NC - Saint-Exupéry, Vol de nuit

Notes contemplatives de lecture

Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.

Saint-Exupéry A. de, Œuvres complètes, La Pléiade

Notes de lecture


Il était semblable à un conquérant, au soir de ses conquêtes, qui se penche sur les terres de l’Empire, et découvre l’humble bonheur des hommes. p. 114.

La terre était tendue d’appels lumineux, chaque maison allumant son étoile, face à l’immense nuit, ainsi qu’on tourne un phare vers la mer. Tout ce qui couvrait une vie humaine déjà scintillait. p. 115.

Et maintenant, au cœur de la nuit comme un veilleur, il découvre que la nuit montre l’homme : ces appels, ces lumières, cette inquiétude. Cette simple étoile dans l’ombre : l’isolement d’une maison. L’une s’éteint : c’est une maison qui se ferme sur son amour. Ou sur son ennui. Ils ne savent pas ce qu’ils espèrent ces paysans accoudés à la table devant leur lampe : ils ne savent pas que leur désir porte si loin, dans la grande nuit qui les enferme. p. 116.

Il s’aperçut qu’il avait peu à peu repoussé vers la vieillesse, pour quand "il aurait le temps” ce qui fait douce la vie des hommes. Comme si réellement on pouvait avoir le temps un jour, comme si l’on gagnait, à l’extrémité de la vie, cette paix bienheureuse que l’on imagine. p. 117.

L’homme était pour lui une cire vierge qu’il fallait pétrir. Il fallait donner une âme à cette matière, lui créer une volonté. Il ne pensait pas les asservir par cette dureté, mais les lancer hors d’eux-mêmes. p. 123.

Si les insomnies d’un musicien lui font créer de belles œuvres, ce sont de belles symphonies. p. 128.

Je suis semblable au père d’un enfant malade, qui marche dans la foule à petit pas. Il porte en lui le grand silence de sa maison. p. 132.

Suis-je juste ou injuste ? Je l’ignore. Si je frappe, les pannes diminuent. Le responsable, ce n’est pas l’homme, c’est comme une puissance obscure que l’on ne touche jamais, si l’on ne touche pas tout le monde. Si j’étais très juste, un vol de nuit serait chaque fois une chance de mort. p. 135.

C’est curieux comme les événements prennent le dessus, comme se révèle une grande force obscure, la même qui soulève les forêts vierges, qui croît, qui force, qui sourd de partout autour des grandes œuvres. p. 137.

Pour se faire aimer, il suffit de plaindre. Je ne plains guère ou je le cache. J’aimerais bien pourtant m’entourer de l’amitié et de la douceur humaines. Un médecin, dans son métier, les rencontre. Mais ce sont les événements que je sers. Il faut que je forge les hommes pour qu’ils les servent. [...] Je suis surpris, parfois, de mon pouvoir. [...] Ainsi la lutte perpétuelle du jardinier sur sa pelouse. Le poids de sa simple main repousse dans la terre, qui la prépare éternellement, la forêt primitive. p. 141.

Il faut qu’il n'y ait plus de mystère. Il faut que des hommes soient descendus dans ce puits sombre, et en remontent, et disent qu’ils n’ont rien rencontré. Il faut que cet homme descende au cœur le plus intime de la nuit, dans son épaisseur, et sans même cette petite lampe de mineur, qui n’éclaire que les mains ou l’aile, mais écarte d’une largeur d’épaules l’inconnu. p. 142.

[Si] la vie humaine n’a pas de prix, nous agissons toujours comme si quelque chose dépassait, en valeur, la vie humaine… Mais quoi ? p. 151.

Le conducteur de peuples d’autrefois, s’il n’eut peut-être pas pitié de la souffrance de l’homme, eut pitié, immensément, de sa mort. Non de sa mort individuelle, mais pitié de l'espèce qu’effacera la mer de sable. Et il menait son peuple dresser au moins des pierres, que n’ensevelirait pas le désert. p. 152.

Pareil à ces voleurs de villes fabuleuses, murés dans la chambre aux trésors dont ils ne sauront plus sortir. Parmi des pierreries glacées, ils errent, infiniment riches, mais condamnés. p. 156.

[Dans] la vie il n’y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent. p. 158.

Nous ne demandons pas à être éternels, mais à ne pas voir les actes et les choses tout à coup perdre leur sens. Le vide qui nous entoure se montre alors… p. 160.

Il pensa aux petites villes d’autrefois qui entendaient parler des “Îles” et se construisaient un navire. Pour le charger de leur espérance. Pour que les hommes pussent voir leur espérance ouvrir ses voiles sur la mer. Tous grandis, tous tirés hors d’eux-mêmes, tous délivrés par un navire. “Le but peut-être ne justifie rien, mais l’action délivre de la mort. Ces hommes duraient par leur navire.” p. 161.

Chaque seconde emporte quelque chose. p. 162.

Victoire… défaite… ces mots n’ont point de sens. La vie est au-dessous de ces images, et déjà prépare de nouvelles images. Une victoire affaiblit un peuple, une défaite en réveille un autre. [...] L’événement en marche compte seul. p. 166-167.

Bibliographie


SAINT-EXUPÉRY A. de, Œuvres complètes, Tome I, La Pléiade.

Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.

Notes contemplatives de lecture

Patrick Moulin, MardiPhilo, septembre 2024.

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