Dernièrement dans un magazine économique, jai lu que 72% des Américains travaillent lorsquils sont malades. Croyez-vous vraiment que cela enchante les entreprises américaines davoir des travailleurs malades qui ne sont guère productifs. Daprès vous pourquoi travaillent-ils sils sont malades, cest principalement parce quils nont pas de couverture sociale mais aussi parce quils ont peur dêtre licenciés. Si vous pensez que les Etats Unis sont le paradis sur terre, il faut voter pour cette constitution. Jai en effet lintime conviction que nous allons doucement mais sûrement vers une société de type américaine.
Toujours est-il que contrairement aux Européens les Américains ne sont pas fous. Dans leur constitution, il ny a pas écrit que le gouvernement na pas le droit dagir sur la politique monétaire, quil na pas le droit dintervenir sur les taux dintérêt, quil na pas le droit de fixer un salaire minimum.
Contrairement aux Européens, les Américains ne se gênent pas pour mener des politiques interventionnistes et protectionnistes.
Or que nous dit larticle 314 « Lunion contribue, dans lintérêt commun, au développement harmonieux du commerce mondial, à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs ainsi quà la réduction des barrières douanière et autres »Alors que le traité de Nice condamnait seulement les barrières douanières.
Cette constitution européenne nest pas une constitution, cest un programme politique. Est-ce que vous accepteriez que la constitution de la France fige létat actuel du code du travail, du code du commerce, du système fiscal et du système social. Aucun citoyen même de droite sil est démocrate ne peut accepter une constitution figée pour je ne sais combien de décennies. Car cest là lautre scandale cette constitution nest pratiquement pas révisable. Pour les libéraux ce traité doit être le dernier. Ils ont effectivement obtenu ce quils souhaitaient : un grand marché sans aucune puissance politique.
Certains à gauche ont confondu la fin et les moyens. LEurope nest pas une fin en soi. On nous dit que cette constitution ne comporte pas de recul par rapport aux traités antérieurs, cest faux. Pour la première fois dans les textes on inscrit comme objectif « la concurrence libre et non faussée ». Si vous demandez à quelquun ce quil a comme objectif dans la vie, il vous répondra quil veut être heureux, quil veut être en bonne santé, quil veut être à labri du besoin mais il ne vous dira certainement pas que son objectif est dêtre en concurrence avec ses concitoyens. Cet objectif de concurrence libre et non faussée est le seul pour lequel les politiques économiques et sociales doivent sappliquer dans le respect de ce principe. Pour tous les autres beaux objectifs quon a mis, les politiques ne sappliquent pas dans le respect de ces objectifs. Nous voyons bien que le marché devient une fin en soi. Au profit de qui ?
La caricature du libre marché se trouve dans larticle (III-131). Le primat de la libre concurrence est tellement absolu que : Les États membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché intérieur ne soit affecté par les mesures quun État membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant lordre public, en cas de guerre ou de tensions internationales graves constituant une menace de guerre... ! ! (III-131)
Certains voudraient nous faire croire quil y a du social dans cette constitution. Tous les garde-fous ont été mis en place pour empêcher toute avancée sociale. Ici, la politique sociale est subordonnée à « la nécessité de maintenir la compétitivité de léconomie de lUnion » (art. III-209). Là, elle doit éviter « dimposer des contraintes administratives, financières et juridiques » aux PME (art. III-210 § 2b).
Les articles pour appuyer cette politique néolibérale ne manquent pas. Cest par exemple le cas de larticle III 137 qui prépare les délocalisations de demain dans une Europe à 25 :« Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la liberté détablissement des ressortissants dun Etat membre sur le territoire dun autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction sétend également aux restrictions à la création dagences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants dun Etat membre établis sur le territoire dun Etat membre »
Plus loin nous trouvons larticle III 148 qui fixe comme horizon indépassable la libéralisation totale des services, commerciaux ou publics, sous lil attentif de la Commission : « Les Etats membres sefforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi cadre européenne en application de larticle III 147, paragraphe 1, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent. La Commission adresse aux Etats membres intéressés des recommandations à cet effet »
Il faut rappeler quel était le projet de lUnion européenne, cétait plus jamais la guerre entre pays européens. On devait utiliser léconomie et la coopération économique pour empêcher les guerres, pour aller vers lunion politique, pour imposer un modèle social européen. Est-ce que cette constitution nous permet daller vers ce projet ; car il y avait un autre projet, celui des Anglo-saxons qui ne voient dans lEurope quun espace de libre concurrence.
Ce traité consacre la victoire de ceux qui ne voient dans lEurope quun espace de guerre économique et de libre échange. Il ny a rien dans ce traité qui permet de sopposer au primat du principe de libre concurrence. Il ny a rien dans ce traité qui permette lharmonisation sociale par le haut et qui permet déviter le dumping social. Il ny a aucune avancée des droits sociaux. Ils sont seulement reconnus de manière formelle. Ils ne peuvent pas sappliquer au niveau national. <o:p></o:p>
Avec cette constitution, le citoyen naura plus les moyens dorienter les politiques européennes. Admettons que nous ayons un gouvernement de gauche en France et une majorité de gouvernements de gauche en Europe. Ces gouvernements veulent parce que cest leur projet progressiste, procéder à une harmonisation sociale par le haut pour éviter le dumping social. Larticle 3.210 dit quen la matière on peut faire tout ce que lon veut à lexclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres.
Lun des arguments des défenseurs du Oui, cest cette fameuse charte qui constitue la partie II de la constitution.
Cette Charte des Droits, cest de la poudre aux yeux, car:
1. elle n'engage pas l'union (article II-111.2) et ne modifie pas " les compétences et tâches définies dans les autres parties de la Constitution" (donc la partie 3).
2. Elle n'engage les Etats que lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (article II-111.1)
3. Elle doit respecter les législations nationales, alors que la partie 3 est imposée à tout le monde, donc l'ultra libéralisme.
4. Son invocation devant le juge " nest admise que pour le contrôle et la légalité " des actes législatifs. Ce n'est donc pas un droit garanti en toute occasion.
5. D'après l'article I-9.2 l'Union adhère à la convention des Droits de l'homme, mais "cette adhésion ne modifie pas les compétences de l'Union telles qu'elles sont définies dans la constitution". Donc la partie III par exemple ...
6. Citons Giscard : "Les droits fondamentaux tels qu'ils sont garantis dans l'Union ne produisent d'effet que dans le cadre de ses compétences déterminées par les parties I et III de la constitution." Cette interprétation doit être "dûment prise en compte" par la constitution, d'après l'article II-112 paragraphe 7.
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