Je crois à la résurrection de l'esprit et à la vie durable de la société, une fois qu'elle commence à vivre. (Je fais allusion aux affaires de l’humanité.)
Pour beaucoup adhuc sub judice lis est* ; pour moi, c'est irrévocablement décidé. Je vois venir plus clairement que la lumière du soleil. Magnus ab integro saeclorum nascitur ordo**.
Il illumine et réchauffe déjà, même si ce sont mes cendres.
Sera-t-il possible que l’homme puisse gagner d’un côté sans perdre de l’autre ?
Quelles sont les véritables pertes et quels sont les véritables gains ?
Pour y répondre comme il se doit, il est nécessaire que tous les dogmes comparaissent devant le tribunal de la raison avec l’humanité pour audience.
Celle-ci devra-t-elle être exclusivement représentée par les philosophes ?
En masse, utique*, mais pas au niveau des nations, c'est-à-dire individuellement par rapport à la lignée humaine.
Conviendra-t-il à l'humanité, ou sera-t-il nécessaire pour son progrès, c'est-à-dire pour son amélioration, de prêcher deux doctrines, l'une pour les masses et l'autre pour la fine fleur ?
Une et seulement une, pour tous, je réponds après l'examen le plus mûr. Mais une qui comprend les besoins moraux de toute la communauté : en bref, une religion.
Les moralistes chrétiens sont ceux qui ont le plus fait confiance en s’en défiant à la nature humaine – de véritables conciliateurs.
Tout comme la nature a eu besoin de temps et de cataclysmes pour se développer et se perfectionner, de même l’humanité (il est difficile de le souligner !) doit passer par les mêmes procédures pour son élaboration et son amélioration.
La société actuelle, en guise de feu souterrain, abrite dans ses entrailles des forces latentes, dont la manifestation doit laisser stupéfait le siècle de la vapeur, de l’électricité et du suffrage universel. “Res vestra, autego fallor, res nostra agitur*.”
[*] Res vestra, autego fallor, res nostra agitur : Votre affaire, si je me trompe, c'est notre affaire.D'où aussi le besoin d'opportunité et l'impossibilité de faire des révolutions, s'il n'existe pas de faits physiques ou moraux que le génie ne peut créer. Ni Napoléon ne révolutionnerait l’île de Cuba dans des circonstances ordinaires ni même extraordinaires ; mais qu’il attaque ses propriétés, et alors le petit mouton diventa leone*.
Les hommes ingénieux, emportés par leur désir, voient les opinions de leur parti comme des choses existantes, tandis que le génie commence par observer ce qui existe hors de lui, et même cela inspire souvent l'action et le mode d'action.
Soit des coups de corde, soit aucun ; plus que du gutta cavat lapidem**.
En politique, les effets sont généralement pris pour des causes.
Quand tout va bien, tout est de trop : quand tout va mal, tout manque.
Dans l’accalmie, il n’y a pas besoin de pilote ; dans la tempête, il faut un homme.
Les hommes plus que les institutions ont souvent besoin des peuples pour avoir des institutions.
Et quand ils en ont besoin, la Providence les jette au monde.
Même si les physiologistes expliquaient les envolées du génie par des lois mécaniques, elles seraient moins prodigieuses. Comme Bacon a bien dit avec son plumbum apondera* ! De quel autre remède Descartes avait-il besoin ?
[*] Plumbum apondera : “Du plomb qui sert de lest”. [Luz y Caballero] fait référence à la phrase de Verulamius [nom de Francis Bacon en latin.] : "il n'est pas conseillé de donner à l'entendement des plumes pour qu'il vole mais plutôt du plomb pour servir de lest".Les génies sont les lampes de l’humanité à plus d’un titre : pour éclairer, ils ont besoin d’être consommés.
Le génie est père, et les circonstances mères des événements.
C’est pourquoi même les hommes les plus extraordinaires ne font preuve de certains talents que dans des circonstances déterminées.
La parole est plus puissante que le canon.
La presse press*.
[*] En anglais dans le texte : “fait pression”.L'imprimerie, le pape du XIXe siècle*.
[*] Le siècle dont Luz y Caballero est le contemporain.La liberté, l'âme du corps social.
La liberté, la bénédiction du monde moral.
Quiconque plaide pour une liberté, plaide pour la liberté. La liberté, seule panacée pour étancher et cicatriser les blessures qu'elle-même (son abus, la licence), ou d'autres causes, inflige au corps social.
Absolue, alors, il est indispensable qu’elle le soit, et c'est la tendance de l'humanité.
Je ne veux pas d'autre frein que la religion et la raison : ici celui de l'autorité est inclus ; car un frein est pour les uns et un autre frein pour les autres : la religion pour tous.
Je ne veux pas dire par là que la religion n'est qu'un frein, puisque j'ai déjà indiqué en mille endroits sa place éminente.
Fraternité ! Synonyme d'amour, d'égalité et de justice entre les hommes. Quelle trinité !
Les riches sont souvent comme les métaux : difficiles à fondre. On tire habituellement plus parti pour le prochain et le public des gazeux que des métalliques. Je dis habituellement, parce que par la miséricorde de Dieu, il y a de nombreuses exceptions honorables.
Comme il est dur de ne pas pouvoir secourir le malheureux qui croit avoir trouvé en nous le port du salut ! Et si c'est par mesquinerie, double martyre. Je crois que je connais cette douleur dans le visage. Alors et seulement alors je regarde habituellement la fortune ; c'est-à-dire, je me souviens de ses faveurs et de ses favoris.
Dieu permet que ces épreuves nous purifient, et alors elles sont même bénies : Sustinemur et benedicimus*.
Personne n’est plus reconnaissant que celui qui croit mériter moins. C'est pourquoi je suis si reconnaissant, car les hommes n'attendent rien de mon inutilité.
Si le contraste et la difficulté sont ce qui donne de la valeur aux choses en soi, comment voulez-vous renverser la propriété ? Implicas in termini*.
Le travail est la roche sur laquelle repose la propriété.
Ceux qui se rebellent contre elle vont à l’encontre de la loi du progrès ; et ceux qui résistent à l’état de famille marchent droit vers la barbarie, ils se dégradent jusqu’à la condition de bêtes grégaires.
Chercher le remède aux maux qui affligent le corps social en dehors de la famille et de la propriété, c'est tuer le malade pour le guérir.
Comment n’a-t-il songé à aucun des adversaires de Proudhon* de réfuter sa formidable formule ?
Il dit : “La propriété, c'est le vol” ; moi, je dirais : “le vol c’est la nécessité et la justification de la propriété**”. Il y a vol parce qu’il y a propriété ; comme il y a le vice, parce qu'il y a la vertu, comme il y a la chaleur parce qu'il y a le froid.
Il y a du vol chez tous les peuples de la terre et un mot qui le représente dans toutes les langues connues.
[Je continue avec les Français.]
Ils sont toujours en conflit avec “l’organisation du travail”, quand leur loi est de n’en avoir aucune. Des gens si beaux qu'ils se battent même pour l'odeur de la poudre (et soit dit en passant, pour les qualités décrites, si propres à la guerre, car pendant qu'ils découvrent s'il y a ou non une raison de combattre, déjà ils se sont battus, et puis… ce sera corrigé… jamais… au prochain numéro* - dans la 2e édition) des gens qui s’effraient quand on les laisse ainsi seuls et sans meneurs, à ses propres allures** - comme les enfants de la doctrine. Ce sont des gens si gouvernementaux, sans parler du pain et de l'eau, ils veulent aller jusqu’à donner de l'air par rations. Ces mêmes gens qui ont fait peur au monde avec leur “que périssent les colonies, et que les principes soient sauvés”, ceux-là sont ceux qui ne peuvent même pas entendre l’énonciation franche d’un grand principe, d’une grande loi économique des sociétés. The broad enunciation of a broad principle***. C'est pourquoi il a fallu que leur concitoyen Bastiat**** leur enseigne longuement le libre-échange, qui est l'atmosphère dans laquelle nous sommes nés ici au milieu de tant d'esclavage ! Et quelle bonne clé pour le chapitre sur les contradictions, ou… sur les harmonies !
Avec l'histoire en main, on peut démontrer que même les plus grands hommes, les hommes d'État français, n'ont jamais eu assez de courage ni de conviction pour laisser agir librement une loi dans un projet : ils l'ont toujours étouffée et couverte de règlements, d'obstacles et de détails.
Le génie de l’administration n’est pas d’être court, ni long, ni complet, mais opportun. Ils voulaient créer des pénitenciers, et ils ont pris tant d'avis et se sont tant informés qu'après quatre ans de transmissions, ils n'avaient rien commencé – rien entre deux plats.
Et avec les chemins de fer ? Bien que Louis-Philippe y ait fourré son nez ; toujours le gouvernement à tort ou à raison. Amis du divertissement - la rive gauche et la rive droite***** - la salle d'attente****** - et de l'endurance des Français à souffrir du manque de ponctualité. (Transmis aux contradictions.)
LUZ Y CABALLERO J. (de la), Obras - Aforismos, La Habana, Ediciones Imagen Contemporánea, 2001.
Patrick Moulin, MardiPhilo, janvier 2025.
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