Tout au long de ce livre s’exprime le profond amour de Goethe pour la vie, notamment dans le poème (...) dans lequel sont opposés le Memento mori (“N’oublie pas le mourir”) des chrétiens, des platoniciens et des romantiques, au Memento vivere (“N’oublie pas de vivre”) de Goethe, inspiré par Spinoza. P. Hadot, N’oublie pas de vivre - Goethe et la tradition des exercices spirituels.
Pour Goethe, (...) les Anciens savaient vivre dans le présent, dans la “santé du moment”, au lieu de se perdre, comme les Modernes, dans la nostalgie du passé et du futur. Pierre Hadot, N’oublie pas de vivre - Goethe et la tradition des exercices spirituels.
La vie vulgaire et triviale est une vie sans idéal, une routine dominée par l’habitude, les soucis, les intérêts égoïstes, qui nous cachent la splendeur de l’existence. Pierre Hadot, N’oublie pas de vivre - Goethe et la tradition des exercices spirituels.
C’est le propre de l’homme antique de se réjouir spontanément, inconsciemment de sa propre existence, sans passer, comme le font les Modernes, par le détour de la réflexion et du langage. Telle est, précisément, aux yeux de Goethe, la santé antique. Il aurait certainement volontiers accepté de considérer, comme Plotin, que c’est la santé qui est inconsciente, parce qu’elle est conforme à la nature, et que la conscience correspond à un état de trouble, à un état de maladie : plus une activité est pure et intense, moins elle est consciente. Pierre Hadot, N’oublie pas de vivre - Goethe et la tradition des exercices spirituels.
L’épicurisme est avant tout une thérapeutique de l’angoisse. Les hommes sont terrifiés parce qu’ils croient que les dieux s’occupent des hommes et qu’ils leur réserve des châtiments après la mort. Les hommes sont troublés par la crainte de la mort, par les soucis et les peines qu’engendrent les désirs insatisfaits. Et, pour certains, il y a cette inquiétude morale que provoque le scrupule d’agir avec une parfaite pureté d’intention. La pratique de l’épicurisme délivrera les hommes de ces multiples tourments. Pierre Hadot, N’oublie pas de vivre - Goethe et la tradition des exercices spirituels.
Le sage, pour Sénèque, se plonge dans le cosmos tout entier (...). Le sage vit dans la conscience du monde. Le monde lui est toujours présent. Plus encore que dans l’épicurisme, dans le stoïcisme, le moment présent revêt ainsi une valeur infinie : il contient en lui tout le cosmos, toute la valeur, tout la richesse de l’être. Pierre Hadot, N’oublie pas de vivre - Goethe et la tradition des exercices spirituels.
Pendant des années, les éditoriaux de Hubert Beuve-Méry, dans le journal Le Monde, porteront le titre “Le point de vue de Sirius”. Se placer au point de vue de Sirius, c’est pratiquer un exercice spirituel de détachement, de distanciation, pour atteindre à l’impartialité, à l’objectivité et à l’esprit critique, c’est replacer les choses particulières dans une perspective universelle, sinon cosmique. Pierre Hadot, N’oublie pas de vivre - Goethe et la tradition des exercices spirituels.
La sagesse est l’état auquel peut-être le philosophe ne parviendra jamais, mais auquel il tend, en s’efforçant de se transformer lui-même pour se dépasser. Il s’agit d’un mode d’existence qui est caractérisé par trois aspects essentiels : la paix de l’âme (ataraxie), la liberté intérieure (autarcie) et (sauf pour les sceptiques) la conscience cosmique, c’est-à-dire la prise de conscience de l’appartenance au Tout humain et cosmique, sorte de dilatation, de transformation du moi qui réalise la grandeur d’âme. Pierre Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique.
Je ne me souviens pas de la première personne que j’ai tuée, parce que je ne l’ai pas identifiée dans la cohue. Par chance, j’ai commencé par tuer plusieurs personnes sans les regarder en face. Je veux dire que je cognais, ça hurlait, mais c’était de tous côtés ; c’était donc un entremêlement de coups et de cris qui se partageaient par tous.
Je me souviens toutefois de la première personne qui m’a regardé, au moment du coup sanglant. Ça c’était grand-chose. Les yeux de celui qu’on tue sont immortels, s’ils vous font face au moment fatal. Ils ont une couleur noire terrible. Ils font plus sensation que les dégoulinements de sang et les râles des victimes, même dans un grand brouhaha de mort. Les yeux du tué, pour le tueur, sont sa calamité s’il les regarde. Ils sont le blâme de celui qui tue. Jean Hatzfeld, Une saison de machettes.
Je t’indiquerai, moi, un philtre d’amour sans drogue, sans herbe, sans aucune incantation magique : Si tu veux être aimé, aime. Hécaton, cité par Sénèque, Lettres à Lucilius.
Il n’est pas de héros pour son valet de chambre ; non point parce que le premier n’est pas un héros, mais parce que le second est… le valet de chambre, auquel le premier a affaire non en tant que héros, mais comme quelqu’un qui mange, boit, s’habille, etc., bref, est pris dans la singularité du besoin et de la représentation. Hegel, Phénoménologie de l’Esprit).
Ce qui est rationnel est effectif et ce qui est effectif est rationnel. Hegel, Principes de la philosophie du droit.
Je suis libre quand je suis auprès de moi-même. Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire mondiale.
Rien de grand n'a été accompli dans le monde sans passion. Hegel, Leçons sur la philosophie de l'histoire mondiale.
Le beau se définit comme la manifestation sensible de l'idée. Hegel, Esthétique.
Le mal dans l’univers, y compris le mal moral, doit être compris, et l’esprit pensant doit se réconcilier avec le négatif. C’est dans l’histoire universelle que le Mal s’étale massivement devant nos yeux, et en fait, nulle part ailleurs l’exigence d’une telle connaissance conciliatrice n’est ressentie aussi impérieusement que dans l’histoire. Hegel, La Raison dans l’Histoire. Introduction à la philosophie de l’Histoire.
La vengeance se distingue de la punition en ce que l’une est une réparation obtenue par un acte de la partie lésée, tandis que l’autre est l’oeuvre d’une juge. C’est pourquoi il faut que la réparation soit effectuée à titre de punition, car, dans la vengeance, la passion joue son rôle et le droit se trouve ainsi troublé. Hegel, Propédeutique philosophique.
La conscience de soi est essentiellement ce retour en soi-même à partir de l’être-autre. Hegel, Phénoménologie de l’esprit.
La conscience morale effective est une conscience agissante ; c’est en cela justement que consiste l’effectivité de sa moralité. Hegel, Phénoménologie de l’esprit.
L'Etat est l’effectivité de la liberté concrète. Hegel, Principes de la philosophie du droit.
C’est seulement dans l'Etat que l’homme a une existence conforme à la raison. Hegel, Leçons sur la philosophie de l’histoire.
D’une manière générale, l’amour désigne la conscience de l’unité que je forme avec quelqu’un d’autre, de telle sorte que je ne sois pas isolé pour moi, mais qu’il ne me soit possible d’acquérir la conscience de moi que par la suppression de mon être comme d’une unité que je forme avec l’autre et que l’autre forme avec moi. Hegel, Principes de la philosophie du droit.
Ce qui est rationnel est réel ; ce qui est réel est rationnel. Hegel, Principes de la philosophie du droit.
Le beau a sa vie dans l’apparence. Hegel, Esthétique.
Le beau artistique est plus élevé que le beau dans la nature. Car la beauté artistique est la beauté née de l’esprit et renaissant toujours à partir de l’esprit. Hegel, Esthétique.
Éveiller l’âme : tel est, dit-on, le but final de l’art, tel est l’effet qu’il doit chercher à obtenir. (...) Le contenu de l’art comprend le contenu de l’âme et de l’esprit ; son but consiste à révéler à l’âme tout ce qu’elle recèle d’essentiel, de grand, de sublime, de respectable et de vrai. Hegel, Esthétique.
Le temps est l’être qui, en étant, n’est pas, et, n’étant pas, est. C’est le devenir appréhendé par l’intuition. Hegel, Précis de l’encyclopédie des sciences philosophiques.
Le temps, cette pure inquiétude de la vie et ce processus d’absolue distinction… Hegel, Phénoménologie de l’esprit.
La nature, où le temps est le maintenant, ne parvient pas à différencier d’une façon durable ces dimensions du passé et du futur : elles ne sont nécessaires que pour la représentation subjective, le souvenir, la crainte ou l’espérance. L’espace est le passé et le futur en tant qu’ils sont dans la nature, car le temps est nié. Hegel, Précis de l’encyclopédie des sciences philosophiques.
L’histoire universelle n’est pas le lieu de la félicité. Les périodes de bonheur y sont les pages blanches. Hegel, La Raison dans l’histoire.
Le "Dasein" est être-au-monde. Heidegger, Être et Temps.
L’homme n’est pas le maître de l’étant. L’homme est le berger de l’Être. Heidegger, Questions.
On ne peut pas entrer deux fois dans le même fleuve. Héraclite, Sur la Nature.
Le peuple doit combattre pour sa loi comme pour ses remparts. Héraclite, Fragments.
Si toutes choses devenaient fumée, nous connaîtrions par les narines. Héraclite, Fragments.
Nous entrons et nous n’entrons pas dans les mêmes fleuves ; nous sommes et nous ne sommes pas. Héraclite, Fragments.
Bien penser : la qualité suprême ; et la sagesse : dire le vrai et agir suivant la nature, à l’écoute. Héraclite, Fragments.
Une vérité philosophique [...] est un énoncé par lequel un être humain responsable, libre, assume une vérité, la fait sienne, la fait "vérité" par la manière dont il s'engage envers elle. Jeanne Hersch, L'étonnement philosophique, p. 27.
Connaître, c'est aussi un faire. Jeanne Hersch, Ibid., p. 31.
Il apparaît clairement par là qu’aussi longtemps que les hommes vivent dans un pouvoir commun qui les maintienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun. Car la guerre ne consiste pas seulement dans la bataille et les combats effectifs, (...) mais dans la volonté de s’affronter. Hobbes, Léviathan.
L'oisiveté est mère de la philosophie. Hobbes, Léviathan.
L'homme est un loup pour l'homme. Hobbes, De Cive.
Il est également vrai, et qu’un homme est un dieu pour un autre homme, et qu’un homme est aussi un loup pour l’homme. Hobbes, Le Citoyen.
Si deux hommes désirent la même chose alors qu’il n’est pas possible qu’ils en jouissent tous les deux, ils deviennent ennemis : et dans leur poursuite de cette fin (qui est principalement leur propre conservation, mais parfois seulement leur agrément), chacun s’efforce de détruire ou de dominer l’autre. Hobbes, Léviathan.
Dans la nature, seul le présent existe ; les choses passées n’existent que dans le souvenir, et quant aux choses à venir elles n’ont pas d’existence du tout, l’avenir n’étant qu’une fiction mentale qui consiste à attribuer aux actions présentes les suites des actions passées. Hobbes, Léviathan.
Bons et mauvais sont des appellations qui expriment nos appétits et nos aversions, lesquels diffèrent avec les tempéraments, les coutumes et les doctrines des gens. Hobbes, Léviathan.
Les sauvages, ainsi que tous les ignorants, attribuent à des esprits tous les effets dont leur expérience les empêche de démêler les vraies causes. Demandez à un sauvage ce qui fait marcher votre montre. Il vous répondra : c’est un esprit. Demandez à nos docteurs ce qui fait marcher l’univers. Ils vous diront : c’est un esprit. Paul Henri Thiry d’Holbach, Le Bon Sens.
L’ignorance et la peur, voilà les deux pivots de toute religion. Paul Henri Thiry d’Holbach, Le Bon Sens.
Il semble que partout la religion n’ait été inventée que pour épargner aux souverains le soin d’être justes, de faire de bonnes lois et de bien gouverner. La religion est l’art d’enivrer les hommes de l’enthousiasme, pour les empêcher de s’occuper des maux dont ceux qui les gouvernent les accablent ici-bas. Paul Henri Thiry d’Holbach, Le Christianisme dévoilé..
Carpe diem. Horace, Odes.
Que l’âme trouve sa joie dans le présent et prenne en haine l’inquiétude du futur. Horace, Odes.
Pendant que nous parlons, le temps jaloux a fui. Cueille donc aujourd’hui [carpe diem] sans te fier à demain. Horace, Odes.
Celui-là passera sa vie maître de lui-même et joyeux, qui pourra se dire, jour après jour : J’ai vécu. Horace, Odes.
La liberté et la justice sont tout autant liées qu’elles sont opposées. Plus il y a de justice, moins il y a de liberté. Si l’on veut aller vers l’équité, on doit interdire aux hommes de nombreuses choses, et notamment d’empiéter les uns sur les autres. Mais plus il y a de liberté, plus celui qui déploie ses forces avec une habileté supérieure à celle des autres sera finalement capable de les asservir ; ainsi, moins il y aura de justice. Max Horkheimer, Théorie critique.
La raison est, et elle ne peut qu'être, l'esclave des passions ; elle ne peut prétendre à d'autre rôle qu'à les servir et à leur obéir. Hume, Traité de la nature humaine.
Il n’est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde entier à une égratignure de mon doigt. Hume, Traité de la nature humaine.
Rien ne paraît plus surprenant à ceux qui contemplent les choses humaines d’un œil philosophique, que de voir la facilité avec laquelle le grand nombre est gouverné par le petit, et l’humble soumission avec laquelle les hommes sacrifient leurs sentiments et leurs penchants à ceux de leurs chefs. Quelle est la cause de cette merveille ? Ce n’est pas la force ; les sujets sont toujours les plus forts. Ce ne peut donc être que l’opinion. C’est sur l’opinion que tout gouvernement est fondé, le plus despotique et le plus militaire aussi bien que le plus populaire et le plus libre. Hume, Essais politiques.
En quoi vous autres mystiques, qui affirmez l’incompréhensibilité absolue de la Divinité, différez-vous des sceptiques et des athées, qui prétendent que la cause première de toutes choses est inconnue et inintelligible. Hume, Dialogues sur la religion naturelle.
Toute conscience est conscience de quelque chose. Husserl, Méditations cartésiennes.
Il appartient à l’essence de l’intuition du temps d’être en chaque point de sa durée (dont nous pouvons faire réflexivement notre objet) conscience du tout juste passé, et non simplement conscience de l’instant présent de ce qui apparaît comme objectivité qui dure. Husserl, Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps.
L’humanité dans son âme n’a jamais été achevée, elle ne le sera jamais et elle ne peut jamais se répéter. Husserl, La Crise de l’humanité européenne et la Philosophie.
Patrick Moulin, MardiPhilo, août 2024.
#Philosophie #Citations