Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Qu’il est laid le bonheur qu’on veut. / Qu’il est beau le malheur qu’on a. L’Ange Heurtebise.
Un peintre peut se jeter du cinquième étage, l’amateur dira encore que cela fait une jolie tache. p. 9.
Vos enfants [...] sortent neufs de la mort où les grandes personnes retournent. Ils se trouvent donc de plain-pied avec le mystère. p. 9-10.
Sait-on ce qui est poétique et pas poétique. p. 25.
Orphée, mon poète… [...] Tu écrivais des poèmes qu’on s'arrachait et que toute la Thrace récitait par cœur. Tu glorifiais le soleil. Tu étais son prêtre et un chef. p. 27.
Ce cheval entre dans ma nuit et il en sort comme un plongeur. Il en rapporte des phrases. Ne sens-tu pas que la moindre de ces phrases est plus étonnante que tous les poèmes ? Je donnerais mes œuvres complètes pour une seule de ces petites phrases où je m’écoute comme on écoute la mer dans un coquillage. p. 28.
“Madame Eurydice reviendra des enfers”, ce n’est pas une phrase. C’est un poème, un poème du rêve, une fleur du fond de la mort. p. 29.
Nous étions morts sans nous en apercevoir. p. 32.
[On] a beau vivre avec un cheval qui parle, un ami qui flotte en l’air devient forcément suspect. p. 48.
N’employez pas le système d’Orphée. Ne retournez pas les rôles. p. 50.
[Eurydice] Le mystère est mon ennemi. Je suis décidée à le combattre. p. 52.
Mesdames, Messieurs. La Mort me charge de demander à l’assistance si un spectateur serait assez aimable pour lui prêter une montre ? p. 63.
Vous avez cru la voir. Eurydice habite chez la Mort. p. 69.
Morte. Eurydice est morte. Eh bien… je l’arracherai à la mort ! S’il le faut, j’irai la chercher jusqu’aux enfers ! p. 69.
Avec ces gants vous traverserez les miroirs comme de l’eau. [...] Marchez sans crainte devant vous. [...] Là, comment vous expliquer… Il n’y a plus de sens…, on tourne ; c’est un peu pénible au premier abord. [...] Après ? Personne au monde ne peut vous renseigner. La Mort commence. p. 73.
Je vous livre le secret des secrets. Les miroirs sont les portes par lesquelles la Mort va et vient. Ne le dites à personne. Du reste, regardez-vous toute votre vie dans une glace et vous verrez la Mort travailler comme des abeilles dans une ruche de verre. p. 72.
Oui, moi. Moi la plus heureuse des épouses, moi la première femme que son mari ait eu l’audace de venir reprendre chez les morts. p. 78-79.
[Un] pacte. J’ai le droit de reprendre Eurydice, je n’ai pas le droit de la regarder. Si je la regarde, elle disparaît. p. 80.
Il y a même des avantages. Orphée ne connaîtra pas mes rides. p. 81.
Le voyage d’où je reviens transforme la face du monde. J’ai appris beaucoup. J’ai honte de moi. Orphée aura dorénavant une épouse méconnaissable, une épouse de lune de miel. p. 82.
Il me semble que je sors d’une opération. J’ai le vague souvenir d’un de mes poèmes que je récite pour me tenir éveillé et de bêtes immondes qui s’endorment. Ensuite un trou noir. Ensuite, j’ai parlé avec une dame invisible. Elle m’a remercié pour les gants. Une sorte de chirurgien est venu les reprendre et m’a dit de partir, qu’Eurydice me suivrait et que je ne devais la regarder sous aucun prétexte. p. 83-84.
On se représente mal la difficulté, la tension d’esprit qu'exige une bêtise pareille. p. 84.
Il me semble que pour une personne qui ne peut pas parler, tu parles beaucoup. Beaucoup ! Beaucoup trop ! p. 86.
C’est de sa faute. Elle ferait retourner un mort. p. 87.
Reste. (Elle le tire, il perd l’équilibre, et la regarde. Il pousse un cri. Eurydice, pétrifiée, se lève. Son visage exprime l’épouvante. La lumière baisse. Eurydice s’enfonce lentement et disparaît. La lumière revient.) p. 89.
Votre femme est une femme modèle. Il vous a fallu la perdre une première fois pour vous en rendre compte, et vous venez de la perdre une seconde fois, de la perdre lâchement et de la perdre tragiquement, de vous perdre, de tuer une morte, de commettre de gaieté de cœur un acte irréparable. Car elle est morte, morte, remorte. Elle ne reviendra plus. p. 92.
On n’écharpe pas un homme pour un mot. / - Le mot est un prétexte qui cache une haine profonde, une haine religieuse. p. 95.
Les choses arrivent comme elles doivent arriver. p. 96.
À l’impossible je suis tenu. p. 97.
Que pense le marbre dans lequel un sculpteur taille un chef-d’œuvre ? Il pense : on me frappe, on m’abîme, on m’insulte, on me brise, je suis perdu. Ce marbre est idiot. La vie me taille, Heurtebise ! Elle fait un chef-d’œuvre. Il faut que je supporte ses coups sans les comprendre. Il faut que je me raidisse. Il faut que j’accepte, que je me tienne tranquille, que je l'aide, que je collabore, que je lui laisse finir son travail. p. 98.
Eurydice ! Je ne vois pas mon corps. Je ne trouve plus ma tête. Je n’ai plus ni tête ni corps. Je ne comprends plus. Et j’ai du vide, j’ai du vide partout. Expliquez-moi. Réveillez-moi. Au secours ! Eurydice (Comme une plainte) Eurydice… Eurydice… Eurydice… Eurydice… Eurydice… p. 100-101.
Nous sommes aujourd’hui jour d’éclipse. Cette éclipse de soleil est cause d’un revirement populaire en faveur d’Orphée. On porte le deuil. On organise son triomphe. Les autorités réclament sa dépouille mortelle. [...] Éclipse. La ville voit dans cette éclipse la colère du soleil, parce qu'on moque un de ses anciens prêtres. p. 107-108.
Avouez, avouez, c’est encore le seul système de défense qui tienne debout. p. 111.
Nous vous remercions d’avoir sauvé Eurydice parce que, par amour, elle a tué le diable sous la forme d’un cheval et qu’elle en est morte. Nous vous remercions de m’avoir sauvé parce que j’adorais la poésie et que la poésie c’est vous. Ainsi soit-il. p. 120.
Inutile de dire qu’il n’y a pas un seul symbole dans la pièce. Rien que du langage pauvre, du poème agi. Note n° 1, p. 122.
COCTEAU J., Orphée - Tragédie en un acte et un intervalle, Paris, Stock, 1991.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, avril 2025.
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