1. Présentation générale de la "Constitution"
Les Traités antérieurs
Le Traité sur la Communauté du Charbon et de lAcier (1952) Abrogé
Le Traité sur les Communautés Européennes (Traité de Rome : 1957)
Le Traité EURATOM (1957)
Le Traité sur lUnion Européenne (Traité de Maastricht :1992)
Ce dernier fonde lUnion européenne sans supprimer les Communautés européennes, crée leuro et lunion monétaire, étend la coopération à la politique de sécurité commune et à la justice, crée la citoyenneté européenne, renforce les pouvoirs du Parlement.
Après une longue période de coopération exclusivement économique ayant débuté avec la CECA et le Traité de Rome (1957), ces Traités intègrent, depuis 1992 les évolutions plus profondes conduisant progressivement à une plus forte intégration économique et politique apportées par :
- LActe Unique (1986) : suppression des frontières intérieures à partir du 1/1/93
- Le Traité dAmsterdam (1997) : coopération en matière de sécurité
- Le Traité de Nice (2000) : modalités des prises de décision à la majorité qualifiée
Aujourdhui, ces Traités se renvoient les uns aux autres et sempilent de manière peu opérationnelle. En particulier, les modalités de fonctionnement prévues pour 6 pays à lorigine, ont évolué de manière insuffisante pour permettre une gestion optimale dune Europe de 25 pays.
Les objectifs du nouveau Traité
Le « Traité établissant une Constitution pour lEurope » a pour objectifs principaux :
- de jeter les bases dune Europe politique en la dotant dune Constitution,
- de simplifier les textes en condensant dans un seul document lessentiel des Traités en vigueur aujourdhui,
- de donner plus de valeur juridique à la Charte des Droits fondamentaux
Structure du Traité
Il se compose de quatre parties et dannexes.
Partie I et IV :
Texte constitutionnel proprement dit (Valeurs, objectifs, compétences, institutions de lUnion, et modalités de révision)
Partie II :
Charte des droits fondamentaux
Partie III, annexes et protocoles
Reprise du contenu des Traités en vigueur ; détail des institutions créées et décrites en Partie I
Au total, il y a 448 articles, 2 annexes et 36 protocoles, lensemble faisant 852 pages.
Les nouveautés du contenu
Outre laffirmation ou la reprise de principes fondamentaux et de valeurs qui unissent les citoyens de lEurope, le texte des parties I et IV contiennent des innovations de nature politique, en particulier :
- lattribution de la personnalité juridique à lUnion Européenne ;
- linstitution dun Président européen élu pour deux ans et demi, en lieu et place des présidences tournantes de six mois par chaque pays ;
- la nomination dun Ministre des Affaires Etrangères de lEurope, parlant dune voix unique sur le plan international, chargé de la politique étrangère et de sécurité commune ;
- l'augmentation des pouvoirs attribués au Parlement Européen et la simplification du schéma institutionnel ;
- lintégration de la charte des droits fondamentaux dans la Constitution ;
- le droit de pétition dinitiative populaire par un million de citoyens appartenant à un nombre significatif de pays membres, pour inciter la Commission à légiférer sur un point donné ;
Les compétences respectives
Compétences exclusives de lUnion :
- union douanière ;
- règles de concurrence nécessaires pour le fonctionnement du marché intérieur ;
- politique monétaire ;
- politique commerciale commune ;
- pêche et ressources halieutiques
Dans ces domaines, la loi européenne prime le droit des Etats membres.
Compétences partagées entre lUnion et les Etats membres :
13 domaines sont concernés, dont la politique sociale, lagriculture, les transports, lénergie, la recherche, laide humanitaire, lenvironnement, la santé,
Les Etats exercent leur compétence dans la mesure où lUnion na pas exercé la sienne ou a décidé de cesser de lexercer.
Compétences dappui
Les Etats sont responsables de la législation, et lUnion peut prendre des mesures pour lappuyer ou la compléter.
Ceci concerne notamment la protection de la santé, la culture, le tourisme, lindustrie, léducation, la protection civile
Les institutions
Le Parlement Européen : 750 députés élus au suffrage universel. Il na pas encore le statut dune assemblée législative comme notre Assemblée Nationale, mais la co-décision entre Parlement et Conseil devient désormais la règle habituelle ;
Le Conseil Européen : doté dun Président élu en son sein, il réunit les 25 chefs détat ou de gouvernement. Son rôle est analogue à celui dun Président de la République ;
Le Conseil des Ministres : se réunit en différentes formations (finances, affaires étrangères, etc). Cest la seule instance qui nait pas déquivalent dans les Etats.
La Commission Européenne, analogue au gouvernement dun pays ;
La Cour de Justice européenne, analogue à la haute cour de justice et au conseil constitutionnel en France.
On peut y ajouter les institutions existantes non modifiées : La Banque Centrale Européenne, la Cour des Comptes, et les Chambres consultatives : Conseil Economique et Social, Conseil des Régions.
La révision de la Constitution
Trois possibilités :
La procédure « ordinaire » sapplique aux modifications fondamentales. Elle est complexe et exige lunanimité des 25 Etats membres ;
La procédure simplifiée concerne la Partie III pour décider de passer de lunanimité à la majorité qualifiée dans un domaine déterminé ;
La procédure simplifiée concernant les politiques et actions internes de lUnion sapplique aussi à la Partie III. Il sagit ici de modifier plus aisément ce qui, dans le texte, provient des anciens traités.
2. Les arguments pour le OUI
Quelques éclaircissements nécessaires
On nous demande de voter sur un texte volumineux, dont la partie III, protocoles et annexes représentent 90%. Or, ces 90% sont des textes en vigueur représentant lacquis de lUnion Européenne depuis 50 ans.
La question qui est posée porte donc de facto uniquement sur ce qui est nouveau, c'est-à-dire sur les parties I, II et IV soit 58 pages et 126 articles, non sur 850 pages.
Ces trois parties forment bien lossature dune « vraie » constitution, qui se compose classiquement, comme la Constitution française ou celle des USA, de :
- un Préambule, énonçant les valeurs fondamentales de notre société (articles I-1 à I-4 et Charte des droits fondamentaux Partie II)
- la description des institutions et leur fonctionnement (Partie I)
- la procédure de révision (Partie IV)
Le texte peut sembler lourd et insuffisant. Il ne faut pas oublier quil résulte dun compromis trouvé entre des pays qui nont pas tous la même vision des choses.
Une Constitution est un outil pour les institutions qui doivent légiférer. Elle doit permettre à un gouvernement de gauche de faire une politique de gauche, et à un gouvernement de droite de faire une politique de droite, ce qui est bien le cas.
Les avancées du Traité Constitutionnel
Toutes les innovations énoncées précédemment vont dans le sens dune intégration européenne maîtrisée, vers « plus dEurope », en progressant à petits pas :
- Avec la personnalité juridique, un Président élu pour deux ans et demi, un Ministre des Affaires Etrangères, lEurope pourra enfin jouer un rôle à la hauteur de sa puissance sur le plan international, et éviter les cacophonies récentes telles que notre implication en Irak ou laide humanitaire lors du tsunami ;
- 95% des lois devront être désormais approuvées à la fois par le Parlement et le Conseil, ce qui va vers plus de démocratie en accentuant le rôle décisionnel de la seule institution élue au suffrage universel ;
- La Charte des droits fondamentaux, inscrite dans la Constitution, acquiert ainsi une valeur juridique et vient compléter la Déclaration européenne des droits de lhomme de 1950 pour garantir aux citoyens européens plus de justice vis-à-vis des lois des Etats et de lEurope ;
- Sur le plan social, la Constitution exprime comme un objectif :
« une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et damélioration de la qualité de lenvironnement. Elle combat lexclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, légalité entre les hommes et les femmes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de lenfant ».
Il faut rappeler que depuis le Traité de Rome, cet objectif se réduisait à la libre concurrence et au jeu des forces du marché, sans aucune allusion aux avancées sociales. En ce sens, la Constitution est beaucoup moins libérale et beaucoup plus sociale que les Traités actuellement en vigueur ;
- Sauf dans les domaines dintérêt commun où les compétences de lUnion sont exclusives, le droit des Etats reste inchangé. En particulier, tout ce qui touche à la protection sociale, au droit du travail, au droit de grève, ne sera pas affecté par la Constitution, car restant du ressort des Etats.
Que se passera t-il après le 29 mai ?
Si la France vote OUI :
Il faudra attendre que tous les pays aient ratifié le Traité constitutionnel.
Si tous les pays ont voté OUI, le Traité entrera en vigueur, et lEurope pourra prendre un nouveau départ avec toutes les améliorations décrites ci-dessus.
Si un seul autre pays vote NON, on est dans le même cas que si la France vote NON.
Si la France vote NON (ou si un seul pays vote NON) :
La Constitution nest pas acceptée, et lEurope continue à fonctionner avec les Traités en vigueur, cest à dire difficilement avec les règles de prise de décisions du Traité de Nice qui favorisent les blocages puisquil faut lunanimité presque partout et quà 25 cest plus difficile quà 15.
De plus, il ny a pas de démarrage de lEurope politique, qui reste cantonnée aux domaines économiques et commerciaux avec une doctrine libérale dure et généralisée.
Les faux problèmes et les erreurs
Lentrée ou non de la Turquie dans lUnion Européenne na aucun rapport avec la Constitution. En effet, les discussions concernant son éventuelle adhésion ont commencé et se poursuivront quel que soit le résultat du referendum.
Au contraire, deux garanties sont données au citoyen :
- la Constitution Européenne exige un vote à lunanimité pour toute nouvelle adhésion ;
- la Constitution française a été modifiée, et toute nouvelle adhésion sera soumise à référendum le moment venu
De même, le projet de directive « Bolkestein » sur la libéralisation des services, ne pourra plus être proposée dans les mêmes termes : si la Constitution est acceptée, larticle III-145 linterdira.
Enfin, croire qu'en disant NON on obtiendra la renégociation de la Constitution dans un sens plus social est une erreur : s'il y a renégociation, elle a toutes les chances d'aller vers plus de libéralisme et moins de social.
En conclusion
Prenons les avancées sociales et politiques de ce projet, plutôt que d'espérer que le seul Non de la France dans une Europe à 25 fera plier tous les gouvernements légitimes et les obligera à revoir leur copie.
Le référendum ne nous demande pas si nous voulons une autre Europe, encore plus juste, plus sociale, moins libérale, mais nous pose cette unique question : voulez-vous rester avec les traités de Maastricht, Amsterdam et Nice, ou voulez-vous une constitution qui apporte (un peu) de social et de cohésion, et plus de démocratie en Europe ?
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