouvement d’écrire. D’une part écrire avec ce mot qui se tient à jamais sur le bout de la langue, de l’autre avec l’ensemble du langage qui fuit sous les doigts. Ce qu’on appelle brûler, à l’aube de découvrir. p. 144.
L’humanité doit plus à la lecture qu’aux armes. p. 146.
Entre la solitude de celui qui écrit et la solitude de celui qui lit, c’est beaucoup de ciment. p. 151.
Le refus de l’appartenance sociale fut condamnable aux yeux de tous les groupes humains. Cette condamnation est le fond de chaque mythe. p. 154.
Il faut penser ceci : Le chasseur est la mort. L’homme n'est qu’une proie. p. 159.
François Couperin reprit le thème principal sous le nom Ombres errantes dans son dernier livre pour clavecin. p. 162.
Il y a une ombre que ceux qui courent le plus vite ne déposent pas sur le sol. p. 164.
Sans solitude, sans épreuve du temps, sans passion du silence, sans excitation et rétention de tout le corps, sans titubation dans la peur, sans errance dans quelque chose d’ombreux et d’invisible, sans mémoire de l’animalité, sans mélancolie, sans esseulement dans la mélancolie, il n’y a pas de joie. p. 164-165.
Je loue l’idée franque du droit d’asile. L’idée qu’il y ait dans l’espace des zones intermédiaires franches de la domination humaine. Des lieux où s’arrêtait la vengeance privée et où la vengeance d’État était interdite. Des lieux de la nature où non seulement l'humanité fut proscrite mais où même la domination des dieux cessait d’avoir cours. p. 171.
C’est le paradoxe de Kong-souen Long. Il se trouve que le doigt qui pointe la chose s’efface non seulement dans la monstration, déjà il s’absente dans le nom que va bégayer pour la première fois la bouche de l’enfant qui cherche à l’indiquer. Toute œuvre d’art est ce langage à sa source, c’est-à-dire un monde devenu un passé. p. 172.
Les fleurs ne vivent qu’à l’année. Dans les hommes monte une sève qui passe les saisons. C’est le passé qui les porte de l’amont vers l’aval. Les fleurs sont sans passé : elles sont même sans saison. Leur sève est la sève. Elles puisent au Jadis en acte. p. 178.
Contempler le ciel, qui n’est pas vivant, pour tout ce qui est vivant, c’est contempler le seul aïeul. p. 180.
Le passé, c’est la réponse s’amassant. Le temps, c’est le questionner jaillissant. p. 182.
Nous sommes des pauvres devinettes. La devinette est une question qui demande la réponse qui l’a bâtie. La réponse qui l’a bâtie est passée. Le devineur sait que la réponse est toujours le passé. p. 182.
Chaque homme veut croire qu’à la serrure indesserrable et gémissante et rouillée que chaque homme est devenu il y a une clé. p. 184.
Les arbres qui ne peuvent pas être utilisés par les porteurs de lance, par les fabricants de palissade, par les fabricants de chariots, par les luthiers, par les fabricants de barques, connaissent l’utilité exubérante des choses inutiles. p. 196.
Le voisinage de la mort est peut-être plus vivant qu’une vie consacrée à la fuir. p. 199.
QUIGNARD P., Les Ombres errantes, Folio, 2004.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, septembre 2024.
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