Ce monde, le même pour tous, ni dieu ni homme ne l’a fait, mais il était toujours, il est et il sera, feu toujours vivant, s’allumant en mesure et s’éteignant en mesure. 30.
Le tout est limité, et constitue un monde unique ; il naît du feu, et il s’embrase à nouveau selon certaines périodes, alternativement, pendant la totalité du temps ; et cela se produit selon le destin. “Héraclite”, Livre IX, 8.
Je suis composé d’un principe causal et d’un principe matériel ; aucun des deux ne périra dans le néant, pas plus qu’ils ne sont venus du néant. Donc toute partie de moi-même sera ramenée, grâce à une mutation, à une partie du monde ; celle-ci se transformera à son tour en une autre partie du monde ; et ainsi à l’infini. V. 13.
Qu’est-ce donc qu’une âme cultivée et savante ? C’est celle qui connaît le commencement et la fin, la raison qui pénètre la réalité tout entière et qui, à travers l’éternité, gouverne l’univers selon des périodes régulières. V, 32.
En toute partie de sa vie, et à quelque moment qu’on la saisisse, l’âme accomplit son projet pleinement et sans déficience, et elle peut dire : “Je recueille ce qui m’appartient.” De plus, elle parcourt le monde entier, le vide qui l’entoure, la forme qu’il a ; elle s’étend à l’infini de la durée ; elle saisit le retour périodique de toutes choses ; elle comprend et elle voit que la postérité ne verra rien de nouveau, et que nos ancêtres n’ont rien vu de plus [...]. XI, 1.
Et si un jour ou une nuit, un démon se glissait furtivement dans plus solitaire solitude et te disait : “Cette vie, telle que tu la vis et l’a vécue, il te faudra la vivre encore une fois et encore d’innombrables fois ; et elle ne comportera rien de nouveau, au contraire, chaque douleur et chaque plaisir et chaque pensée et soupir et tout ce qu’il y a dans ta vie d’indiciblement petit et grand doit pour toi revenir, et tout suivant la même succession et le même enchaînement - et également cette araignée et ce clair de lune entre les arbres, et également cet instant et moi-même. L’éternel sablier de l’existence est sans cesse renversé, et toi avec lui, poussière des poussières !” - Ne te jetterais-tu pas par terre en grinçant des dents et en maudissant le démon qui parla ainsi ? Ou bien as-tu vécu une fois un instant formidable où tu lui répondrais : “Tu es un dieu et jamais je n’entendis rien de plus divin !” Si cette pensée s’emparait de toi, elle te métamorphoserait, toi, tel que tu es, et, peut-être, t’écraserait ; la question, posée à propos de tout et de chaque chose : “veux-tu ceci encore une fois et encore d’innombrables fois ?” ferait peser sur ton agir le poids le plus lourd ! Ou combien te faudrait-il aimer et toi-même et la vie pour ne plus aspirer à rien d’autre qu’à donner cette approbation et apposer ce sceau ultime et éternel ? Quatrième livre, § 341.
Délivrer les hommes passés, et qu’au lieu de dire : “Cela fut”, on dise : “C’est ce que j’ai voulu”, - voilà ce que j'appellerais la rédemption. [...] Tout ce qui fut n’est que fragment, énigme et horrible hasard, jusqu’au jour où le vouloir créateur déclare : “Mais moi, je l'ai voulu ainsi.” / Jusqu’au jour où le vouloir créateur déclare : “Mais je le veux ainsi. Et je le voudrai ainsi.” Deuxième partie, “De la rédemption".
Je reviendrai éternellement pour cette même et identique vie, avec toutes ses grandeurs et toutes ses misères, pour enseigner de nouveau le Retour éternel de toute chose. / Pour annoncer de nouveau le grand Midi de la terre et des humains, pour annoncer de nouveau aux hommes le Surhumain. Troisième partie, “Le convalescent”, § 2.
Ma formule pour désigner la grandeur de l'homme, c’est l’amor fati : que personne ne veuille rien autrement, ni en avant, ni en arrière, ni dans les siècles des siècles. Ne pas seulement supporter la nécessité, encore moins se la dissimuler - tout idéalisme est manière de mentir devant la nécessité -, mais l’aimer. “Pourquoi je suis si avisé”, § 10.
La conception fondamentale de l’œuvre, la pensée de l’éternel retour, cette formule suprême de l'affirmation la plus haute qui puisse être atteinte, - remonte au mois d'août de l’année 1881 : cette pensée a été jetée sur une feuille avec cette suscription : “à 6000 pieds au-delà de l’homme et du temps”. Ce jour-là, je marchais dans la forêt au bord du lac de Silvaplana ; près d’un puissant bloc dressé comme une pyramide non loin de Surlei, je fis halte. C’est là que me vint cette pensée. "Pourquoi j’écris de si bons livres”, “Ainsi parlait Zarathoustra”, 1.
La Raison universelle veut ce monde tel qu’il est, c’est-à-dire naissant du feu originel et retournant au feu originel, donc avec un commencement et une fin, mais sa volonté est toujours identique, et elle ne peut, par son action continue, que répéter ce monde avec ce commencement et cette fin et tout le déroulement des événements qui se situent en ces deux moments. Ce monde-ci revient donc éternellement : “Il y aura de nouveau un Socrate, un Platon, et chacun des hommes avec les mêmes amis et les mêmes concitoyens...et cette restauration ne se produira pas une fois, mais plusieurs fois ; ou plutôt toutes choses se répèteront éternellement.” C’est pourquoi le sage doit, comme la Raison universelle, vouloir intensément que les choses arrivent éternellement comme elles arrivent. V. “Le stoïcisme d’Épictète”.
Marc Aurèle [...] considérait effectivement les aspects repoussants de l’existence comme des compléments nécessaires, des conséquences inéluctables de la volonté initiale de la nature. Mais Nietzsche va bien au-delà. Entre le stoïcisme et Nietzsche, un abîme se creuse. Alors que le “oui” stoïcien est consentement à la rationalité du monde, l’affirmation dionysiaque de l’existence dont parle Nietzsche est un “oui” donné à l’irrationalité, à la cruauté aveugle de la vie, à la volonté de puissance par-delà le bien et le mal. VII. “La discipline du désir ou l’amor fati”.
Chez les Stoïciens, répétition éternelle de toutes choses. Chez Nietzsche, dire-oui à la vie, au moyen de la volonté de puissance affirmative ; accepter le destin au point de vouloir revivre éternellement les événements qui arrivent ; aimer le destin : notion de l’amor fati.
[Éternité :] Latin aeternitas, de aeternus, éternel (latin aeternalis ).
[Tourner :] Latin tornare. Retour, XIIe siècle.
[Torno, -are :] Tourner, façonner au tour, arrondir.
[Retour éternel (Doctrine du) :]
Théorie stoïcienne (empruntée probablement à Héraclite et par celui-ci aux religions asiatiques) selon laquelle, après une période de plusieurs milliers d’années (la Grande Année), toute choses recommencent, rigoureusement semblables à ce qu’elles ont été.
Cette doctrine a été renouvelée par plusieurs écrivains contemporains, notamment par Nietzsche, qui lui attribue une portée morale : chaque instant de la vie n’étant plus seulement un phénomène qui passe, mais prenant une valeur d’éternité, puisqu’il a eu lieu qu’il doit revenir, tel qu’il est, un nombre infini de fois.
La doctrine du retour éternel, qu’on définirait mieux en l’appelant palingénèse cyclique, consiste à croire que l’histoire du monde est un déroulement éternel de phases cycliques dont chacune répète avec une exactitude absolue le déroulement de toutes les autres. Mais dans l’histoire de la pensée humaine, elle se présente sous quatre formes distinctes : 1° religieuse, dans les religions antiques de l’Asie ; 2° métaphysique, dans les cosmologies grecques primitives, chez Héraclite, chez les Stoïciens ; 3° poétique, par exemple chez Heine, Dostoïevski, Guyau, NIetzsche ; 4° scientifique, chez Blanqui, Naegeli, Le Bon, Becquerel.
[Palingénésie :]
Retour périodique éternel des mêmes événements, suivant la doctrine des Stoïciens. / Renaissance de tous les êtres vivants. / Renaissance des sociétés. / Chez Schopenhauer, renaissance des mêmes individus dans l’humanité. Il oppose cette doctrine à celle de la métempsychose [Doctrine d’après laquelle une même âme peut animer successivement plusieurs corps, soit humains, soit animaux ou même végétaux.
Doctrine du retour cyclique inconditionné et infiniment répété de toutes choses, attribué entre autres dans l’Antiquité à Héraclite, aux Stoïciens, aux Pythagoriciens. Ces derniers croyaient pouvoir déterminer le cycle par la Grande Année (retour de tous les astres à la même position dans le ciel). Le terme antique est palingénésie.
Nietzsche a fait de la pensée de l’éternel retour à l’identique de toutes choses sa “pensée d’abîme”, la plus exaltante [...] et la plus angoissante [...]. Son interprétation difficile se réfère à la volonté de puissance : tout “il fut” doit pouvoir être considéré comme un “je veux” créateur.
Patrick Moulin, MardiPhilo, août 2024.
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