Qui est en charge des précarités ? L'Etat ? Les citoyens ? Les associations?

Vendredi 9 mai 2008, pont de la Pentecôte : Les estimations sur le nombre de morts en Birmanie varient entre 70 000 et plus de 100 000.

Une équipe de bénévoles, de salariés et un sans-domicile volontaire distribuent des enveloppes d'appel aux dons à la gare de Versailles Chantiers.

L'accueil rencontré est positif. Les questions et avis fusent :

« De toute façon, on ne peut rien faire. La junte interdit l'entrée des secours »

« J'ai déjà du mal à joindre les deux bouts » dit un père de famille en rangeant son MP3 et son téléphone portable.

« C'est  à l'Etat d'agir, je paye déjà assez d'impôts »

...

Les précarités, les pauvretés sont nombreuses. Les sollicitations le sont aussi.

Mais toutes ces questions ne peuvent rester sans réponses.

Le danger serait de laisser le « cœur », « l'affectif » se préoccuper de ces questions.

Or, la bonne conscience fait des ravages dans le milieu caritatif.

La Raison, le questionnement philosophique a alors toute sa place.

1°) L'Etat doit-il être en charge des précarités ?

L'Etat et les collectivités locales sont présents dans la lutte contre les précarités.

Dans le cadre des fonctions régaliennes (maintien de l'ordre, justice, police, monnaie), l'Etat cherche à réduire les injustices.

De nombreuses mesures existent (aides financières, conseils par des agences nationales...)

Pourtant, depuis 1945, le nombre de mesures augmentent et en 2008, les inégalités semblent croître.

Plusieurs questions peuvent se poser dont :

Quels sont les concepts et les options présents, dans les politiques de lutte contre les exclusions ?

2°) Les citoyens doivent- t-ils aussi alors être présents dans ce domaine ?

Ma réponse sera très partielle mais se résumera à une conception de l'homme.

L'individualisme qui consiste à conceptualiser l'homme en opposition au groupe, peut conduire à un rejet de l'intervention dans le domaine d'autrui... "ma liberté s'arrête quand commence celle de l'autre", donc pas d'interventionnisme, pas d'ingérence. Le nombrilisme guette..

. Je reprendrai la définition d'Emmanuel Mounier[1]

« L'individualisme est un système de mœurs, de sentiments, d'idées et d'institutions qui organise l'individu sur ces attitudes d'isolement et de défense » Mounier situe cette théorie au XVIIIème et au XIXème siècle.

Personnellement, je la trouve très présente au XXIème siècle.

En opposition avec cette conception de l'homme, je ferai donc mienne la théorie du personnalisme communautaire qui exprime « que le sujet ne se nourrit pas par autogestation, qu'on ne possède que ce que l'on donne ou ce à quoi l'on se donne »[2]

Je pense que le citoyen doit aussi être en charge des précarités.

3°) La place des associations pose alors plusieurs questions.

Ne se substituent-elles pas à l'Etat ? Aux citoyens ?

a)      Association et Etat

Les rôles sont complémentaires.

Pour une association comme le Secours Catholique, il est fondamental de ne pas remplir les mêmes missions que celles assumées par l'Etat.

Exemple : Pour une aide financière, une commission de bénévoles va d'abord examiner si la personne bénéficiaire a eu les aides publiques, auxquelles elle a droit.

Elle va ensuite examiner le bien-fondé de la demande.

Quand un dysfonctionnement apparaît, quand les aides publiques ne fonctionnent pas, l'usager se sent noyé par les procédures.

Le bénévole ne remplace par alors l'Etat, mais dans le cadre de l'action institutionnelle, il remonte la situation et accompagne l'usager.

Notre rôle est alors d'agir sur les causes de la pauvreté avec les personnes qui la subissent.

b)      Association et citoyen

Les associations n'ont pas le monopole de l'action. Il est indispensable que les citoyens agissent là où ils sont et qu'ils n'attendent pas tout d'une structure qui agirait à leur place.

Le Secours Catholique est une association de bénévoles. Dans les Yvelines, elle regroupe 14 salariés, 1900 bénévoles et environ 15000 donateurs actifs.

L'association permet de mutualiser, d'échanger et d'organiser.

La formation des bénévoles est un exemple de ce qu'une association offre à ses membres pour mieux agir au quotidien.

Conclusions :

Je réponds donc affirmativement aux trois questions posées. Mais il manque un acteur majeur dans la lutte contre les pauvretés. Les pauvres eux-mêmes.

Nous sommes en charge des pauvretés si nous agissons avec les personnes.

L'assistanat, le ‘faire pour' ne suffisent pas.

La rencontre avec les personnes cassées, humiliées, diminuées, permet de mieux connaître les hommes, l'Homme, l'humanité.

‘Faire pour' n'est pas suffisant car il ne reconnaît pas la personne dans le pauvre.

Vivre avec, faire avec les personnes en précarités permet de devenir soi-même plus humain.

Je concluerai avec une nouvelle citation de Mounier

« traiter [autrui] comme un sujet, comme un être présent, c'est reconnaître que je ne peux le définir, le classer, qu'il est inépuisable, gonflé d'espoirs, et qu'il dispose seul de ces espoirs : c'est lui faire crédit. Désespérer de quelqu'un, c'est le désespérer. Le crédit de la générosité, au contraire, est fécond à l'infini. »[3]


[1] E. Mounier Le personnalisme Coll Que sais-je, P.U.F. 1962, p 37

[2] Id. p 39

[3] Id, p 41

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