Vers une grave crise alimentaire mondiale au milieu du XXIème siècle ?

Pour l’Organisation des Nation Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), la production agricole mondiale doit augmenter de 70% d’ici 2050. Car la population devrait passer de 7 à 9 milliards d’habitants, près de 1 milliard de personnes sont encore sous-alimentées et la consommation de viande devrait continuer de croître.

Quels sont les moyens dont nous disposons pour atteindre cet objectif ?

Ils sont au nombre de 4 :

NB : malheureusement toutes les autres solutions sont soit de fausses solutions, soit marginales.

Depuis un demi-siècle, l’augmentation des surfaces cultivées est régulière mais limitée (environ +0,5% par an). La FAO ne croit pas à un changement spectaculaire dans ce domaine. Car l’urbanisation et la dégradation des sols consomment beaucoup de terres agricoles. On peut donc estimer que l’augmentation de la production permise par les nouveaux défrichements s’élèvera à 8 à 9 % d’ici 2050. C’est significatif mais modeste.

Les équipements d’irrigation permettent une importante augmentation de la production. On a réalisé beaucoup d’investissements au cours de la seconde moitié du 20ème siècle. Depuis lors, le rythme s’est réduit car les meilleurs sites sont déjà aménagés, le coût des grands barrages est très élevé et les contraintes environnementales de plus en plus souvent prises en considération. On peut donc estimer que ce rythme modéré se poursuivra jusqu’au milieu du 21ème siècle, ce qui devrait assurer environ 8,5% d’augmentation de la production agricole.

La pêche et l’aquaculture ont également connu un essor remarquable depuis quelques décennies et ont contribué à apporter une alimentation azotée à de nombreuses populations. Mais la surpêche menace et d’ailleurs, depuis une dizaine d’années, les captures commencent à baisser. Cette baisse va se poursuivre. Certes, l’aquaculture a pris le relais (notamment dans le sud-est asiatique) et ce développement va se poursuivre. Elle compensera donc facilement la réduction de la pêche et contribuera peut être à raison de 3% à l’accroissement de la production agricole.

Il reste que l’augmentation des rendements des cultures sera toujours et comme par le passé, le principal facteur de l’accroissement de la production agricole au cours des prochaines décennies. Car elle devra assumer environ 50 des 70% nécessaires pour nourrir correctement les hommes en 2050.

Est-ce possible ?

Oui, si les rendements continuent de croître comme depuis un demi siècle.

Or les agronomes constatent que depuis 10 ou 15 ans, cette croissance n’est plus aussi rapide que par le passé, au moins pour certaines productions,. C’est le cas du blé, de l’orge, du riz ou du colza. Bien plus, en France, en Allemagne et en Grande Bretagne, les rendements de blé stagnent depuis 15 ans. De même, en Chine ou en Inde, les rendements de ces céréales augmentent encore mais plus lentement qu’à la fin du 20ème siècle.

En revanche, les rendements du maïs ou du soja continuent d’augmenter, notamment en Amérique du Nord et du Sud. Toutefois en France, un certain tassement est tout de même observé pour le maïs.

Pourquoi ce fléchissement ?

Les réponses sont multiples : les changements climatiques en sont, semble-t-il, la principale cause. On peut aussi observer une modification des techniques culturales et peut-être l’approche d’un maximum biologique.

Quelles qu’en soient les causes, si le fléchissement de la croissance des rendements s’étend et s’amplifie, il y a grand danger pour l’alimentation du monde dans le futur. Ce sont évidemment les populations les plus démunies qui seraient les plus touchées. Mais de multiples conséquences économiques, sociologiques et financières sont également à prévoir.

Peut-on lutter contre ce phénomène ?

Bien sûr. La recherche agronomique doit se mobiliser partout dans le monde et très vite car la mise au point de nouvelles variétés demande beaucoup de temps. Elle a aussi besoin de moyens budgétaires plus importants. De leur côté, les gouvernements doivent modifier leurs politiques agricoles notamment en faveur de la petite paysannerie qui reste majoritaire dans de nombreux pays.

André NEVEU


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Bibliographie sommaire d'André Neveu, membre de l'Académie d'Agriculture:

 Économie de l'agriculture française en Europe : forces et faiblesses, Dunod, 192 p., 1991.

 Les Nouveaux Territoires de l'agriculture française, Uni-Éditions, 171 p., 1993.

 Financer l'agriculture, Charles Léopold Mayer éd., 180 p., 2001.

 Les grandes heures de l'agriculture mondiale, L'Harmattan, 203 p., 2006.

 Agriculture mondiale : un désastre annoncé, Autrement, 204 p., oct.2012.

 

En collaboration :

 Groupe de Bellechasse, L'alimentation du monde et son avenir, L'Harmattan, 114 p., 2009.

 

Voir aussi les textes suivants sur ce blog, en relation avec ce sujet :

Pierre Marsal : Comment nourrir le monde en 2050 ?

Marie-Odile Delcourt et J.J.Vollmer : Restitution du projet QSEC sur l'alimentation :