Bac Philo - I. Le Sujet - Fiche n° 3.b. Le sujet dans la philosophie contemporaine

Charlot, Les Temps modernes

Abandonner le sujet ?

Faut-il, à en croire Heidegger, abandonner le sujet devenu certes omniscient et tout-puissant, mais surtout devenu aveugle à l’humain par sa volonté de dominer ce dernier ainsi que de dominer la nature ? Le risque est alors d’abandonner les valeurs qui ont fondé l’humanisme : l’homme et sa liberté radicale comme source de toute valeur (Morfaux).

C’est la querelle autour de l’être, entre Heidegger, pour qui l’essence, la nature de l’homme, est l’existence - le Dasein, l’être-là - ; et Sartre, pour qui l’existence précède l’essence (voir l’article de Simone Manon, L’essence de l’homme, c’est l’existence. Heidegger). Pour Heidegger, l’homme, le sujet, ne doit pas être le “seigneur de l’étant”, prisonnier de la raison, qui règne en maître dominant sur tout le réel, mais le ‘berger de l’être” : il doit retrouver la liberté en passant de l’être - trop - rationnel, à celui qui retrouve la dignité de l’homme et éclaircit la vérité qu’est l’existence. Pour Sartre, l’homme existe d’abord puis il se définit, il définit son essence, ce qu’il est : “l’homme est condamné à être libre”, il est “responsable de ce qu’il est”.

La méfiance envers la subjectivité s’est aussi portée sur une critique des Lumières (au XVIIIe siècle, mouvement philosophique européen où l’idée de progrès humain remplace celle de la providence divine (Godin)) avec l’École de Francfort (Theodor W. Adorno ; Max Horkheimer ; Herbert Marcuse ; Jürgen Habermas ; Walter Benjamin). Les philosophes des Lumières prônaient des valeurs fondées sur la maîtrise de l’existence individuelle et collective au moyen de la Raison, dissipant l’ignorance et les préjugés, autrement dit le règne de la raison et du progrès. Ces valeurs de raison et de progrès, avec le développement de la technocratie, ont fait apparaître une culture de masse dans les sociétés modernes, contraires à ces mêmes valeurs.

La raison détruit l’injustice de l’ancienne inégalité - la souveraineté absolue - mais elle la perpétue en même temps dans la médiatisation universelle, la relation entre toutes les choses existantes. (...) La pensée ne détruit pas seulement les qualités, mais elle contraint les hommes à être de véritables copies conformes. Horkheimer M., Adorno W., La Dialectique de la Raison.

Ce règne rationnel, dominateur, empreint de maîtrise et de transparence, institutionnalise la société : consommation, mondialisation, technologie, etc. L’idée de sujet, d’individu, n’y est plus qu’une illusion : nous devons tous avoir le dernier iPhone, avoir le plus de followers, avoir tout tout de suite…

L’idée de sujet est-elle une illusion dangereuse ou reste-t-elle une valeur indépassable ? D’une part, il y a condamnation de la subjectivité comme fondatrice de l’asservissement totalitaire, technocratique. D’autre part, la “chosification” du sujet, asservi dans un monde lui-même asservi, et le refus fait à l’homme d’être libre de fonder ses propres pensées et ses propres actes sont dénoncés. Le salut du sujet, son autonomie (du grec autonomos, qui se régit par ses propres lois - Morfaux) passera-t-il par la politique - la citoyenneté - et la responsabilité morale ?

Le sujet, la politique et la morale

Sujet et politique peuvent se retrouver autour de l’autonomie dans l’idéal d’une cité démocratique :

L’expérience morale (choisir d’accomplir tel acte plutôt qu’un autre selon des valeurs ou des règles) implique d’être responsable de ses actes, de pouvoir répondre de ces actes en tant que sujet, “Je”, devant autrui (un autre être humain, la société) et devant notre propre conscience.

Que reste-t-il du sujet ?

Il ne faut donc pas faire table rase des philosophies du sujet, mais examiner, par la critique de ces philosophies, les conditions nous permettant de pouvoir encore nous référer à l’idée de sujet, après la découverte de sa finitude et de ses différentes parties inconscientes.

Nos choix, nos opinions, ne sont pas le pur produit de la liberté souveraine d’un sujet isolé de son histoire individuelle et collective. L’homme n’est pas un sujet pleinement autonome, mais il peut donner un sens à l’idée qu’il se fait de sa subjectivité et de sa part d’autonomie.

La problématique du sujet se fonde alors autour de plusieurs questionnements :

En bref/L’essentiel

L’avenir de l’idée de sujet :

Patrick Moulin, MardiPhilo, août 2024.

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