Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Tout ce livre n’est justement rien d’autre qu’un réjouissance qui succède à une longue privation et une longue impuissance, l’exultation de la force qui est de retour, la foi ranimée en un demain et un après-demain, du brusque sentiment et pressentiment d'avenir, de proches aventures, d’un grand large de nouveau offert, de but de nouveau permis, auxquels on croit de nouveau. § 1, p. 36.
[Les] conclusions sont des consolations. § 1, p. 36.
Toute philosophie qui place la paix plus haut que la guerre, toute éthique présentant une version négative du concept de bonheur, toute métaphysique et physique qui connaissent un finale, un état ultime de quelque sorte que ce soit, toute aspiration principalement esthétique ou religieuse à un en marge de, un au-delà de, un en dehors de, un au-dessus de autorise à demander si ce n’est pas la maladie qui a inspiré le philosophe. § 2, pp. 37-38.
J’attends toujours qu’un médecin philosophe au sens exceptionnel du mot - un homme qui aura à étudier le problème de la santé d’ensemble d’un peuple, d’une époque, d’une race, de l’humanité - ait un jour le courage de porter mon soupçon à son degré ultime et d’oser cette proposition : dans toute activité philosophique, il ne s’agissait absolument pas jusqu’à présent de “vérité, mais de quelque chose d’autre, disons de santé, d’avenir, de croissance, de puissance, de vie… § 2, p. 38.
Un philosophe qui a cheminé et continue toujours de cheminer à travers beaucoup de santés a aussi traversé un nombre égal de philosophie : il ne peut absolument pas faire autre chose que transposer à chaque fois son état dans la forme et la perspective les plus spirituelles - cet art de la transfiguration, c’est justement cela, la philosophie. § 3, p. 39.
Nous ne croyons plus que la vérité reste vérité si on lui ôte ses voiles ; nous avons trop vécu pour croire à cela. C’est pour nous une question de décence aujourd’hui que de ne pas vouloir tout voir dans sa nudité, de ne pas vouloir se mêler de tout, de ne pas tout comprendre et “savoir”. § 4, p. 41.
Sagesse du monde - Ne reste pas au ras du sol ! / Ne t’élève pas trop haut ! / C’est à mi-hauteur / Que le monde apparaît le plus beau. § 6, p. 45.
La rouille aussi est nécessaire : être aiguisé ne suffit pas ! / Sans quoi l’on dira toujours de toi : “Il est trop jeune !” § 15, p. 47.
“Comment escaladerai-je le mieux cette montagne ?” / Continue de monter et n’y pense pas ! § 16, p. 48.
C’est à la gloire que tu aspires ? / Alors écoute cette leçon : / Renonce à temps, librement, / À l’honneur ! § 43, p. 56.
Le sage parle - Étranger au peuple, et pourtant utile au peuple, / Je suis ma route, tantôt soleil, tantôt nuage - / Et toujours au-dessus de ce peuple ! § 49, p. 58.
À mon lecteur - De bonnes dents et un bon estomac - / Voilà ce que je te souhaite ! / Et si tu as digéré mon livre, / À coup sûr, tu sauras t’entendre avec moi ! § 54, p. 59.
Que je considère les hommes d’un œil bon ou méchant, je les voit toujours appliqués à une unique tâche, tous et chacun en particulier : faire ce qui sert la conservation de l’espèce humaine. § 1, p. 63.
Lorsque le principe “l’espèce est tout, un seul n’est jamais rien” - aura été incorporé par l’humanité et que l’accès à cette ultime libération et irresponsabilité sera ouvert à tous à tout instant. Peut-être alors le rire se sera-t-il lié à la sagesse, peut-être n’y aura-t-il plus alors qu’un “gai savoir”. § 1, p. 64.
Tous les sentiments nobles, généreux paraissent aux natures vulgaires dénués de but, et avant tout, de ce fait, impossible à admettre : ils clignent de l’oeil lorsqu’ils entendent parler de choses de ce genre, et semblent vouloir dire : “Il doit bien y avoir là-dedans un bon avantage, d’une manière ou d’une autre, il y a quelque chose qui n’est pas clair”. § 3, p. 67.
[Les] pulsions mauvaises sont tout aussi adaptées à un but, favorables à la conservation de l’espèce et indispensables que les bonnes : - leur fonction est simplement différente. § 4, p. 69.
A-t-on déjà pris pour objet de recherche les diverses manières de découper la journée, les conséquences d’une fixation régulière du travail, des fêtes et des jours de repos ? Connaît-on les effets moraux des aliments ? Existe-t-il une philosophie de l’alimentation ? Le tapage qui se renouvelle constamment pour ou contre le végétarisme montre déjà qu’une telle philosophie n’existe pas encore ! § 7, pp. 71-72.
[Nous] sommes tous des volcans en formation qui connaîtront leur heure d’éruption : - mais celle-ci est-elle proche ou est-elle lointaine ? nul ne le sait [...]. § 9, pp. 73-74.
[La] possession rétrécit le plus souvent l’objet possédé. [...] Se lasser d’une chose que l’on possède, cela veut dire : se lasser de soi-même. § 14, p. 78.
Si tu possèdes une vertu, une vraie vertu, tout entière (et pas seulement un petit bout de pulsion poussant à la vertu !) - tu es sa victime ! Mais c’est précisément pour cela que le voisin fait l'éloge de la vertu ! § 21, pp. 82-83.
“Qui entre ici me fera honneur ; qui n’entre pas - me fera plaisir.” § 22, p. 85.
Que veut dire vivre ? - Vivre - cela veut dire : repousser continuellement loin de soi quelque chose qui veut mourir ; vivre - cela veut dire : être cruel et impitoyable envers tout ce qui chez nous faiblit et vieillit, et pas uniquement chez nous. Vivre - cela veut donc dire être sans pitié envers les mourants, les misérables et les vieillards ? Être constamment un assassin ? - Et le vieux Moïse a pourtant dit : “Tu ne tueras point !” § 26, pp. 89-90.
[Les] raisons et les intentions qui soutiennent l’habitude lui sont ajoutées par mensonge lorsque certains commencent à contester l’habitude et à demander des raisons et des intentions. C’est en cela que réside la grande malhonnêteté des conservateurs de toutes les époques : - ils sont les ajouteurs de mensonges. § 29, p. 91.
Comment se modifie le goût général ? De la manière suivante : des individus, des puissants, des hommes influents expriment sans aucun sentiment leur hoc est ridiculum, hoc est absurdum [ceci est ridicule, ceci est absurde], donc le jugement traduisant leur goût et leur dégoût, et l’imposent de manière tyrannique : - ils soumettent ainsi beaucoup d’hommes à une contrainte qui se transforme progressivement en habitude pour plus encore, et enfin en besoin pour tous. § 39, p. 96.
[Les] lois ne révèlent pas ce qu’est un peuple, mais au contraire ce qui lui apparaît comme inconnu, étrange, monstrueux, étranger ; et les châtiments les plus sévères frappent ce qui est conforme aux mœurs du peuple voisin. § 43, p. 99.
On vient plus facilement à bout de sa mauvaise conscience que de sa mauvaise réputation. § 52, p. 104.
Voici ce qui m’a coûté et ne cesse de me coûter les plus grands efforts : me rendre compte que la manière dont on nomme les choses compte indiciblement plus que ce qu’elles sont. § 58, p. 110.
Ce ne sont pas la vérité et la certitude qui constituent l’opposé du monde du fou, mais l’universalité et le caractère absolument contraignant d’une croyance, bref l’absence de caprice dans le jugement. Et le plus grand travail qu’aient accompli les hommes jusqu'à présent consista à se mettre d'accord sur un très grand nombre de choses et à s'imposer une loi d’accord - sans se préoccuper de savoir si ces choses sont vraies ou fausses ? § 76, p. 119.
[Le] rythme est une contrainte ; il produit une irrésistible envie de lâcher prise, de s’accorder ; ce n’est pas seulement le mouvement des pieds, c’est l’âme elle-même qui suit la cadence [...]. § 84, pp. 126-127.
[C’est] seulement sous l'œil de la poésie que l’on écrit de la bonne prose [...]. § 92, p. 133.
B : Mais alors pourquoi écris-tu ? A : Oui, mon cher, tout à fait entre nous, jusqu’à présent, je n’ai pas encore trouvé d’autre moyen de me débarrasser de mes pensées. § 93, p. 134.
Nous devons de temps en temps nous reposer de nous-mêmes en jetant d’en haut un regard sur nous-mêmes, et, avec un éloignement artistique en riant sur nous-mêmes ou en pleurant sur nous-mêmes ; nous devons découvrir le héros et de même le bouffon qui se cachent dans notre passion de connaissance, nous devons quelquefois nous réjouir de notre folie pour pouvoir continuer à éprouver de la joie à notre sagesse ! § 107, p. 147.
Après que Bouddha fut mort, on montra encore son ombre durant des siècles dans une caverne, - une ombre formidable et terrifiante. Dieu est mort : mais l’espèce humaine est ainsi faite qu’il y aura peut-être encore durant des millénaires des cavernes au fond desquelles on montrera son ombre. - Et nous - il nous faut aussi vaincre son ombre ! § 108, p. 149.
[La] force des connaissances ne tient pas à leur degré de vérité mais à leur ancienneté, au fait qu’elles sont incorporées, à leur caractère de condition de vie. § 110, p. 151.
Un intellect qui verrait cause et effet comme un continuum, non à notre manière, comme une partition et une fragmentation arbitraires, qui verrait le flux du devenir, - rejetterait le concept de cause et d’effet et nierait tout conditionnement. § 112, p. 155.
La moralité est l'instinct du troupeau dans l’individu. § 116, p. 156.
La vie n’est pas un argument ; parmi les conditions de la vie, il pourrait y avoir l’erreur. p. 159.
N’avez-vous pas entendu parler de ce dément qui, dans la clarté de midi alluma une lanterne, se précipita au marché et cria sans discontinuer : “Je cherche Dieu ! Je cherche Dieu !” [...] Dieu est mort ! Dieu demeure mort ! Et nous l’avons tué !” § 125, pp. 161-162.
C’est un penseur : cela signifie qu’il est expert dans l’art de considérer les choses comme plus simples qu’elles ne sont. § 189, p. 186.
Limite de notre ouïe. - On n’entend que les questions auxquelles on est en mesure de trouver une réponse. § 196, p. 187.
Le châtiment a pour but d’améliorer celui qui châtie, - tel est l’ultime refuge des défenseurs du châtiment. § 219, p. 192.
Sacrifice. - Les animaux sacrifiés ont un avis différent des spectateurs sur le sacrifice et l'immolation : mais on ne les a jamais laissés s’exprimer. § 220, p. 193.
“On a aussi les yeux pour entendre - disait un vieux confesseur devenu sourd ; et au royaume des aveugles, celui qui a les plus longues oreilles est roi.” § 223, p. 193.
Rêver. - On ne rêve pas du tout ou alors de manière intéressante.- Il faut apprendre à être éveillé de la même manière : pas du tout, ou alors de manière intéressante. § 232, p. 195.
“Il est si poli !” - Oui, il a toujours sur lui un biscuit pour Cerbère et il est si peureux qu’il prend tout le monde pour Cerbère, toi et moi compris, - voilà sa “politesse”. § 237, p. 197.
Toute habitude rend notre main plus spirituelle et notre esprit moins alerte. § 247, p. 199.
Qu’importe un livre qui ne sait même pas nous transporter au-delà de tous les livres ? § 248, p. 199.
Un jour, nous atteignons notre but - et nous montrons alors avec fierté quels longs voyages nous avons effectués pour y parvenir. En vérité, nous ne nous rendions pas compte que nous voyagions. Mais nous sommes allés si loin parce que en chaque lieu, nous nous imaginions que nous étions chez nous. § 253, pp. 200-201.
Nul vainqueur ne croit au hasard. § 258, p. 202.
En provenance du paradis. - “Bien et mal sont les préjugés de Dieu” - dit le serpent. § 259, p. 202.
Un tout seul a toujours tort ; mais à deux commence la vérité. - Un seul ne peut se démontrer : mais deux, on ne peut déjà plus les réfuter. § 260, p. 202.
Ultime scepticisme. - Que sont donc en fin de compte les vérités de l’homme ? Ce sont les erreurs irréfutables de l’homme. § 265, p. 203.
Avec un grand but, on est même supérieur à la justice, pas seulement à ses actes et à ses juges. § 267, p. 204.
Que dit ta conscience ? - “Tu dois devenir celui que tu es.” § 270, p. 204.
Qu’y a-t-il pour toi de plus humain ? - Épargner la honte à quelqu’un. § 273, p. 205.
Quel est le sceau de l'acquisition de la liberté ? - Ne plus avoir honte de soi-même. § 274, p. 205.
Je veux apprendre toujours plus à voir dans la nécessité des choses le beau : je serai ainsi l’un de ceux qui embellissent les choses. Amor fati : que ce soit dorénavant mon amour ! [...] Que regarder ailleurs soit mon unique négation ! Et somme toute, en grand : je veux même, en toutes circonstances, n’être plus qu’un homme qui dit oui ! § 276, p. 208.
[Qu’y] pouvons-nous, si nous sommes nés pour l’air, l’air pur, nous qui rivalisons avec le rayon de lumière, et préférerions, comme lui, enfourcher une particule d’éther non pour nous éloigner du soleil, mais pour aller vers lui ! Mais nous ne le pouvons pas : - faisons donc ce que nous pouvons seuls : apporter la lumière à la terre, être “la lumière de la terre” ! § 293, p. 219.
J’ai saisi cette idée au vol et je me suis jeté sur les premiers mots mal venus pour la fixer, afin qu’elle ne m'échappe pas une fois encore. Et voici à présent que ces mots arides me l’ont tuée, et qu’elle pend et se balance en eux - et je ne comprends plus guère, en la considérant, comment j’ai pu être si heureux en attrapant cet oiseau. § 298, p. 222.
[On] doit pouvoir se perdre soi-même pour quelque temps si l’on veut apprendre quelque chose de ce que l’on n’est pas soi-même. § 305, p. 227.
Ne pensons plus autant punir, blâmer et corriger ! Nous transformerons rarement un simple individu ; et si nous devions y parvenir, peut-être réussirions-nous à notre insu quelque chose d’autre : nous aurons été transformés par lui ! § 321, p. 235.
Sans doute tout philosophe a-t-il eu son mauvais quart d’heure, où il pensa : est-ce que je compte si l’on ne croit pas aussi à mes mauvais arguments ! - Et un petit oiseau malveillant passa alors devant lui en gazouillant : “Est-ce que tu comptes ? Est-ce que tu comptes ? § 332, p. 241.
Durant des périodes extrêmement longues, on a considéré la pensée consciente comme la pensée en général : ce n’est qu’aujourd’hui que nous voyons poindre la vérité, à savoir que la plus grande partie de notre activité intellectuelle se déroule sans que nous en soyons conscients, sans que nous la percevions [...]. § 333, p. 242.
[Socrate] dit : “Oh, Criton, je dois un coq à Asclépios.” Cette “dernière parole” risible et terrifiante signifie pour celui qui a des oreilles : “Oh, Criton, la vie est une maladie !” Est-ce possible ! Un homme tel que lui, qui a vécu gaiement et, aux yeux de tous, comme un soldat, - était pessimiste ! Il s’était contenté de faire bonne figure à la vie et avait, toute sa vie, caché son jugement ultime, son sentiment le plus intime ! Socrate, Socrate a souffert de la vie ! § 340, p. 251.
[La] question, posée à propos de tout et de chaque chose, “veux-tu ceci encore une fois et encore d’innombrables fois ?” ferait peser sur ton agir le poids le plus lourd ! Ou combien te faudrait-il aimer et toi-même et la vie pour ne plus aspirer à rien d’autre qu’à donner cette approbation et apposer ce sceau ultime et éternel ? § 341, p. 252.
Lorsque Zarathoustra eut trente ans, il quitta son pays natal et gagna la montagne. Là, il jouit de son esprit et de sa solitude et ne s’en lassa pas dix années durant. Mais son cœur finit par se métamorphoser [...]. Ainsi commença le déclin de Zarathoustra. § 342, p. 252.
[Nous], philosophes et “esprits libres”, nous sentons, à la nouvelle que le “vieux dieu” est “mort”, comme baignés par les rayons d’une nouvelle aurore ; [...] l’horizon nous semble enfin redevenu libre, même s’il n’est pas limpide, nos navires peuvent de nouveau courir les mers, courir à la rencontre de tous les dangers, toutes les entreprises risquées de l’homme de connaissance sont de nouveau permises, la mer, notre mer, nous offre de nouveau son grand large, peut-être n’y eut-il jamais encore pareil “grand large”. § 343, p. 254.
Ne sommes-nous pas en cela justement tombés dans le soupçon d’une contradiction, d’une contradiction entre le monde dans lequel nous étions jusqu’à présent chez nous avec nos vénérations - grâce auxquelles, peut-être, nous supportions de vivre -, et un autre monde que nous sommes nous-mêmes : soupçon implacable, radical, extrême envers nous-mêmes, qui s’empare de plus en plus, de plus en plus durement de nous, Européens, et pourrait aisément remplacer les générations à venir face à ce terrible ou bien-ou bien : “Supprimez ou bien vos vénérations, ou bien - vous-mêmes !”. Cette dernière situation serait le nihilisme ; mais la première ne serait-elle pas également - le nihilisme ? § 346, p. 260.
[On] pourrait penser un plaisir et une force de l’autodétermination, une liberté de la volonté par lesquelles un esprit congédie tout croyance, tout désir de certitude, entraîné qu’il est à se tenir sur des cordes et des possibilités légères et même à danser jusque sur le bord des abîmes. Un tel esprit serait l’esprit libre par excellence. § 347, p.262.
La conscience en général ne s’est développée que sous la pression du besoin de communication, - elle ne fut dès le début nécessaire, utile, que d’homme à homme (en particulier entre celui qui commande et celui qui obéit), et elle ne s’est également développée qu’en rapport avec le degré de cette utilité. La conscience n’est proprement qu’un réseau de relations d’homme à homme. § 354, pp. 268-269.
[Un] monde essentiellement mécanique serait un monde essentiellement dénué de sens ! A supposer que l’on apprécie la valeur d’une musique à partir de la quantité de choses qui en elle peuvent être comptées, calculées, réduites en formules - qu’une telle appréciation “scientifique” de la musique serait absurde ! Qu’en aurait-on saisi, compris, connu ? Rien, absolument rien de ce qui en elle est proprement “musique” !... § 373, pp. 297-298.
[Je] pense que du moins nous sommes loin, aujourd'hui, de la présomption ridicule consistant à décréter depuis notre angle que l’on ne peut légitimement avoir de perspective qu’à partir de cet angle-là. Le monde nous est bien plutôt devenu, une fois encore, "infini" : dans la mesure où nous ne pouvons pas écarter la possibilité qu’il renferme en lui des interprétations infinies. § 374, p. 298.
Nous, les prodigues et les riches de l’esprit, qui nous tenons au bord des routes telles des fontaines ouvertes et qui ne voulons défendre à personne de puiser en nous : nous ne savons hélas pas nous défendre lorsque nous le voudrions, nous ne pouvons en rien empêcher que l'on nous rendre troubles, sombres [...]. Mais nous ferons ce que nous avons toujours fait : nous mettrons ce que l’on jette en nous au fond de notre profondeur - car nous sommes profonds, nous n’oublions pas - et redevenons limpides… § 378, p. 302.
Pour considérer notre moralité européenne de loin, pour la mesurer à l’aune d’autres moralités, antérieures ou à venir, il faut faire ce que fait un voyageur qui veut connaître la hauteur des tours d’une ville : pour ce, il quitte la ville. Des “pensées sur les préjugés moraux”, si l’on ne veut pas qu’elles soient des préjugés sur des préjugés, présupposent une localisation à l’extérieur de la morale, quelque par-delà bien et mal vers lequel il faut monter, grimper, voler [...]. § 380, p. 303.
Friedrich Nietzsche, Oeuvres, Flammarion.
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecturePatrick Moulin, MardiPhilo, août 2024.
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