Aucune explication verbale ne remplace jamais la contemplation. Saint-Exupéry, Pilote de guerre.
Dans une conversation un peu longue, le plus sage même devient une fois fol et trois fois niais. p. 523.
Tu sauras que j’aime l’ombre comme j’aime la lumière. Pour qu’il y ait beauté du visage, clarté de la parole, bonté et fermeté du caractère, l’ombre est nécessaire autant que la lumière. Ce ne sont pas des adversaires : elles se tiennent plutôt amicalement par la main, et quand la lumière disparaît, l’ombre s’échappe à sa suite. p. 524.
[Chacun] se tient pour libre là où son sentiment de vivre est le plus fort, partant, comme j’ai dit, tantôt dans la passion, tantôt dans le devoir, tantôt dans la recherche scientifique, tantôt dans la fantaisie. [...] La théorie du libre arbitre est une invention des classes dirigeantes. § 9, p. 532.
Il est bon d’exprimer immédiatement une chose doublement et de lui donner un pied droit et un pied gauche. La vérité peut, il est vrai, se tenir sur un pied : mais sur deux elle marchera et fera son chemin. § 13, p. 535.
Peut-être la fourmi dans la forêt se figure-t-elle aussi qu’elle est le but et la fin de l’existence de la forêt, comme nous faisons lorsque, dans notre imagination, nous lions presque involontairement à la destruction de l'humanité la destruction de la terre : encore sommes-nous modestes quand nous nous en tenons là et que nous n’arrangeons pas, pour fêter les funérailles du dernier mortel, un crépuscule général du monde et des dieux. § 14, p. 536.
Peut-être pourrait-on ramener toute l’origine de la moralité à l'énorme agitation intérieure qui saisit l’humanité primitive lorsqu’elle découvrit la mesure et l’évaluation, la balance et la pesée. § 21, p. 541.
Dans le monde de la haute finance, le thaler d’un riche paresseux rapporte plus que celui du pauvre et du laborieux. § 25, p. 546.
Il n’y a ni droit naturel ni injustice naturelle. § 31, p. 550.
Le remords est, comme la morsure d’un chien sur une pierre, une bêtise. § 38, p. 556.
Près des fleurs, des herbes et des papillons, il faut savoir s'abaisser à la hauteur d’un enfant qui les dépasse à peine. [...] Celui qui veut prendre part à toutes les bonnes choses doit aussi s’entendre à avoir des heures où il est petit. § 51, p. 561-562.
Robinson possédait un serviteur meilleur encore que Vendredi : c’était Crusoé. § 54, p. 563.
Toute parole est un préjugé. § 55, p. 563.
Le chemin le plus court n’est pas le plus droit, mais celui sur lequel le vent le plus favorable gonfle notre voile : c’est ce qu’enseignent les règles de la navigation. Ne pas leur obéir, c’est être obstiné : la fermeté de caractère est troublée par la bêtise. § 59, p. 565.
[La] pitié a besoin de la souffrance, et l’isolement du mépris des autres. § 62, p. 567.
Dans la première partie de l’humanité supérieure, la bravoure est considérée comme la vertu la plus noble ; dans la seconde, la justice ; dans la troisième, la modération ; dans la quatrième, la sagesse. Dans quelle phase vivons-nous ? Dans laquelle vis-tu ? § 64, p. 567.
Le grand style naît lorsque le beau triomphe du monstrueux. § 96, p. 581.
Chaque mot a son odeur : il y a une harmonie et une dissonance des parfums, donc aussi des mots. § 119, p. 589.
Je ne veux plus lire un auteur dont on remarque qu’il a voulu faire un livre ; mais seulement ceux dont les idées devinrent inopinément un livre. § 121, p. 589.
D’où vient que la santé ne soit pas aussi contagieuse que la maladie, ceci d’une façon générale et surtout en matière de goût ? Ou bien y a-t-il des épidémies de santé ? § 129, p. 594.
Le livre doit crier après la plume, l’encre et la table de travail : mais généralement c’est la plume, l’encre et la table de travail qui crient après le livre. C’est pourquoi de nos jours les livres sont si peu de chose. § 133, p. 595.
[La] méfiance est la pierre de touche pour l’or de la certitude. § 145, p. 598.
Un petit jardin, des figues, du fromage et, avec cela, trois ou quatre bons amis, - ce fut là l’opulence d’Épicure. § 192, p. 623.
Nous gaspillons trop notre sens artistique durant notre sommeil et c’est pourquoi le jour nous en sommes souvent si pauvres. § 194, p. 623.
Qui s’habille de guenilles proprement lavées s’habille proprement, mais il n’en est pas moins en guenilles. § 199, p. 625.
Toute fin n’est pas un but. La fin de la mélodie n’est pas son but : toutefois, si la mélodie n’a pas atteint sa fin, elle n’a pas atteint son but. Un symbole. § 204, p. 626.
Tu souffres sans cesse, car tu perds sans cesse. § 209, p. 628.
Si toutes les aumônes n’étaient données que par pitié, tous les mendiants seraient déjà morts de faim. / La plus grande dispensatrice d’aumônes est la lâcheté. § 239-240, p. 644.
Ce penseur n’a besoin de personne pour le réfuter : il s’en charge lui-même. § 249, p. 646.
L’homme est le plus charitable quand on vient de lui rendre un grand hommage et qu’il a un peu mangé. § 253, p. 647.
La lettre est une visite qui ne se fait pas annoncer, le facteur est l’intermédiaire de ces surprises impolies. § 261, p. 649.
Le partisan le plus dangereux est celui dont la défection détruirait tout le parti, c’est dire que c’est le meilleur partisan. § 290, p. 666.
Pour devenir sage, il faut vouloir vivre certaines expériences, donc se jeter dans la gueule des événements. Il est vrai que c’est très dangereux ; bien des « sages » y ont été dévorés. § 298, p. 671.
Quand on est arrivé à se trouver soi-même, il faut s’entendre à se perdre de temps en temps – pour se retrouver ensuite : en admettant, bien entendu, que l’on soit un penseur. Car il est préjudiciable à celui-ci d’être toujours lié à une seule personne. § 306, p. 672-673.
Il faut que tu prennes congé de ce que tu veux connaître et mesurer, du moins pour un temps. Ce n’est qu’après avoir quitté la ville que l’on s’aperçoit combien ses tours s’élèvent au-dessus des maisons. § 307, p. 673.
À l’heure de midi. – Celui qui eut un matin de la vie actif et orageux, quand vient le midi de la vie, son âme est prise d’une singulière envie de repos qui peut durer des mois et des années. Le silence se fait autour de lui, le son des voix s’atténue de plus en plus, le soleil tombe à pic sur sa tête. [...] Mais enfin le vent s’élève de nouveau dans les arbres, midi est passé, et la vie l’attire encore vers elle, la vie aux yeux aveugles, suivie de son cortège impétueux : les désirs et les duperies, l’oubli et les jouissances, l’anéantissement et la fragilité. Et c’est ainsi que vient le soir, plus orageux et plus actif que ne fut même le matin. § 308, p. 673.
Mais donner vaut mieux que posséder : et qu’est l’homme le plus riche lorsqu’il vit dans la solitude d’un désert ? § 320, p. 677.
Comment quelqu’un peut-il devenir un penseur s’il ne passe pas au moins le tiers de sa journée sans passions, sans hommes et sans livres ? § 324, p. 678.
Mourir pour la « vérité ». – Nous ne nous ferions pas brûler pour nos opinions, tant nous sommes peu sûrs d’elles. Mais peut-être pour le droit d’avoir nos opinions et de pouvoir en changer. § 333, p. 681.
Changer ses opinions, c'est, pour certaines natures, une exigence de propreté, de même que changer de vêtements : mais pour d’autres natures ce n’est qu’une exigence de la vanité. § 346, p. 684.
Voici un héros qui n’a pas fait autre chose que de secouer l’arbre dès que les fruits étaient mûrs. Cela vous semble-t-il être trop peu de chose ? Voyez donc l’arbre qu’il a secoué. § 347, p. 684.
Le surcroît de sagesse se laisse mesurer exactement d’après la diminution de bile. § 348, p. 684.
Nietzsche F., Humain, trop humain, Paris, Le Livre de Poche, 1995 (16e édition, 2022).
Nous ne sommes que les autres. Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique, film d'Alain Resnais.
Notes contemplatives de lecture - Sommaire : Humain, trop humainPatrick Moulin, MardiPhilo, février 2025.
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