Le présent traité se propose de trouver une méthode qui nous rendra capable de raisonner déductivement, en prenant appui sur des idées admises, sur tous les sujets qui peuvent se présenter, comme aussi, lorsque nous aurons nous-mêmes à répondre d’une affirmation, de ne rien dire qui lui soit contraire. 100a.
Toute discussion régulière se divise en deux parties, l'invention et le raisonnement : pour l'une comme pour l'autre, Aristote est, selon moi, un excellent maître. Les stoïciens ne se sont occupés que de la dernière : ils ont enseigné avec soin tous les procédés du raisonnement, au moyen de cette science qu'ils nomment la Dialectique ; mais ils ont entièrement négligé l'invention ou la Topique, laquelle a, dans l'usage, bien plus d'importance, et doit, dans l'ordre naturel, passer avant la science du raisonnement. Pour moi, qui estime ces deux parties de la plus haute utilité, je me propose de les traiter l'une et l'autre, si j'en ai le temps. Je commence par la première. Comme il est facile de trouver une chose, quand on sait exactement où cette chose est cachée, il faut aussi, pour trouver un argument, connaître d'abord les lieux communs. C'est le nom qu'Aristote a donné à ces espèces de réservoirs ou l'on va puiser les preuves. On peut donc définir le lieu, le siège de l'argument, et l'argument, le moyen qui sert à prouver une chose douteuse. Or, de ces lieux, d'où l'on tire les arguments, les uns sont inhérents au sujet en question ; les autres sont pris en dehors du sujet. Les lieux tirés du sujet même, ou intrinsèques, dérivent ou de l'ensemble, ou des parties, ou de l'étymologie du mot, enfin, de toutes les choses qui ont rapport au sujet. Les lieux pris en dehors, ou extrinsèques, reçoivent cette appellation de leur séparation complète et absolue du sujet. II, Texte en ligne.
Méthode suivie de notre temps dans les études (De nostri temporis studiorum ratione)
De nos jours la critique est seule cultivée, et la topique (ou art d’inventer), qui devrait la précéder, est négligée entièrement. C’est encore une erreur : l’invention des choses précède naturellement le jugement que l’on porte de leur vérité ; la topique doit donc précéder la critique. La première nous habituant à parcourir successivement les lieux qui peuvent nous fournir des raisons, nous rend capables d’apercevoir sur-le-champ, dans chaque cause, tous les moyens de persuader. Texte en ligne.
De l’antique sagesse de l’Italie
La philosophie grecque donna l’énumération suivante des facultés de savoir qui ont été données à l'homme, et des arts par lesquels chacune se gouverne ; faculté d’appréhension immédiate dirigée par la topique, faculté de juger dirigée par la critique, de raisonner par la méthode. p. 122-123.
[Comment] l’idée claire et distincte de notre esprit sera-t-elle le criterium du vrai, s’il ne voit tout ce qui est dans la chose, tous ses attributs ? [...] Réciproquement si l’on se fie pour voir les choses à l’idée claire et distincte, on sera facilement trompé, et l’on croira souvent connaître distinctement ce dont on n’aura qu’une notion confuse, parce qu’on n’aura pas connu tout ce qui est dans l’objet et qui le distingue des autres choses. Mais si l’on parcourt avec le flambeau de la critique tous les lieux de la topique, alors on sera certain de connaître l'objet d’une manière claire et distincte, parce qu’on l’aura soumis à toutes les questions que l’on peut élever sur l’objet proposé, et dans cet examen successif la topique même est critique. p. 124-125.
La Science nouvelle
La topique est l’art qui conduit l’esprit dans sa première opération, qui lui enseigne les aspects divers (les lieux, topoi) que nous devons épuiser, en les observant successivement, pour connaître dans son entier l’objet que nous examinons. Les fondateurs de la civilisation humaine se livrèrent à une topique sensible, dans laquelle ils unissaient les propriétés, les qualités ou rapports des individus ou des espèces, et les employaient tout concrets à former leurs genres poétiques ; de sorte qu’on peut dire avec vérité que le premier âge du monde s’occupa de la première opération de l’esprit. / Ce fut dans l’intérêt du genre humain que la Providence fit naître la topique avant la critique. Il est naturel de connaître d’abord les choses, et ensuite de les juger. La topique rend les esprits inventifs, comme la critique les rend exacts. Livre II.
La topique règle l’imagination, comme la critique règle le jugement qui est la seconde opération de l'intelligence. La première enseigne à découvrir ; la seconde à juger. Livre II.
Vie de Giambattista Vico écrite par lui-même
Que si dans la jeunesse, qui est l’âge de l’ingegno, [les jeunes gens] s’adonnaient à la topique, qui est l’art de trouver les choses et privilège exclusif des hommes ingénieux [...], ils prépareraient ainsi tout ce qui doit servir plus tard à appuyer le jugement : car on ne peut correctement juger d’une chose si on ne connaît d’abord tout ce qu’elle contient ; or, c’est de la topique qu’il faut l'apprendre. Par ce moyen, en secondant la nature elle-même, les jeunes gens deviendraient des philosophes et des orateurs. p. 51-52.
Utilisée comme substantif féminin, la topique désigne la théorie des lieux communs. Elle permet de connaître les choses en les classant selon leur place (leur topos, le lieu en grec), c’est-à-dire en découvrant leurs qualités et attributs. Connaître d’abord les choses au moyen de la topique permet de les juger ensuite avec la critique ou la dialectique, autrement dit avec le raisonnement. La topique est ainsi l’art d’inventer les choses, “l’art de trouver dans chaque chose ce qu’elle contient”.
Bas latin topicus, “relatif aux lieux communs”, grec topikos, de topos, lieu.
[Topice :] La topique, art de trouver les arguments.
[Topicus :] Local.
[Topikos :] Terme de rhétorique. Lieu commun. La science des lieux communs. Méthode pour tirer des conclusions en matière de probabilité.
[En anglais] Topic est employé, même dans la langue usuelle pour désigner le sujet d’un discours, d’une discussion.
Logique. Théorie des “lieux” ou “lieux communs”, c’est-à-dire des classes générales dans lesquelles peuvent être rangés tous les arguments ou développements. La connaissance de ces lieux forme, par suite, une sorte de répertoire facilitant l’invention.
Au pluriel, Topiques, titre d’un des ouvrages qui composent l’Organon d’Aristote ; il y traite particulièrement de ces sortes de questions, et des arguments probables, ou dialectiques.
[Adjectif] (En parlant d’une réflexion, d’un argument, etc.) : qui est bien à sa place, qui porte sur l’essentiel de la question.
Désigne, au pluriel, un traité de rhétorique d’Aristote ayant pour objet les “lieux communs”, c’est-à-dire un recueil des arguments utilisés dans les différents domaines et facilitant en tous les cas l’invention des preuves ; ex. qui, quoi, quand, où, pourquoi, comment.
Terme de rhétorique. Lieux topiques, synonyme de lieux communs.
Patrick Moulin, MardiPhilo, septembre 2024.
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