Y a-t-il ou non un leadership humain au travail?

« Je souhaiterais seulement que l’encadrement soit un peu plus humain » dit un travailleur d’une grande entreprise ; ce travailleur ayant fait une tentative de suicide. Ce genre de témoignages de souffrance au travail, devenu fréquent ces derniers temps, nous amène à nous interroger : Y a-t-il ou non un « bon » ou un « mauvais » leadership ? C’est une vieille question diront certains. Je vous l’accorde puisque des recherches (en sciences de gestion) s’intéressent au thème du leadership depuis les années 1930. Toutefois, on ne peut nier les difficultés et les blocages que continuent de connaître aussi bien les employés que l’encadrement dans leurs relations mutuelles. Les diverses enquêtes d’attitudes révèlent que les salariés sont de moins en moins fiers d'appartenir à leur entreprise. Certaines catégories de travailleurs, comme les commerciaux, sont plus que d’autres exposés aux risques psychosociaux. Le déclassement professionnel lié à la réorganisation des entreprises entraîne une « insatisfaction globale, une fragilisation psychologique, des conflits de valeur au travail et de fortes incertitudes sur l'avenir ». Les exigences des responsables sont trop fortes et nombreux salariés trouvent que leurs instructions ou leurs demandes sont floues. Finalement, une enquête d’attitudes dans une grande entreprise montre que 62 % des répondants estiment qu'ils sont injustement critiqués dans leur travail et 54 % se plaignent d'agressions verbales, de menaces ou de chantages de la part de leurs responsables.

Précisons dès le départ que nous situons notre propos dans le cadre de l’entreprise. Qu’est-ce que le leadership ? Retenons une définition très simple de Schermerhorn, Hunt et Osborn (2002) pour lesquels : « Le leadership est un type d’influence interpersonnelle par laquelle un individu amène un autre individu ou un groupe à s’acquitter de la tâche qu’il veut voir menée à bien »[i].

Dans les années 1930, des recherches ont repéré les traits de personnalité du « bon leader » : l’ambition et l’énergie, le désir de diriger, l’honnêteté et l’intégrité, l’assurance, l’intelligence, l’adaptabilité et la compétence[ii]. Plus récemment, Goleman (2002)[iii] parle d’intelligence émotionnelle qui englobe des éléments tels que la conscience de soi, la maîtrise de soi, la motivation, l’empathie et l’aptitude sociale. Ces longues listes de traits de caractère qui distinguent le leader du non-leader ne correspondent-elles pas en réalité à des stéréotypes ?

Dans les années 1940 jusqu’aux années 1960, on s’est plutôt focalisé sur les comportements des « bons leaders ». Les leaders « orientés vers l’employé » donnent de l’importance aux relations interpersonnelles et aux besoins de leurs employés ; alors que ceux « orienté vers la production » se concentrent sur l’aspect technique du travail. Les premiers obtiendraient une productivité plus élevée et une satisfaction plus grande de la part des subordonnés, tandis que les seconds connaissent dans leur équipe des niveaux de productivité et de satisfaction professionnelle des employés inférieurs.           

Mais les théories des traits de caractère et les théories comportementales ne tiennent pas compte de la situation dans laquelle s’exerce le leadership. Dans les années 1950, des chercheurs ont identifié des « facteurs de contingences » tels que les relations personnelles entre le leader et les membres du groupe (confiance, respect mutuel), la nature des tâches à exécuter (tâches hautement programmées ou peu formalisées), le pouvoir du leader lié à sa position hiérarchique (son influence par rapport à certaines décisions comme le recrutement, le renvoi, la discipline, l’avancement, les augmentations de salaire), le degré de maturité des employés (compétence et motivation à faire le travail). Ces recherches font correspondre à chaque situation un style de leadership le plus efficace (style directif, participatif, meneur, mentor, coach) en fonction du degré de maturité des employés. D’ailleurs, de nos jours, le chef idéal serait celui qui aiderait ses subordonnées à satisfaire leur besoin d’apprentissage (leadership transformateur).

Personnellement, j’adhère aux théories de la contingence et pense que le meilleur leadership est celui qui tient compte de l’évolution des attentes et des aspirations des membres.

En résumé, beaucoup d’approches et de théories ont essayé de décrire et de comprendre le « bon leadership ». Aujourd’hui, la pléthore d’ouvrages sur le thème soutient qu’il existe un « bon » ou un « mauvais » leadership ; il suffit de suivre des conseils. A titre d’illustration, citons Rodach (2008) qui nous propose « les dix bonnes pratiques pour développer son charisme et son leadership, des qualités cruciales pour le chef de projet qui doit savoir persuader et dynamiser son équipe »[iv] ou bien Blanchard et Miller (2005) qui préconisent six préceptes pour les managers afin d’améliorer leur leadership professionnel[v].

Malgré cette littérature dont la quantité donne le vertige, des problèmes de malaise au travail, d’harcèlement et de stress persistent. Des questions restent en suspens :

Qu’est-ce qu’un « bon » leadership en entreprise ? Est-ce une affaire de traits de personnalité ?  Suffit-il de recommander aux chefs certaines recettes pour réussir à influencer leurs subordonnés ? 

Comment devient-on un « bon » leader ? Est-il possible de former un « bon » leader ? Le leadership, est-ce inné ou acquis ? Comment créer un climat de confiance ?

Les femmes sont-elles de meilleurs leaders que les hommes ?

Le leadership dépend-il du contexte ? Y a-t-il des différences entre les pays ? Quelle est l’influence de la culture ? Qu’en est-il de la question de l’éthique ?

On voit que le débat,

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[i] Schermerhorn J. R., Hunt J. G. et Osborn R. N., 2002, Comportement humain et organisation, éd. Editions du Renouveau Pédagogique, Paris.

[ii] Robbins S., Judge T., 2006, Comportements organisationnels, éd. Pearson Education France, Paris.

[iii] Goleman D., 2002, L’étoffe d’un leader, in Harvard Business Review, Styles de leaders, éd. Organisation, Paris.

[iv] Rodach G., 2008, Développer son charisme et son leadership, éd. Organisation, Paris. Médiathèque du canal (SQY).

[v] Blanchard K., Miller M., 2005, Comment développer son leadership : 6 préceptes pour les managers, éd. Organisation, Paris. Médiathèque du canal (SQY).