Luz y Caballero, El Hombre a solas consigos [L'Homme seul avec lui-même]

Le prisonnier est celui qui apprécie la liberté.

Une âme sensible est source de joies et de peines.
Seront-elles compensées ? Oui, mille fois, oui ; malgré le non que dit l’homme qui n’étudie pas le destin de l’homme.
Qu'il y a de doux plaisirs même dans la mélancolie, et très paisibles dans la mémoire, et très vifs dans l'imagination.
Il n’y a pas de remède : nous aurons beau vouloir être positifs, nous vivons dans le passé et le futur bien plus que dans le présent ; surtout à un certain âge, et plus que tout quand frappent à la porte certains hôtes qui se nomment l'invalidité et la mésaventure.
Ils entrent en pleurant pour sortir en commandant.

Voulez-vous pénétrer la société ? Allez dans la solitude.
La solitude est le foyer qui permet une meilleure vision.

On pense plus dans un jour de solitude que dans une centaine en société.

Pour s'estimer il est nécessaire de se séparer.
Le cœur, comme l’esprit, a besoin d’isolement pour ressentir et juger.
Que sont douces les larmes que font verser l'amour et l'amitié dans la solitude !
Le sage a bien dit — et quand ne l'a-t-il pas dit ? — : tempus ludendi, et tempus lugendi*.

Il y a beaucoup de choses qui se disent, ce qui traduit fidèlement signifie : il y a beaucoup de choses qui sont gâchées dans ce monde.
Je voudrais écrire non pas un livre – ce qui est parler beaucoup –, mais un cahier, sur l’utilité du silence, non pas à l’usage des diplomates, mais à celui des familles.

Une fois de plus, j'ai aphorisé sur l'utilité du silence. Dans l’état actuel de la société, on doit enseigner et apprendre à se taire plutôt qu’à parler.
Nous voulons tout expliquer, exposer, déployer, sans rien laisser à la pensée d’autrui, ni à la concentration de la nôtre.
Il faut imiter la nature qui prend son temps en demeurant silencieuse et tranquille, du moins en apparence, pour faire aboutir et mûrir ses productions.
Nous éteignons l'étincelle de l'originalité.
En ce qui concerne l'éducation domestique, une autre source de bénéfices est le silence opportun, interpolé, alternant avec la discussion. Si on l’utilise trop, on en abuse déjà, etc.
Dans les conflits.
Les secrets.

Le suicide (je l'ai dit en 1835, et bien avant en 1825) ne prouve ni courage ni lâcheté ; C'est une véritable maladie comme la fièvre. Comme les maladies (comme la maladie même), il provient de mille causes.
Les fortes idées religieuses ou philosophiques sont ce qui peut le plus s'opposer à cette tendance qui, d'après ce qui précède, peut aussi disparaître dans de nombreux cas en supprimant ou en combattant les causes physiques. Nous en venons toujours à la conclusion qu’il s’agit d’une véritable maladie.
Certains peuples y sont plus sujets que d'autres. Les Anglais sont lugubres. Les Lucumis* sont courageux et amoureux de leur liberté.
Façons de se suicider — comment elles dépeignent aussi le caractère, qui est marqué jusque dans les dérèglements.
Bien sûr, la question du droit est déjà obsolète : de quel droit, à cause de mes fautes, un homme devrait-il lui s’ôter ce qui ne lui appartient pas ? Et ce qui peut servir plus tard à d’autres fins ? Nonsense** ! Et d'où dérive le droit ?
Est-il possible qu’en plein XIXe siècle le suicide soit défendu avec insolence ? Compatissez à la bonne heure ; mais faites savoir à vos apologistes que la vie, quelle que soit sa condition, doit être acceptée comme un devoir ; c’est un trésor qui ne nous a même pas été donné en prêt mais plutôt de façon précaire.
N.B. : En l’état de la question, c’est un exorde obligé que d’expliquer la surprise générale que causent les peines canoniques.
Encore de la philosophie, Messieurs les philosophes !!!

Les causes morales conduisent sans doute au suicide, mais c’est également une maladie produite par des causes organiques.

Patrick Moulin, MardiPhilo, décembre 2024.