La résorption est un état associé à un processus physiologique ou pathologique provoquant une perte de tissu dentaire, cémentaire ou osseux. Les résorptions résultent d’un processus de destruction partielle ou totale des tissus dentaires, consécutif à une infection et/ou un traumatisme. En fonction de la nature et de la localisation du dommage, les répercussions seront internes ou externes, inflammatoires ou de remplacement, superficielles ou profondes, réversibles ou non.
Le point de départ de la résorption interne se situe à l’intérieur de la cavité pulpaire. La dentine circum pulpaire est résorbée à partir de la pulpe et le processus aboutit à une cavitation à l’intérieur de la dent.
La résorption interne inflammatoire est associée à une inflammation chronique pulpaire avec perte progressive de la dentine péricanalaire mais sans réparation par un tissu minéralisé. La résorption des parois dentinaires est régulière, ronde ou ovalaire, et comblée par un tissu de granulation métaplasié. Dans la majorité des cas, il s’agit d’un passage de bactéries mais surtout de leurs toxines à travers les canaux accessoires et les canalicules dentaires vers la pulpe encore vivante mais dont la palissade odontoblastique n’est plus protégée, la prédentine ayant été endommagée ou détruite.
La résorption inflammatoire interne peut être coronaire. Elle se caractérise alors cliniquement par une coloration rosée de la couronne (pink spot). Ceci est due à la présence d’un tissu de granulation sous-jacent
La résorption interne de remplacement ou de substitution peut être progressive ou transitoire, notamment à la suite d’une faible irritation pulpaire (pulpite chronique, nécrose partielle ou léger traumatisme). Elle est alors auto-limitante, les contours de la lésion sont irréguliers et les pertes de substance dentinaire sont comblées par un nouveau tissu minéralisé.
Ces résorptions sont caractérisées par un élargissement du canal avec une cavité pulpaire asymétrique et irrégulière. La zone de résorption semble remplacée par un tissu radioopaque non homogène, moins dense que la dentine et qui s’apparente à un tissu osseux.
Résorption interne inflammatoire sur 34.
Ici consécutive à une inflammation pulpaire chronique associée à une dégénérescence qui se manifeste par une transformation métaplasique de la pulpe matérialisée sur la radiographie préopératoire par une image radio claire
Résorption interne inflammatoire sur 21
Résorption radiculaire interne de remplacement de 31. Cavité irrégulière, progressivement comblée par un tissu radio-opaque non homogène, qui s’apparente à de l’os.
A part dans les cas de résorption coronaire interne donnant une coloration rose de la couronne (pink spot), les résorptions internes ne sont pas décelable cliniquement de façon précoce. Elles sont en effet le plus souvent asymptomatique mais peuvent devenir douloureuse en cas de perforation radiculaire avec formation d’une lésion parodontale, voire accompagnées de signes inconstants d’inflammation ligamentaire. La dent devient alors douloureuse, notamment à la percussion. Pour que la résorption soit active, une partie au moins de la pulpe doit être vivante. Les tests de sensibilité pulpaire sont donc parfois positifs. La partie coronaire de la pulpe est souvent nécrotique, elle peut ainsi induire une fausse réponse négative.
La découverte d’une résorption radiculaire interne est souvent radiographique et fortuite. Elle peut être rencontrée sur les dents des deux dentures (temporaire et définitive) et sur toutes les dents avec une plus forte prévalence sur les dents antérieures.
Le diagnostic différentiel doit être fait avec une résorption radiculaire externe qui peut apparaître centrée sur le canal en raison d’une projection radiographique lorsqu’elle est vestibulaire ou buccale. Dans ce cas, une incidence radiographique légèrement oblique permet de mettre en évidence un canal normal de part et d’autre du défaut alors qu’en présence d’une résorption interne, le canal est en continuité avec le défaut.
L’utilisation d’un CBCT permet d’affiner le diagnostic en visualisant avec précision l’ensemble des dommages.
La résorption de remplacement est un processus pathologique actif durant lequel le ligament est toujours présent mais, stimulé par un traumatisme, il réagit en mobilisant les cellules clastiques qui détruisent la dent les pertes de tissu dentaire résorbé sont progressivement remplacées par un tissu osseux néoformé.
Cliniquement, ces résorptions sont asymptomatiques mais les tests de mobilité et de percussion sont révélateurs. En cas de résorption de remplacement transitoire, le son est normal à la percussion. En cas d’ankylose, la dent est fréquemment en sous-occlusion, le son est clair et métallique à la percussion et la mobilité diminue progressivement. Sur le plan radiographique, l’ankylose est difficile à mettre en évidence. Elle ne peut pas être diagnostiquée avant 6 mois d’évolution et sa vitesse d’apparition correspond à celle du remodelage osseux, qui est plus rapide chez les sujets jeunes que chez les adultes. Elle se caractérise par une disparition lente de l’espace ligamentaire et un remplacement progressif et irrégulier du cément et de la dentine par de l’os.
Une thérapeutique à l’hydroxyde de calcium ne stoppe pas le processus, il permet de le ralentir et d’éviter une résorption inflammatoire surajoutée.
Résorptions inflammatoires radiculaires externes
Elles sont une des formes les plus répandues. Elles sont la conséquence de l’association d’une infection endodontique et de l’altération d’éléments anatomiques (ligament alvéolodentaire et cément) par un traumatisme. Les produits de dégradation pulpaire, les bactéries mais surtout leurs toxines (lipopolysaccharides) pénètrent dans les tubuli vers la surface radiculaire exposée et provoquent une réponse inflammatoire qui intensifie le processus de résorption. Ce processus peut être stoppé si l’infection pulpaire est enrayée par un traitement endodontique précoce mais il reste évolutif en cas de persistance de l’infection ou de facteurs d’activation des mécanismes de résorption. Cette pathologie peut évoluer très rapidement sur les dents immatures et aboutir à la résorption totale de la racine
Fréquemment, ces résorptions sont cliniquement asymptomatiques. Mais en cas d’évolution, on relève parfois des douleurs d’origine pulpaire, spontanées, continues, diffuses et lancinantes. La dent peut aussi devenir mobile et sensible à la palpation et à la percussion.
Radiologiquement, les résorptions inflammatoires radiculaires externes se manifestent par des radio-clartés présentes sous la forme d’excavations irrégulières dans le cément, la dentine et l’os alvéolaire en regard.
En l'absence de traitement, la progression de cette résorption en direction pulpaire peut créer une communication endo-parodontale
Résorptions inflammatoires cervicales externes
Ces formes, relativement rares, sont souvent très agressives et s’accompagnent d’une résorption du cément, de la dentine, voire de l’émail. Elles sont généralement non douloureuses et le diagnostic précoce est difficile à poser. On peut observer une anomalie gingivale plus ou moins marquée et, parfois, une coloration rosée de la couronne correspondant à une invagination du tissu de granulation richement vascularisé. Radiologiquement, on observe une image radio-claire un peu floue et au contour irrégulier, face à une crête osseuse normale. Une ligne radio-opaque sépare la lésion de la pulpe
Résorption de remplacement sur 11, 21 et 22 expulsées et réimplantées tardivement.
Résorption externe de remplacement d’origine parodontale post-traumatique.
Résorptions inflammatoires externes, visibles notamment en regard des flèches sur 11 et 21, sont caractérisées par des radio-clartés, présentes sous forme d’excavations, plus ou moins régulières et profondes, dans le cément, la dentine et l’os alvéolaire
Extériorisation de la résorption inflammatoire interne coronaire
Résorption inflammatoire cervicale externe
L’hydroxyde de calcium, le MTA et la Biodentine® sont les trois matériaux les plus couramment utilisés pour le traitement des résorptions.
En l’absence de traitement, la résorption interne peut évoluer vers une stabilisation plus ou moins longue, une apposition de tissus minéralisés dans la zone de résorption, une perforation avec ou sans pathologies associées ou une nécrose pulpaire totale. L’arrêt spontané des résorptions étant un phénomène rare et imprévisible, la prudence incite donc à intervenir dès la découverte de la lésion et à mettre en œuvre dans les meilleurs délais un traitement endodontique conventionnel afin de stopper ce processus de résorption.
Une obturation canalaire provisoire à l’hydroxyde de calcium peut être mise en place afin de compléter la dissolution du tissu pulpaire résiduel. Après une période qui varie selon les auteurs de 1 semaine à 2 mois, le système canalaire est parfaitement nettoyé pour permettre une élimination complète de l’hydroxyde de calcium et des résidus pulpaires avant l’obturation définitive du système canalaire. Le système canalaire peut ensuite être obturé définitivement.
En cas de perforations :
En cas de perforation supra-osseuse, après nettoyage mécanique et physico-chimique soigneux de la lésion, la perforation est obturée par voie chirurgicale avec un matériau d’obturation plus ou moins esthétique (verre ionomère, composite ou Biodentine ®) avant d’envisager l’obturation du canal.
En cas de perforation infra-osseuse, on utilisera la MTA ou biodentine pour fermer rapidement, hermétiquement et biologiquement la communication endo-parodontale. Après nettoyage et mise en forme du système canalaire et de la cavité de résorption selon le site et l’importance du dommage, le MTA ou la Biodentine® sont condensés au niveau de la perforation par voie endodontique ou chirurgicale.
Si la communication est récente, de petite taille et bien située, l’approche endodontique est préférée à l’abord chirurgical estimé plus délabrant.
Si la zone de la perforation est étendue et qu’elle ne peut être atteinte par voie canalaire, l’abord chirurgical trouve son indication.
Il faut cependant noter qu’en présence d’une inflammation trop importante, la réaction de prise du MTA est impossible. Un passage préalable à l’hydroxyde de calcium est alors conseillé car il stoppe le phénomène de résorption et favorise un dépôt de tissu dur sur le site de la perforation.
Hormis le traitement préventif, il n’y a aucun traitement spécifique des résorptions de remplacement et de l’ankylose. Ce processus aboutit à la destruction plus ou moins rapide de la racine et à son remplacement par de l’os. Une thérapeutique à l’hydroxyde de calcium permet cependant de ralentir le phénomène et d’éviter une résorption inflammatoire surajoutée.
Si l’étiologie est mécanique, la suppression de la cause stoppera les effets délétères. Ainsi, en cas de résorption apicale d’origine orthodontique, l’arrêt du traitement permettra la stabilisation du processus inflammatoire. Si l’étiologie est liée à une infection endodontique, un traitement canalaire doit rapidement être mis en oeuvre avant l’apparition d’une perforation radiculaire.
Une thérapeutique à l’hydroxyde de calcium peut être mise en place durant 1 à 2 semaines pour les résorptions d’origine endodontique ou durant 6 à 12 mois en cas de résorptions traumatiques qui associent des altérations cémentaires et ligamentaires. Lorsque l’espace desmodontal est radiologiquement rétabli, l’obturation canalaire définitive est alors envisagée.
Le MTA ou la Biodentine® peuvent trouver, comme cela a été précédemment décrit, leur indication en cas de communication endo-parodontale
Le traitement de ces lésions se fait par abord chirurgical ; la lésion est curetée avec une instrumentation manuelle et/ou ultrasonore puis un topique d’acide trichloracétique est appliqué. Le débridement de la lésion peut également être effectué à l’aide du laser. La restauration est réalisée à l’aide d’un matériau biocompatible (du type verre ionomère ou Biodentine®) qui allie des propriétés plus ou moins esthétiques et un durcissement rapide. Mais plus la destruction est importante et étendue, plus le pronostic est réservé.
But : élimination du tissu de résorption, scellement de la cavité résultante et de la porte d'entrée, et prévention des récurrence.
Le ttt dépendra de l'étendu, de la nature et de l'accessibilité. Dans certains cas un lambeau muco-periosté devra être levé.
Réparation externe +/- ttt endo. Excavation et restauration direct. (1Ad, 2Ad, 2Bd) ttt endo si implication de la pulpe. (1Ap, 2Ap, 2Bp)
Réparation interne + ttt endo. ttt endo, excavation et restauration directe. (2Cp, 2Dp, 3Cp, 3Dp)
Extraction réimplantation : pour permettre la restoration, le recontour d'un défaut inaccessible. (3Ad, 3Bd)
Suivi périodique, pour les cas ne pouvant pas être traité, ou les cas ayant suffisamment de tissue de réparation (2-4Dd, 2-4D)
Extraction, si l'extension de la lésion fait que la dent ne peux pas être bien restaurée (fonction/esthétique). Ou lorsque la lésion est inaccessible au ttt.
Classification de Patel, 2018
JPIO Endodontie par Stéphane Simon p.387
European Society of Endodontology position statement: External Cervical Resorption (https://doi.org/10.1111/iej.13008)