Thich Nhat Hanh (1926-2022) est un maître zen, d’origine vietnamienne. Il a contribué au développement de la méditation de pleine conscience, selon la tradition bouddhiste. Cette pratique a ensuite été reprise avec une visée thérapeutique et non religieuse selon ses promoteurs, comme Jon Kabat-Zinn, lui-même ayant suivi les enseignements de Thich Nhat Hanh.
Le sous-titre est : “Le Sutra des Quatre Établissements de l’attention”.
Le terme Sutra désigne un texte fondé sur les enseignements de Bouddha. Trois textes sont consacrés à la pratique de l’attention pour accéder à l'Éveil : les Quatre Établissements de l’attention, la Pleine Conscience de la respiration et la Meilleure Façon de vivre seul. L’ouvrage donne trois versions du Sutra des Quatre Établissements de l’attention. Les commentaires de Thich Nhat Hanh portent sur la première version.
La voie pour réaliser le nirvana est celle des quatre établissements de l’attention. Elle consiste en l’observation :
Du corps dans le corps ;
Des sensations dans les sensations ;
De l’esprit dans l’esprit ;
Des objets de l’esprit dans les objets de l’esprit.
Le Sutra est divisé en six parties : circonstances du discours, les quatre méthodes, bénéfices et temps de pratique.
La pratique de l’attention se fonde sur les quatre établissements (ou lieu de demeure de l’attention) ci-dessus, et sur d’autres éléments regroupés par catégories :
Les cinq agrégats : la forme, les sensations, les perceptions, les formations mentales, la conscience ;
Les six organes des sens : yeux, oreilles, nez, langue, corps, esprit ;
Les six objets des sens : forme et couleur, son, odeur, goût, objets tactiles, objets mentaux ;
Les six consciences des sens : vue, ouïe, odorat, goût, toucher, conscience mentale ;
Les quatre états sublimes : l’amour, la compassion, la joie, le lâcher-prise ;
Les cinq désirs : argent, sexualité, réputation, bonne nourriture, sommeil ;
Les quatre nobles vérités sur la souffrance : souffrance, cause de la souffrance, fin de la souffrance, chemin menant à la fin de la souffrance ;
Les cinq facultés : confiance, énergie, stabilité dans la méditation, action juste, compréhension juste ; les cinq pouvoirs correspondent à ces facultés, considérés comme des forces ;
Les sept facteurs d’Éveil : attention, investigation des phénomènes, énergie, joie, aisance, concentration, lâcher-prise ;
Le Noble Chemin Octuple (dont chaque partie est dite juste) : la vue, l’intention, la parole, l’action, les moyens d’existence, l’effort sur le chemin, l’attention, la concentration en méditation.
Les méthodes de pratique
La pleine conscience vise le bonheur dans la vie quotidienne. Les effets interviennent dès le début de la pratique.
Pratiquer la méditation, c’est regarder avec profondeur afin de voir l’essence des choses. Notre vision profonde et notre compréhension nous permettent de réaliser la libération, la paix et la joie. Notre colère, notre angoisse et notre peur, par exemple, sont des liens qui nous attachent à la souffrance. Si nous voulons nous en libérer, nous devons observer leur nature : l’ignorance, le manque de compréhension claire. p. 43.
L’essence de la méditation est de devenir un avec l’objet observé : en étant pleinement conscient de cet objet, et en l’observant avec profondeur, en le pénétrant (conscience du corps dans le corps, des sensations dans les sensations, etc.). L’attention peut être pratiquée par tous et dans toutes les situations.
Le plus important est de comprendre la base fondamentale de la pratique, puis de l’appliquer dans notre vie quotidienne, même si notre vie est différente du mode de vie du Bouddha et de ses disciples il y a vingt-cinq siècles. Lisons le Sutra des Quatre Établissements de l’attention avec les yeux d’une personne d’aujourd’hui et découvrons des manières appropriées de pratiquer fondées sur les enseignements de ce sutra. p. 44.
Observer attentivement le corps
Thich Nhat Hanh propose dix exercices de méditation centrée sur le corps.
1. La respiration consciente. L’exercice est simple et a des effets profonds : l’esprit fait un avec le souffle, et met l’accent sur les pensées distrayantes. L’attention se porte sur le corps, avec deux résultats majeurs : le retour à soi-même et le contact avec le présent.
Quand nous suivons notre respiration, nous sommes déjà à l’aise, nos inquiétudes et nos désirs ne nous dominent plus. [...] Nous fondant sur le souffle, nous revenons à nous-mêmes et sommes capables de rétablir l’unité de notre corps et de notre esprit. p. 47.
2. Suivre le souffle. L’attention se porte sur l’inspiration et l’expiration, sans se laisser distraire par des pensées vagabondes. Esprit et respiration deviennent un.
3. Unité du corps et de l’esprit. L’attention est portée sur la conscience du corps tout entier, ne faisant qu’un avec le souffle et avec l’esprit.
Quand le corps et l’esprit font un, les blessures de notre cœur, de notre esprit et de notre corps commencent à guérir. Tant que le corps et l’esprit demeurent séparés, ces blessures ne peuvent guérir. Pendant la méditation assise, les trois éléments souffle, corps et esprit sont calmés et progressivement amenés à l’unité [...], la respiration sert d’“harmonisateur”. p. 50-51.
4. Calmer. L’exercice utilise le souffle pour apaiser le corps et l’esprit, en revenant à la pleine conscience de l’instant présent. Réaliser son intégrité permet de reprendre contact avec la vie, en reprenant d’abord contact avec soi-même.
5. Conscience des positions du corps. La méditation peut se pratiquer également en marchant ou dans toute position du corps, assis ou debout. Il faut demeurer dans l’attention.
6. Conscience des actes physiques. L’attention se porte, à tout instant, sur l’acte en train de s’accomplir, au moyen de la respiration consciente. La concentration se trouve renforcée.
7. Les parties du corps. L’attention se porte sur toutes les parties du corps : cerveau, cœur, cheveux, urine, etc.
Le Bouddha donna l’exemple d’un fermier versant par terre le contenu d’un sac plein de graines diverses, puis les observant et identifiant chaque type de graine : “Voici du riz, voici des haricots, voici des graines de sésame.” p. 57.
Le but est de faire la paix avec ce corps qui peut nous sembler étranger ou que nous pouvons même détester. Chaque partie du corps peut être la porte vers l'Éveil.
Chaque cheveu, chaque cellule de votre corps contient tout l’univers. Observer la nature interdépendante d’un seul cheveu peut vous aider à pénétrer la nature de l’univers. p. 58.
8. Interdépendance du corps et de l’univers. Prendre conscience que notre corps est composé des quatre éléments : terre, eau, feu et air. Cela permet de dépasser les concepts de naissance et de mort.
Cet exercice nous montre l’interrelation de notre corps et de tout ce qui existe dans l’univers. C’est l’un des principaux moyens de constater personnellement la nature de non-soi (dénuée d’un soi), non-né, et sans-mort de tout ce qui existe. Voir ainsi les choses peut nous libérer et nous éveiller. p. 59.
9. Impermanence du corps. La méditation se porte sur les neuf stades de décomposition d’un cadavre. Elle aide à voir la nature impermanente de tout ce qui existe, pour mieux prendre conscience de la valeur des choses et des êtres.
Êtes-vous déjà resté à veiller la nuit pour regarder s’ouvrir une fleur de cactus Cereus ? Cette fleur s'épanouit et meurt en quelques heures, mais en le sachant, nous apprécions sa beauté et sa fragrance merveilleuses. Nous pouvons avoir un contact réel avec la fleur, sans être tristes ou déprimés lorsqu’elle se fane, parce que nous savions avant son éclosion combien sa vie était éphémère. / Les personnes aimées qui vivent avec nous, et les êtres magnifiques, si précieux, qui nous entourent, sont tous de merveilleuses fleurs de cactus. Si nous pouvons voir autant leur vraie nature que leur forme extérieure, nous saurons apprécier leur existence dans l’instant présent. p. 62.
Dans ces neuf exercices, le sens de l'attention portée au corps est de comprendre les trois observations fondamentales du bouddhisme : impermanence, absence d’un soi, nature interdépendante de tout ce qui existe. Il ne s’agit pas de nier la vie ou d’éprouver de l’aversion envers elle, mais d’en comprendre la valeur réelle.
La cause du mal-être est notre ignorance. N’étant pas capables de voir que la vraie nature de la vie est l’impermanence, l’absence d’un soi et l’interdépendance, nous nous attachons aux choses, en les croyant permanentes. De ce mode de pensée naissent les racines de l’affliction et les formations internes ou nœuds : l’avidité, la haine, l’orgueil, le doute, etc. L'impermanence, l’absence d’un soi et l’interdépendance sont les conditions fondamentales de la vie. Sans l’impermanence, comme le grain de blé deviendrait-il épi, comment le bébé pourrait-il grandir et aller à l’école ? p. 65.
La naissance, la détérioration et la cessation de l’existence sont des stades nécessaires de la vie, et non des problèmes. L’origine de la souffrance réside dans l'attachement qui nous lie aux choses.
Observer l’impermanence des choses n’est pas les rejeter, mais être en contact avec elles dans une compréhension profonde, sans être pris dans le désir et l’attachement. / La liberté dans le bouddhisme est la liberté qui vient de l'Éveil et de la compréhension. Un pratiquant n’a pas besoin de lutter contre le désir. p. 67.
Comprendre l’impermanence du désir et de l’objet désiré permet de ne plus être dominé par ce désir. Le désir est ce qui fait souffrir par manque ou par excès. Boire et manger sont nécessaires, mais la nourriture et la boisson par excès détruisent le corps.
10. Guérir les blessures par la conscience de joie. L’exercice consiste dans le progrès depuis le calme jusqu’au bonheur et à la paix, en passant par la joie. Il faut abandonner l’agitation, le désir et la haine, pour que la joie, puis le bonheur, les remplace.
Cet exemple est souvent utilisé pour comparer la joie et le bonheur : un voyageur dans le désert apercevant un cours d’eau fraîche ressent de la joie ; quand il boit l’eau, il ressent du bonheur. p. 71.
L’observation attentive des sensations
Deux exercices sont consacrés aux sensations.
11. Identifier les sensations. Les sensations sont de trois types : agréables, désagréables et neutres. Il ne s’agit ni de s’attacher ni de rejeter les sensations, mais d’être en contact avec elles, de leur apparition à leur disparition. L’exercice consiste à nommer la sensation et à pratiquer le lâcher-prise.
Une personne est composée de cinq agrégats [...]. Chaque agrégat est une rivière. Notre corps est une rivière où chaque cellule est une goutte d’eau, et toutes sont continuellement en transformation et en mouvement. Il existe aussi en nous une rivière de sensations, où chaque sensation est une goutte d’eau. Chacune de ces sensations - agréable, désagréable ou neutre - repose sur toutes les autres sensations pour naître, mûrir et disparaître. Observer les sensations est s’asseoir au bord d’une rivière et identifier chaque sensation à mesure qu’elle apparaît, mûrit et disparaît. p. 74.
Nos sensations orientent nos pensées en se liant à elles : elles nous égarent ou nous corrompent. L’attention portée à la sensation permet de comprendre sa nature et de la dépasser.
12. Voir les racines des sensations. Ces racines peuvent être physiques, physiologiques ou psychologiques. Il faut aussi comprendre leur substance, leur origine et leurs effets.
Connaître une sensation ne consiste pas simplement à en voir les racines, mais aussi la floraison et les fruits. p. 76.
Les sensations agréables ne doivent pas nous conduire à l’illusion, l’orgueil ou l’arrogance. Elles doivent être saines et nous nourrir. Elles sont relatives à notre manière de voir le monde.
Nous n’apprécions généralement un élément de bonheur qu’après l’avoir perdu. La conscience de ces précieux éléments de bonheur est elle-même la pratique de l’attention juste. [...] Quand une sensation est née en nous, nous savons qu’elle est née. Tant que cette sensation reste présente, nous savons qu’elle reste présente. Nous l’examinons attentivement pour reconnaître sa nature [...] et ses fruits. p. 79.
Les sensations désagréables (colère, confusion mentale, jalousie, anxiété) perturbent le corps et l’esprit. La respiration consciente permet de les observer et de les calmer, et de ne plus y être soumis. L’attention portée aux sensations désagréables “permet la vision profonde et la compréhension”.
Réprimer nos sensations, c’est nous réprimer. L’observation attentive se fonde sur le principe de non-dualité. Nous et nos sensations désagréables faisons un. Nous devons être en contact avec ces sensations et les accepter avant de pouvoir les transformer en formes d’énergie saines et capables de nous nourrir. p. 81.
L’observation attentive de l’esprit
Huit exercices composent cette partie. La méthode est toujours la même : observer l’apparition, la présence et la disparition des phénomènes mentaux ; les reconnaître, examiner leur substance, leurs racines et leurs fruits.
13. Observer l'esprit qui désire. Le désir correspond à une aspiration négative, qui engendre de la souffrance physique et morale. Il faut observer la présence mais aussi l’absence de désir. Beaucoup confondent le désir et le bonheur.
Le vrai bonheur [...] est une vie de peu de désirs, peu de possessions, et de temps pour jouir des multiples merveilles en nous et autour de nous. p. 85.
14. Observer la colère. La colère est un agrégat des formations mentales, et la sensation liée un agrégat des sensations. Nous sommes plus heureux dans l’absence de colère. Identifier sa présence réduit son pouvoir destructeur. L’attention éclaire la colère et veille sur elle.
Quand nous sommes en colère, notre colère est notre être même. La refouler ou la chasser, c’est nous refouler ou nous chasser. [...] Quand la colère est née, nous pouvons être conscients que cette colère est une énergie intérieure et changer cette énergie en une autre sorte d’énergie. Pour la transformer, il faut d’abord savoir l’accepter. p. 88.
Thich Nhat Hanh donne l’exemple du détritus et des fleurs : le détritus contient la rose, et la rose contient le détritus. Craindre ou rejeter la colère est inutile : il faut avoir une vision non duelle. Accepter la colère comme nécessaire, veiller sur elle, permet de la transformer en paix et en joie. L’attention est semblable à la lumière du soleil, qui paraît inactif et pourtant elle fait se développer les plantes et aide les animaux à survivre.
Grâce à la lumière illuminante de la conscience, nous pouvons voir les racines de notre colère. La méditation vise à regarder les choses avec profondeur afin de discerner leur nature. Les origines interdépendantes sont la nature des choses, et la vraie source de tout ce qui existe. Si nous examinons notre colère, nous pouvons en voir les racines, par exemple l’incompréhension (ou ignorance), la maladresse (ou manque d’habileté), la société environnante, le ressentiment secret, l’habitude (ou notre conditionnement). Ces racines peuvent être présentes à la fois en nous et dans la personne qui a principalement suscité l’apparition de la colère. Nous observons attentivement afin de pouvoir voir et comprendre. Voir et comprendre sont les éléments de libération qui nous permettent d’être délivrés de la souffrance accompagnant toujours la colère. p. 90.
L’expression de la colère est dangereuse, et elle n’en retire pas les racines. Seule l’attention permet de comprendre la colère intérieure. Thich Nhat Hanh donne plusieurs exemples : une mère qui calme son enfant en l'entourant de ses bras ; marcher pour porter l’attention sur le contact entre la terre et les pieds ; “cuire” la colère avec l’attention, comme les pommes de terre dans la casserole d’eau sur le feu.
Le couvercle sur la casserole, qui garde la chaleur à l’intérieur, est la puissance de la concentration - ne pas parler, ne pas écouter, ne rien faire du tout, juste concentrer entièrement l’esprit sur la respiration. p. 93.
Les principales racines de la colère sont en nous : manque de compréhension de soi-même et ignorance des causes, confusion, désir, orgueil, agitation, suspicion.
15. Méditation de l’amour. Le but est de développer la compassion et l’équanimité. La compassion aspire à diminuer la souffrance d’autrui. L’amour est ici inconditionnel et ne doit pas entraîner de souffrance pour soi et autrui. Tout se fonde sur la compréhension et la capacité de reconnaître la souffrance d’autrui.
Quand nous entrons en contact avec l’autre personne, nos pensées et nos actes devraient exprimer notre esprit de compassion, même si elle dit et fait des choses difficiles à accepter. Pratiquons ainsi jusqu’à ce que nous voyions clairement que notre amour ne dépend pas du fait que la personne s’excuse ou est sympathique. p. 96.
Même sans le laisser paraître, la plupart souffrent, parfois jusqu’à se suicider. Celui qui nous fait souffrir souffre lui aussi. “Regarder avec profondeur, c’est comprendre” (p. 98) : il faut se réconcilier avec soi-même pour en faire bénéficier autrui.
La vie est souffrance, mais multiples aussi sont ses merveilles - ciel de l’aurore, pleine lune de l’équinoxe, d’automne, buisson de forsythia [...]. Quand nous ne prêtons attention qu’à notre souffrance, entrer en contact avec ces merveilles est impossible, et rien de ce que nous dirons ou ferons ne saurait dénouer le nœud de souffrance et apporter les conditions d’une vie joyeuse. L’observation attentive est l’élément qui nourrit l’arbre de la compréhension ; l’amour et la compassion en sont les plus belles fleurs. p. 99.
Une parole, un acte ou une pensée peuvent réaliser la compassion, en évitant “la sorte d’amour qui fait plus de mal que de bien” (p. 100).
16. L’investigation discriminante. L’esprit observe l’esprit, qui devient un objet de l’esprit. Rien n’existe de façon séparée, indépendante : c'est le principe fondamental d’interdépendance.
Ceci est, parce que cela est ; ceci n’est pas, parce que cela n’est pas. Ceci est produit, parce que cela est produit. Ceci est détruit, parce que cela est détruit. p. 102.
Les choses existent “les unes dans les autres et les unes avec les autres”. Tout est un et un est tout : c’est le principe de l’inter-être et de l’interpénétration. Tous les phénomènes de l’univers, dont nos pensées et paroles, sont interdépendants.
L’investigation classe les organes, objets et consciences des sens selon les cinq agrégats :
Forme : phénomènes physiques, physiologiques ;
Sensations : agréables, désagréables, neutres ;
Perceptions : conceptualisations et dénominations fondamentales ;
Formations mentales : états psychologiques ;
Conscience : fonction liée aux “graines” semées dans l’esprit.
Parce que tout est interdépendant, rien n’existe par soi-même, tout est vacuité.
Par la vision profonde de la vacuité, nous transcenderons les concepts de “c’est” et “ce n’est pas”, de naissance et mort, d’un et multiple, de venir et partir, et nous transcenderons la peur de la naissance et de la mort. C’est-ce n’est pas, naissance-mort, un-multiple, venir-partir, etc. : ces concepts se dissoudront quand nous serons témoins de la nature interdépendante de tous les phénomènes. Pouvoir mettre fin au concept de naissance et de mort est le point essentiel de l'investigation discriminante. p. 104-105.
17. Observer les formations internes. Il existe deux catégories de formations internes :
Les “cinq nœuds lâches” : confusion, désir, colère orgueil, doute ;
Les “cinq nœuds serrés” : conception du corps comme étant soi, vues extrêmes, fausses, corrompues, superstitions.
Les nœuds se forment selon la manière dont nous comprenons ou pas les impressions reçues par notre esprit. La confusion (ou ignorance) est la base de tous les nœuds. La formation interne prenant la forme du désir peut commencer par une sensation agréable, mais quand le nœud est formé, l'insatisfaction nous contraint à rechercher cette sensation par tous les moyens. Tout dépend de notre façon de réagir aux événements qui surviennent.
Au cours de la vie quotidienne, des graines de chagrin peuvent être semées dans notre conscience avec ou sans la participation d’autrui. Les autres disent ou font des choses susceptibles de produire en nous des nœuds, mais si nous donnons naissance aux graines de la compréhension, de la tolérance, de l’amour et de la compassion, leurs actes et leurs paroles ne produiront en nous aucune formation interne. Cela dépend de la manière de recevoir ce qui nous arrive dans la vie quotidienne. p. 110.
18. Transformer les formations internes réprimées. Nous refoulons dans notre inconscient du désir, de la colère, de la peur, de la dévalorisation personnelle, des regrets. Ces formations refoulées se manifestent à la conscience, dans les sensations, les pensées, les paroles et les actes. Pour éviter la souffrance, nous tentons en vain de les oublier. Il faut les amener à la conscience en observant nos réactions automatiques, en sensation, pensées, paroles et actions. Puis, en surmontant les résistances, entrer en contact avec ces formations internes par l’observation attentive, et en les accueillant pour les transformer.
Sans nous juger, blâmer ou critiquer d’avoir ces sensations ou ces images, nous les observons, les identifions et les acceptons afin de voir leur source et leur vraie nature. S’il y a douleur, nous ressentons la douleur. S’il y a tristesse, nous sommes tristes. S’il y a colère, nous sommes alors en colère, mais notre colère s'accompagne d’attention. Au lieu de nous perdre dans la douleur, la tristesse ou la colère, nous les calmons. p. 116.
19. Surmonter la culpabilité et la peur. Le remords ou regret peut être bénéfique en nous aidant à reconnaître nos erreurs pour ne plus les répéter, ou nuisible s’il crée de la culpabilité.
Nous avons tous commis des erreurs dans le passé. Mais ces erreurs peuvent être effacées. Peut-être pensons-nous que le passé étant fini, nous ne pouvons retourner au passé pour corriger nos erreurs. Mais le passé a créé le présent, et si nous pratiquons l’attention dans le présent, nous sommes naturellement en contact avec le passé. En transformant le présent, nous transformons aussi le passé. p. 118.
La transformation peut se produire en portant l’attention au moment présent. La peur se fonde sur l’ignorance de notre nature de “non-soi”, de non-naissance, de non-mort, de non-croissance et de non-déclin de tout ce qui existe. Il faut viser l’impavidité, et accepter la réalité de l’impermanence.
En sachant que la naissance et la mort sont deux aspects nécessaires de la vie, nous verrons que si notre mère la Terre nous a portés une fois à la vie, elle nous portera cent mille fois encore à la vie, et nous n’aurons ni peur ni souffrance quand elle tendra les bras pour nous accueillir de nouveau. Un Éveillé, tout en flottant le long de la rivière de la naissance et de la mort, demeure imperturbable. p. 120.
20. Semer des graines de paix. Les formations internes sont les graines de la souffrance ; la joie, la paix et la libération sont les graines du bonheur. Les graines sont à la base de tout état de conscience.
Certaines graines nous ont été transmises par nos parents et nos ancêtres. [...] Ceci signifie qu’avant notre naissance, toutes sortes de graines positives étaient déjà présentes en nous. De plus, toutes sortes de graines se forment en nous dès l’enfance, semées par notre famille, l’école, la société. p. 121.
Comme tout ce qui existe, les graines sont interdépendantes et elles n’ont pas de nature fixe. L’existence de chacune dépend de celle des autres. Une graine négative contient en germe des graines positives, et réciproquement.
La vie est pleine de souffrance, mais elle l’est aussi de multiples merveilles. Il y a l’hiver mais aussi l’été, l’obscurité mais aussi la lumière, la maladie mais aussi la santé, les tempêtes et les inondations mais aussi les douces brises et les pluies exquises. Nos yeux, nos oreilles, notre cœur, nos demi-sourires, notre respiration sont des phénomènes merveilleux. [...] Tout est impermanence. Tout est temporaire. Néanmoins, bien des merveilles existent. p. 123.
Principe de la pratique de l’attention
“Tout n’est qu’esprit. Toutes choses ne sont que conscience”. p. 127.
L’objet observé et l’esprit ne sont pas séparés. La conscience est à la fois individuelle et collective. L’esprit qui observe est aussi un phénomène de la conscience.
L’attention de l’esprit pénètre l’objet observé et ne fait qu’un avec lui. Elle l'illumine et le transforme.
L’esprit vrai, attentif, ne fait qu’un avec l’esprit dans l’illusion, distrait. Nous ne devons pas rechercher l’esprit vrai hors de nous-mêmes. C’est toujours le principe de non-dualité, comme la rose et le détritus ne sont qu’un.
Le Bouddha enseigna très clairement que nous ne devrions pas nous attacher à l’être ou au non-être. Être signifie le monde du désir. Non-être signifie le monde du nihilisme. Être libéré, c’est être libéré des deux. p. 132.
Nous devons choisir la voie de la non-violence et du non-conflit : ne pas s’attacher ni rejeter les cinq agrégats.
Nous savons que notre corps et nos sensations sont nous-mêmes et ne les réprimons donc pas, car ce serait nous réprimer nous-mêmes. Au contraire, nous acceptons notre corps et nos sensations. Accepter ne signifie pas désirer avidement. En acceptant, nous atteignons naturellement un certain degré de paix et de compréhension. p. 133.
Nous devons être à l’écoute de notre corps, sans le maltraiter, en comprenant son propre langage tout en conservant notre attention.
Il faut se fonder sur l’expérience, et non sur des dogmes.
Quand nous répétons : “L’esprit est impermanent”, notre attitude reste dogmatique. Si l’esprit est impermanent, le corps doit alors être impermanent, et les sensations aussi. p. 138.
Conclusion
Ceux qui pratiquent la vie attentive se transformeront inévitablement et transformeront leur mode de vie. Ils vivront une vie plus simple, jouiront de plus de temps pour eux-mêmes, pour leurs amis et pour leur environnement naturel. Ils auront plus de temps pour offrir de la joie aux autres et soulager leur souffrance. Et l’heure venue, ils mourront en paix. Ils sauront que mourir est un nouveau commencement ou une simple continuation dans une autre forme de vie. En vivant ainsi notre vie, chaque jour est un heureux anniversaire, un heureux jour de continuation. p. 148.
Thich Nhat Hanh, Transformation et guérison, Paris, Albin Michel, 1997.
Patrick Moulin, MardiPhilo, octobre 2024.
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