FL - Platon, Lysis ou De l'Amitié

Platon, Lysis ou De l'Amitié

Éléments contextuels

Platon (427-347 av. J.-C.) premier philosophe dont nous disposons des œuvres considérées comme complètes. Fondateur de l’Académie, dont la devise est “Nul n’entre ici s’il n’est géomètre”. Disciple de Socrate, dont il a retranscrit les dialogues.

Le Lysis est une œuvre de la période de transition (390-385 av. J.-C.), qui suit les Œuvres de jeunesse. C’est un dialogue socratique de type maïeutique, (Diogène Laërce, III, 51). Voici ce qu’écrit Diogène Laërce sur Socrate :

Persuader et dissuader, il était capable de faire les deux. [...] Lysis aussi, il le rendit très moral par ses exhortations. D. Laërce, Op. cit., II, 29.

La maïeutique est l’art d’accoucher les esprits de la vérité. C’est la méthode qu’emploie Socrate dans ses dialogues pour parvenir, ou non, à un accord avec son ou ses interlocuteurs sur le sujet étudié dans le dialogue, ici, dans le Lysis, c’est l’amitié. Diogène Laërce rapporte également un commentaire de Socrate, particulièrement intéressant :

On raconte encore que Socrate, qui venait d’entendre Platon donner lecture du Lysis, s’écria : “Par Héraclès, que de faussetés dit sur moi ce jeune homme.” De fait, Platon a consigné par écrit un nombre non négligeable de choses que Socrate n’a pas dites. D. Laërce, Op. cit., III, 35.

Ainsi nous apprenons que Platon serait peut-être allé plus loin qu’une simple retranscription ou d’une interprétation fidèle des propos de son maître. Comme dit le proverbe : “On ne prête qu’aux riches”.

Le Lysis est aussi le premier dialogue présentant une ébauche de la théorie des Idées, ici celle du Bien, principe premier de toute amitié selon Socrate (ou bien selon Platon, allez savoir).

Les personnages du Lysis sont :

Synthèse globale

Socrate dialogue sur le thème de la nature de l’amitié avec des jeunes athéniens, Lysis, Ménexène, et Hippothalès, dans un gymnase d’Athènes.

Hippothalès aime secrètement Lysis et ne cesse d’inonder ses amis de poèmes et de chants à sa louange. Socrate veut lui faire comprendre le “langage obligatoire pour un amant”, qui ne consiste pas à en célébrer les louanges, mais au contraire à le rabaisser.

Le savoir pourrait être la condition de l’amitié : l’amitié avec quelqu’un qui a acquis du savoir est recherchée, car il est utile aux autres.

La question vient sur l’objet de l’amitié : est-ce celui qui aime, celui qui est aimé, les deux ? Elle conduit à une impasse.

Socrate examine les différentes théories sur le fondement de l’amitié : le semblable va vers le semblable ; le contraire va vers le contraire ; le ni bon ni mauvais est l’ami du bon. Cette dernière théorie montre que le corps et l’âme ont de l’amitié pour le bien, le bon (la santé, le savoir), à cause d’un mal (la maladie, l’ignorance).

L’amitié a donc des fins relatives (la santé, le savoir) et une fin absolue le Bien/Bon. C’est une première approche de la théorie des Idées que Platon développera dans d’autres œuvres.

Socrate distingue le semblable de ce qui est apparenté (avoir mutuellement le désir du Bien par ex.). L’apparenté est identique avec le Bon.

Le dialogue se conclut sans réponse précise, Lysis et Ménexène retournant chez eux avec leurs “pédagogues”, esclaves qui conduisent les jeunes sur le trajet entre leur domicile et leur école.

Plan du texte, synthèse et extraits

Note : la pagination renvoie à l’édition des œuvres complètes de Platon, parue chez La Pléiade.

Prologue

Venant de l’Académie, je m’en allais tout droit vers le Lycée, sur la route qui longe le Mur à l’extérieur et au pied même du mur. 203 a, p. 321

Platon donne l’indication des lieux où va se dérouler le dialogue :

Ces lieux sont visibles sur les cartes gravées par Ambroise Tardieu. Sur l’image ci-dessous, l’Académie est en haut, au nord-ouest d’Athènes, et le Lycée à la droite (à l’Est) d’Athènes.

Pour l’anecdote, Socrate aurait parcouru, depuis l’Académie jusqu’au Lycée, environ 30 stades olympiques, soit une distance de près de cinq kilomètres.

Sur ce chemin, il rencontre un groupe de “jeunes gens”, dont Hippothalès et Ctésippe, qui vont passer du temps à la palestre, lieu d’enseignement et de pratique des exercices athlétiques, équivalent d’un gymnase.

L’amour d’Hippothalès pour le jeune Lysis

Ctésippe explique à Socrate comment Hippothalès ne cesse de leur parler de Lysis, dont il est secrètement amoureux.

Nous, en tout cas, il achève de nous assourdir à toujours parler de Lysis, nous en avons plein les oreilles ; bien plus, lorsqu’il lui arrive d’avoir trop bu, nous sommes alors si bien servis, qu’au sortir du sommeil nous nous imaginons, bien réveillés, entendre prononcer le nom de Lysis ! 204 c-d, p. 322.

Hippothalès les inonde de “compositions en vers comme en prose”, et “chante en l’honneur de son bien-aimé” d’une voix tonitruante. Socrate va alors questionner Hippothalès sur son comportement à l’égard de Lysis :

Allons ! Ce que tu en fais connaître, même à tes amis ici présents, fais-le moi connaître à moi, pour me permettre de savoir si tu connais le langage obligatoire pour un amant sur le chapitre de son aimé, soit qu’il s’adresse à celui-ci ou bien à d’autres. 205 a, p. 322-323.

Remarques de Socrate

Socrate fait remarquer que la façon dont Hippothalès célèbre les louanges de Lysis, son aimé, peut se retourner contre lui en le rendant ridicule, s’il ne parvient pas à le conquérir.

Ainsi donc, mon cher, quiconque est savant dans les choses d’amour s’abstient de louer l’aimé avant d’en avoir fait la conquête, songeant avec crainte à la tournure que l’avenir réserve à son entreprise. [...] Or, que vaudrait, selon toi, un chasseur qui donnerait l’éveil au gibier qu’il chasse et le rendrait plus difficile à prendre ? 206a, p. 324.

Mise en scène

Hippothalès demande alors à Socrate quelle est “la conduite à tenir envers un bien-aimé pour obtenir son amitié” (206 c). Ils s’organisent alors pour se retrouver dans le gymnase où l’on “célèbre la fête d’Hermès”, afin de constituer un groupe où Lysis serait présent, ainsi que Ménexène, “le plus intime de tous ses camarades”.

Socrate pose le problème de l’amitié

Socrate va questionner l’amitié entre Lysis et Ménexène, pendant qu’Hippothalès se tiendra en retrait.

Or, entre amis tout est commun, dit-on ; en sorte que voilà au moins un point sur lequel il n’y aura entre vous deux nul dissentiment, si toutefois ce que vous avez dit tous deux de votre amitié est véridique. 207 c, p. 326.

La formule “entre amis tout est commun” viendrait de Pythagore (note de l’édition de la Pléiade).

I. Entretien avec Lysis : le savoir, condition de l’amitié.

Socrate prend l’exemple de l’amitié entre Lysis et ses parents. Ces derniers, même s’ils souhaitent sans doute que Lysis soit heureux, l’empêche de faire “toute une masse de choses” : par exemple, conduire un char, alors que cela est permis à un esclave. Lysis est soumis à l’autorité d’un pédagogue, celui qui le conduit à l’école (étymologie du mot pédagogue). À l’école, ce sont les maîtres qui ont autorité sur lui. L’éducation que ses parents donnent à Lysis en fait un esclave.

En conséquence, il ne te sert à rien, ni d’être riche au point où tu l’es, puisque au contraire tous ces gens ont sur tes richesses plus d’autorité que tu n’en as toi-même ; ni d’être si bien né de ta personne, puisque, cette personne même, c’est un autre qui la mène paître et qui la soigne ! Quant à toi, Lysis, il n’y a plus rien sur quoi tu aies l’autorité et tu ne fais rien non plus de ce que tu désires. 208 e - 209 a, p. 328.

Contrairement à Lysis qui pense que c’est son âge qui l’empêche de faire ce qu’il veut, Socrate lui donne l’exemple de cas où il est libre de faire des choses : lire, écrire, jouer de la lyre. Voici la raison de cette liberté, donnée par Lysis :

C’est, je pense, répondit-il, que ces choses-là, je les connais, tandis qu’il n’en est pas ainsi des autres. 209 c, p. 329.

C’est bien le savoir qui conditionne le fait que d’autres s’en remettent à nous, parce que nous sommes compétents dans un domaine, comme peut l’être le médecin.

Voilà donc, cher Lysis, ce qu’il en est : pour tout ce en quoi nous sommes arrivés à être des gens qui s’y entendent, il n’y a personne qui ne s’en remette à nous, les Grecs comme les Barbares, les hommes comme les femmes ; en cela nous ferons tout ce que nous pourrons vouloir, et personne n’apportera d’entrave volontaire à notre action. [...] Pour ce dont, en revanche, nous n’avons point acquis l’intelligence, personne en cela ne s’en remettra à nous de faire ce que nous jugeons bon, mais tout le monde apportera des entraves à notre action, dans chaque chose où on pourra le faire ; et non pas seulement les étrangers, mais nos père et mère, mais de plus proches encore, s’il est possible qu’il y en ait ; en cela, nous serons nous-mêmes dans la sujétion d’autrui. 209 a - 210 c, p. 330.

Dans ce cas, l’amitié ne sera que pour celui qui aura acquis du savoir, et qui sera donc utile à tous.

Dans le cas contraire, personne n’aura d’amitié pour toi, ni les autres, ni ton père, ni ta mère, ni les gens de ta famille. 210 d, p. 331.

II. L’essence de l’amitié.

Socrate s'apprête à dire à Hippothalès qu’il vient ainsi d’exposer “comment il faut parler à son bien-aimé, en l’humiliant, en le rabaissant, au lieu [...] de gonfler sa vanité” (210 e). Pour qu’Hippothalès continue d’échapper au regard de Lysis, Socrate va s’entretenir avec Ménexène sur son amitié avec Lysis.

1. Entretien avec Ménexène : qu’est-ce que l’amitié ?

Socrate fait part de son désir, lui aussi, d’avoir un ami :

Mais pour ce qui est d’avoir des amis, sur ce chapitre, je suis tout plein d’ardeur amoureuse, et la possession d’un bon ami me serait beaucoup plus précieuse que celle de la plus magnifique caille ou du plus beau coq du monde. 211 e, p. 332.

Socrate se demande qui peut être considéré comme l’ami :

Eh bien ! Réponds-moi : quand une personne a de l’amitié pour une autre, laquelle des deux devient amie de l’autre ? Celle qui aime, de celle qui est aimée ? Ou celle qui est aimée, de celle qui aime ? 212 a-b, p. 333.

Celui qui aime peut-il être haï par celui qu’il aime ? Doit-il y avoir réciprocité de l’amitié ?

[Autrefois] en effet, nous admettions que, si l’un des deux avait de l’amitié pour l’autre, tous deux étaient amis, tandis que maintenant nous admettons qu’ils ne sont amis ni l’un ni l’autre, du moment que l’amitié n’existe pas à la fois chez l’un et chez l’autre. [...] En conséquence, pour celui qui a de l’amitié, il n’est rien qui lui soit ami, si on ne lui rend pas l’amitié qu’il donne. 212 d, p. 333-334.

Socrate arrive à une nouvelle définition de l’ami, en lien avec celles d’ennemi et de haine :

[Ce] n’est pas celui qui a de l’amitié qui est l’ami, mais celui qui est l’objet de cette amitié… [...] Et que l’ennemi, c’est celui qui est l’objet de haine, mais non celui qui a cette haine. [...] De la sorte, nombre de gens ont l’amitié de leurs ennemis et la haine de leurs amis ; pour leurs ennemis ils sont des amis, et, pour leurs amis, des ennemis, si l’on admet que soit ami ce qui est l’objet de l’amitié, au lieu d’être ce qui a cette amitié. 213 a-b, p. 334.

L’impasse.

Socrate reprend les différentes possibilités pour arriver à une nouvelle qui serait “celle d’une amitié mutuelle” (213 c).

2. Reprise de l’entretien avec Lysis ; examen des théories sur le fondement de l’amitié :

A. La tendance du semblable vers le semblable ;

Toujours, en vérité, c’est vers le semblable que la Divinité mène le semblable. 214 a, p. 336.

Socrate cite l’Odyssée d’Homère, et établit une différence entre bons et méchants :

[Ce] sont les bons qui sont entre eux semblables et amis, tandis que les méchants [...] ne sont, même jamais, semblables eux-mêmes à eux-mêmes, mais au contraire inconstants et déréglés. [...] Ce que par conséquent signifie, à mon avis, l’énigmatique langage de ceux qui soutiennent que le semblable est ami du semblable, c’est que, seul, l’homme bon est ami du seul homme bon, mais que le méchant n’en vient jamais à une véritable amitié, ni avec l’homme bon, ni avec le méchant. 214 c-d, p. 336.

L’homme méchant ne peut être ami ni être objet d’amitié. Mais pour ce qui est de l’homme bon, est-il toujours ami de son semblable ? C’est la question de l’utilité du semblable au semblable.

Comment donc ce qui est de telle sorte pourrait-il mutuellement se rechercher, alors qu'il ne laisse place à aucune entraide mutuelle ? [...] Mais alors, point d’amitié entre celui qui est semblable et son semblable, et l’amitié de l’homme bon pour l’homme bon se mesurera, non pas à la similitude, mais à la bonté ? [...] Est-ce que l’homme bon, dans la mesure où il est bon, ne se suffira pas, dans cette mesure, à lui-même ? [...] Comment alors les bons seront-ils, en principe, amis des bons [...] ? 215 a-b, p. 337.

B. La tendance des contraires à se compenser ;

Socrate affirme alors que les choses les plus semblables sont pleines d’inimitié, et “les plus dissemblables le sont d’amitié” (215 d). Il cite Hésiode :

Le potier jalouse le potier comme l’aède, l’aède, et le mendiant, le mendiant. 215 d, p. 338.

[L’aède est un “Poète épique ou hymnique de la Grèce archaïque, généralement aussi chanteur-récitant de ses œuvres” - cnrtl.fr].

Pour montrer l’attirance des contraires, Socrate évoque aussi la doctrine d’Héraclite, philosophe présocratique pour qui le changement résulte de l’opposition des contraires :

[Chaque] chose désire, mais non point son semblable : ainsi, le sec désire l’humide, le froid désire le chaud, l’amer le doux, le pointu l’émoussé, le vide demande à se remplir et le plein à se vider, et tout le reste comme cela, selon la même loi ; c’est que le contraire est un aliment pour le contraire, c’est que, de son semblable, le semblable ne retirerait aucun profit. [Rien] n’est plus ami que son contraire. 215 e - 216 a, p. 338.

Malgré cette dernière affirmation, d’autres exemples montrent que les contraires ne sont pas toujours amis de leurs contraires : justice et injustice, continence et incontinence, bien et mal. Les thèses des semblables amis des semblables et des contraires amis des contraires ne se vérifient donc pas.

C. Le ni bon, ni mauvais, ami du bon ;

Il est fort possible en outre que, suivant le vieux proverbe, ce qui est ami, ce soit le beau. [...] Je soutiens en effet que le beau est bon. 216 c-d, p. 339

Retenons ici les prémisses des Idées du Beau et du Bon. Socrate énumère trois genres liés à l’amitié : le bon, le mauvais, et le ni bon ni mauvais. Compte tenu des deux thèses précédentes (semblables et amitié ; contraires et amitiés), le bon n’est pas ami du bon, le mauvais n’est pas ami du mauvais. Voici une troisième thèse :

En conséquence, c’est seulement à l’égard du bon que peut survenir l’amitié dans ce qui n’est ni bon, ni mauvais. 216 e, p. 340.

Analyse et interprétation.

Socrate donne un premier exemple avec le corps.

[Nul] homme en bonne santé n’a d’amitié pour le médecin. 217 a, p. 340.

Le corps n’est ni bon ni mauvais par essence.

Mais c’est à cause de la maladie que, corps, il est forcé de rechercher la médecine et d’avoir pour elle de l’amitié. 217 b, p. 340.

Socrate développe ensuite la notion de qualité présente ou non dans les choses : c’est la notion de participation des choses à l’essence des Idées.

Eh bien ! Voilà justement mon actuelle question : à supposer la présence éventuelle d’une qualité en une chose, la chose qui a cette qualité est-elle de la même nature que la qualité qui lui est présente ? Ou bien le sera-t-elle quand la qualité en question lui est présente d’une certaine manière, et non, si ce n’est pas de cette manière ? 217 e, p. 341.

La qualité serait l’Idée, essence pure, immuable, qui est présente dans la chose “d’une certaine manière” : l’Idée du Beau est présente dans une œuvre d’art, parce que l’œuvre d’art participe du Beau, mais n’est pas l’essence pure qu’est le Beau.

Socrate donne un deuxième exemple avec le savoir et l’ignorance.

Voilà dès lors les raisons pour lesquelles nous dirions aussi de ceux qui ont déjà le savoir [...] qu’ils ne sont point amis du savoir, ne philosophent point. Inversement ils ne sont pas non plus amis du savoir, ils ne philosophent point, ceux dont l’ignorance est assez grande pour en faire des méchants [...]. Restent donc ceux qui, atteints sans doute de ce mal qu’est l’ignorance, ne sont pas encore, par sa faute, complètement dénués de discernement, non plus que de la capacité de s’instruire, mais qui, en plus, estiment ne pas savoir ce qu’ils ne savent pas. Voilà donc aussi pourquoi s’emploient à philosopher ceux qui ne sont encore ni tout à fait bons, ni tout à fait mauvais ; mais ceux qui sont tout à fait mauvais ne s’emploient point à philosopher, non plus que ceux qui sont tout à fait bons ! 218 a-b, p. 342.

Nous retrouvons ici la déclaration d’ignorance de Socrate “Je sais que je ne sais pas”, ignorance consciente qui s’oppose à l’ignorance absolue, le pire des maux selon Socrate. IL conclut alors cette analyse.

Nous l’affirmons en effet, au point de vue de l’âme comme au point de vue du corps, comme à tout point de vue : ce qui n’est ni mauvais, ni bon, a, en raison de la présence du mal, de l’amitié pour le bien. 218 b-c, p. 342.

Le corps n’est ni mauvais ni bon et a de l’amitié pour le bien (la santé) à cause de la présence de la maladie ; l’âme n’est ni mauvaise ni bonne et a de l’amitié pour le bien (le savoir) à cause de l’ignorance.

III. La finalité de l’amitié :

1. Fins relatives et fin absolue ;

Le corps a pour fin relative la santé ; l’âme a pour fin relative le savoir. La fin absolue est le bon, autrement dit le Bien.

En conséquence, ce qui n’est ni bon ni mauvais, a de l’amitié, à cause de ce qui est mauvais et ennemi, pour ce qui est bon, et en vue de ce qui est bon. [...] Donc, c’est en vue de ce à l’égard de quoi il a de l’amitié que, à cause de ce qui est objet d’inimitié, ce qui a de l’amitié est ami de ce qui est l’objet de cette amitié. 219 b, p. 343-344.

Il faut donc définir ce qu’est l’objet d’amitié, sa fin absolue.

Mais dans cette progression, ne sommes-nous pas forcés [...] de parvenir à quelque principe premier, qui, au-delà, ne se reportera plus à un autre objet d’amitié, mais aura atteint ce terme suprême qui est objet premier d’amitié, en vue duquel les autres termes sont, tous, disons-nous, objets d’amitié ? 219 c-d, p. 344.

Les termes utilisés (principe premier, terme suprême, objet premier) dessinent la théorie des Idées, des essences pures, dont dépendent les choses. Voici la définition de l’objet d’amitié :

Car il n’y a qu’un seul véritable objet d’amitié, savoir le “premier aimable”, qui, lui, n’a rien d’autre à aimer au-dessus de lui : le Bien transcendant. Note de la page 345 de l’édition de la Pléiade.

L’objet d’amitié est le Bien, Idée absolue du bien.

2. Le désir et son objet : ce qui nous est apparenté.

Socrate introduit la notion d’apparenté, traduite aussi par “convenable”.

Vous autres, donc, si une amitié mutuelle vous unit, c’est que, de quelque façon, vous êtes entre vous naturellement apparentés. [...] Et par conséquent [...] si l’on a, celui-ci pour celui-là, désir ou bien amour, jamais n’aurait existé ce désir, non plus que cet amour ou cette amitié, à moins d’être, de quelque façon, apparenté précisément à celui qu’on aime, ou selon l’âme, ou selon quelque disposition morale de cette âme, oui le comportement, ou la beauté des formes. 221 e - 222 a, p. 348.

Épilogue : avortement de la discussion.

Socrate distingue la notion d’apparenté et celle de semblable.

Si, Lysis et Ménexène, entre ce qui est apparenté et ce qui est semblable, il y a quelque différence, alors, à mon avis, l’essence de l’amitié peut sembler à peu près définie. Mais si, en revanche, il se trouve que semblable et apparenté soient la même chose, alors, il ne sera pas facile de rejeter cet argument antérieur, aux termes duquel, en fonction de leur similitude, le semblable ne servirait de rien au semblable. 222 b-c, p. 348.

Le semblable diffère de l’apparenté (ou du convenable). Ce qui est apparenté est identique avec le bon.

Socrate conclut en reprenant les différentes thèses, sans qu’une réponse précise ait pu être apportée à la question de la nature de l’amitié :

Aussi ai-je besoin, à la manière de ceux qui savent s’y prendre devant les tribunaux, de repasser tout ce qui s’est dit : si, en effet, ni ceux qui sont objets de l’amitié, ni ceux qui éprouvent l’amitié, ni ceux qui sont semblables, ni ceux qui sont dissemblables, ni ceux qui sont apparentés, ni toutes les autres espèces que nous avons passées en revue (car, pour compte, je ne m’en souviens plus, tant il y en avait !), si pourtant en aucune d’elles ne réside l’amitié, en vérité, je ne sais plus que dire ! 222 e, p. 349.

Notons que Socrate ne mentionne pas explicitement la thèse du Bien (équivalent au Bon) comme objet premier de l’amitié.

Le dialogue se termine ainsi, car les “pédagogues” viennent chercher Lysis et Ménexène pour les ramener à leurs maisons.

Bibliographie

Platon, Lysis.

Laërce D. Vies et doctrines des philosophes illustres.

Wikipédia, Lysis.

Patrick Moulin, MardiPhilo, septembre 2024.

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