La cellulite cervico-faciale est une maladie infectieuse des tissus de remplissage des espaces bucco-cervico-faciaux (les tissus cellulo-adipeux). Elle est d'origine dentaire dans 90% des cas. Ce sont des affections graves qui ont une tendance extensive rapide et peuvent mettre en jeu le pronostic vital. Il est important de comprendre que la gravité de l'infection n'est pas proportionnelle à la dimension de l'oedème.
Le pronostic vital peut être mis en jeu lors de la présence d’un crépitements neigeuse à la palpation, d'érythème avec extension cervicale, d'une tuméfaction du plancher buccal, douloureuse et gênant la déglutition, accompagnée d’un trismus serré. De même une tuméfaction jugale évoluant vers la région ophtalmique et la présence d’une ou de plusieurs comorbidité, notamment l'immunodépression ou un diabète non contrôlé, indique une hospitalisation en urgence.
Médiastinite aiguë : pathologie gravissime (80% de décès). A toujours suspecter devant une extension rapide et diffuse de l'érythème vers le thorax
Une anamnèse et un examen clinique endodontique est réalisé, avec quelques considérations supplémentaire à prendre en compte.
3 facteurs favorisants à traquer systématiquement : La prise d'AINS (semble potentialiser la progression et retarde la prise en charge en masquant les signes de l'infection), l'immunodépression (VIH, prise d'immunosuppresseurs, corticoïdes) et le diabète (si mal équilibré). Penser à également rechercher si le patient est à haut risque d'endocardite infectieuse car le risque d'en développer une est hautement augmentée.
Penser directement aux 3D : dyspnée, dysphagie, dysphonie, douleurs. Si ils sont présent, c'est très grave et indique une prise en charge hospitalière.
On recherchera la notion de traumatisme ancien, un soin dentaire conservateur récent, une période récente d'algie dentaire lors du décubitus.
Enregistrement de la présence de :
fièvre
adénopathie
pouls
amplitude d'ouverture buccale
retentissement comportemental
dysphagie
La cellulite étant généralement la conséquence d'un abcès apical non contrôlé, des mêmes signes cliniques identiques à ceux observés en cas d'abcès apical sont également attendus en plus de la tuméfaction des tissus du visage.
Stade séreux : Muqueuse soulevée et érythémateuse au voisinage d'une dent qui ne répond pas aux tests de vitalité; elle est légèrement mobile et la moindre tentative de percussion axiale serait très douloureusement ressentie.
Stade Collecté : L'examen buccale est difficile, souvent gêné par l'existence d'un trismus (d'autant plus important que la dent est postérieure), et retrouve un comblement du cul-de-sac vestibulaire en regard de la dent causale. Cette tuméfaction est inflammatoire et très douloureuse à la palpation. La dent responsable de l'infection est mobile et extrêmement sensible à la percussion axiale et transversale. En outre, l'haleine est fétide et on retrouve une hypersalivation réflexe. + Signe de godet.
Réalisation d'un panoramique dentaire pour objectiver ou confirmer la porte d'entrée d'origine dentaire, évaluer l'état de l'os autour de la dent responsable.
✓ Séreux : cellulite localisée, inflammatoire. Placard rouge induré cutané le plus souvent. Les quatre signes classiques de l’inflammation sont présents : tuméfaction, douleur, chaleur, rougeur. Les signes généraux associés sont minimes, voire inexistants. Survenant le plus souvent après un épisode d'algie dentaire, de type de parodontite apicale aiguë, une tuméfaction assez mal limitée apparaît, comblant les sillons ou dépressions de la face. L'oedème peut être plus ou moins volumineux suivant la quantité de tissu cellulaire mais la peau est tendue, lisse, rosée, mal limitée, élastique et ne prend pas le godet. (empreinte persistante du doigt après pression à l'endroit de la tuméfaction). La douleur est calmée incomplètement par les antalgiques. Contrairement à ce qu'on pourrait entendre, il y a bien une présence de bactérie aérobie et anaérobie à ce stade (Y.M. Kouassi 2011, https://doi.org/10.1016/j.medmal.2011.01.014)
TTT médical (atb-antalgique) + drainage par voie endodontique si réalisable
✓ Collecté : cellulite purulente avec véritable abcès des parties molles, rénitente et collectée à la palpation, douleur insomniante et diffuse, trismus (d'autant plus marqué de la dent causale est postérieure). Hyperthermie à 38-39 °C, accompagnée d'une altération de l'état général avec insomnie, asthénie, parfois céphalées et courbatures, sensations de battements au niveau de la tuméfaction faciale. La douleur devient continue, lancinante avec des irradiations à l'hémiface homolatérale à la tuméfaction, rebelle aux antalgiques. tuméfaction fait « corps avec l'os » ; les téguments prennent maintenant le godet et, au bout d'un certain temps d'évolution, une fluctuation peut être retrouvée.
TTT médical (atb-antalgique) + drainage chirurgical (muqueux) + voie endodontique
✓ Gangréneuse/Diffuse : cellulite rapidement extensive et nécrosante, type fasciite nécrosante de la face et du cou, urgence médico-chirurgicale extrême !
TTT médico-chirurgical-hospitalière
De la fosse infra-temporale, l'infection peut se diriger vers la fenêtre sphéno-maxillaire, vers l'orbite, puis vers la cavité crânienne. Cette extension est rare mais gravissime par risque de fonte purulente de l'oeil et thrombophlébite du sinus caverneux
De la fosse infra-temporale, l'infection peut se diriger vers le bas et les régions parapharyngées expliquant la dysphagie et le risque d'obstruction des voies aériennes supérieures
lorsqu'elles sont externes ou massétérines, l'infection peut se diriger par l'intermédiaire de l'espace sous-mandibulaire ou parapharyngé, descendre vers le creux sus-claviculaire et le médiastin antérieur car elles ne rencontrent plus aucune sangle musculaire horizontale. Dans ce cas, la mortalité atteint 50 % des patients ;
lorsqu'elles sont internes et sus-mylo-hyoïdiennes de la loge sub-linguale, l'infection peut diffuser rapidement vers la loge sousmaxillaire en passant le long du bord postérieur du mylohyoïdien
lorsqu'elles sont sous-mylo-hyoïdiennes et sous-mentales, l'infection peut évoluer le plus souvent, en haut vers la loge sub-linguale par effraction du mylo-hyoïdien, ou alors vers l'arrière dans la loge submandibulaire ; le ventre antérieur du digastrique ne représentant pas une barrière suffisante pour limiter la diffusion de l'infection ;
lorsqu'elles concernent les loges sus et sous-mylo-hyoïdiennes, l'infection peut se emprunter l'espace celluleux périviscéral expliquant la dyspnée, puis diffuser vers le bas, en avant et en arrière du cartilage thyroïde, vers le médiastin antérieur. Cette complication est très rare ;
lorsqu'elles concernent la loge sous-mandibulaire, s'étendre rapidement en arrière et en haut vers la région parapharyngée et rétrostylienne ; la dysphagie est alors le signe au premier plan.
L'infection ayant fusé vers les espaces rétrostyliens diffuse, soit vers le médiastin antérieur via la gouttière carotidienne, soit vers le médiastin postérieur après diffusion dans l'espace rétro-pharyngien
Cellulite aigue odontogène génienne basse droite.
Cellulite aiguë labiale et génienne basse causée par l'infection de 36.
Cellulite odontogène circonscrite aiguë sous-orbitaire causée par 23
Le diagnostic complet doit comporter les différents éléments argumentés suivants : cellulite, aiguë/chronique/subaiguë, circonscrite/diffus, à topographie X (Génienne base, sous orbitaire, etc), au stade (séreux/collecté/fistulisé), odontogène à point de départ dentaire Y.
La prise en charge en urgence dépend du stade.
✓ Séreux : TTT médical et étiologique
Etiologique = Parage canalaire ou avulsion
Parage canalaire : drainage par voie endodontique.
Avulsion : drainage alvéolaire. Réalisé dès lors que la conservation de la dent causale semble impossible.
Médical = Prescription antibiotiques (ayant aussi effet sur les anaérobies) + prescription antalgique en fonction de l'EVA. Voir ci-dessous
Avec un traitement efficace, les symptômes s’amendent en l’espace de 48 à 72 heures
✓ Collecté : TTT médical, étiologique et chirurgical
Étiologique = Parage canalaire ou avulsion (voir ci-dessus)
Chirurgical = Incision muqueux (voir cutané mais réservé aux CMF, dans les cas les plus graves)
Le consensus porte plutôt sur un traitement chirurgical de drainage réalisé à chaud, c'est à dire réalisé d'emblée, lors de la séance d'urgence, sans attendre l'éventuel effet d'une antibiothérapie probabiliste.
Incision : drainage muqueux. L'anesthésie de contact est utilisée pour les collections superficielles. Lorsque celle-ci est impossible ou insuffisante, une anesthésie par infiltration est réalisée (voire une anesthésie générale dans les cas plus grave : si les drainages cutanés sont multiples ou si l'accès est difficile en cas de trismus par exemple). Cette incision va avoir un double effet : soulager le patient mais aussi permettre la pénétration antibiotique dans l'espace plus rapidement (Baumgartner & Smith 2009)
Médical = ATB + antalgique (voir prescription)
✓ Gangréneuse/Diffuse : Hospitalisation en urgence
ATBT doit être active sur les anaérobies : Amoxicilline + Acide Clavulanique (Augmentin° 1g) 1g x3/j pendant 10 jours (enfant : 50mg/kg). Si allergie : Clindamycine (Dalacine° 300mg) 2cp x3/j (enfant 20mg/kg).
ANTALGIQUE (pendant 72h)
palier 1 ou 2 selon EVA. Paracétamol (Doliprane° 1g) 1g x4/j si EVA comprise entre 1 et 3. Tramadol (Contramal° 50mg) 2cp x4/j si EVA >3
Association palier 1 et 2 : Paracétamol 500mg + Opium 25mg (Izalgi°) 1cp x4/j
BAINS DE BOUCHE : Chlorhexidine x3/j
Vessie de glace
ATBT : amoxicilline (3 g/j) et métronidazole (1,5 g/j) ou amoxicilline et acide clavulanique doit être instaurée, si possible juste avant le traitement étiologique. Si allergie : clindamycine (1,2 g/j en 2 prise) ou de la pristinamicine (3 g/j) associé au métronidazole (1,5 g par jour en 3 fois)
Antalgique niveau 2 : 600 mg de paracétamol et de 60 mg de codéine 4 fois par jours pendant 72 heures.
BDB : polyvidone iodée prescrits pendant 7 jours
Puis lorsque le site sera moins inflammatoire : mise en forme canalaire et laisser le dent ouverte pendant 48 heures de manière à favoriser l’évacuation de l’infection. Avulsion si la dent n'est pas conservable (ou si c'est une dds par exemple).
infections et affections dermatologiques (kyste sébacé, impetigo, oedème facial dur persistant ou maladie de Morbihan, staphylococcies malignes de la face)
infections salivaires
emphysème sous-cutané
accidents allergiques.
JPIO Urgences dentaires et médicales : Conduites à tenir - Yves BOUCHER
JPIO Endodontie - Stéphane Simon
Cours Benat
Baumgartner & Smith 2009