Le résultat justifie t-il l'acte ?

Est juste ce qui est conforme au droit et à la justice. (définition du Petit Larousse).

L'’acte est, en terme de droit, la manifestation de la volonté d’un individu et il est important qu’elle ne soit pas contrainte par violence ni manipulée par tromperie.

Justifier un acte c’est en démontrer son bien-fondé, son caractère légitime ou nécessaire.

La justification d'’un acte (l’explication des raisons qui nous ont poussés à agir) permet de se justifier mais aussi de s’en dédouaner ou de dégager sa responsabilité.

Pour un sophiste*, la vérité réside dans l’efficacité. Est vrai ce qui parvient à ses fins et produit l’effet escompté. Est faux tout ce qui manque son but. En gros : «Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse ! » ou : tout est bon pour arriver au résultat souhaité…

Si l’on suit ce raisonnement, où se situent alors la morale et la légalité ?

Ainsi, on a torturé afin d’obtenir des informations, on a menti au peuple pour accéder au pouvoir et dénoncé son voisin contre rétribution !

Faut-il utiliser tous les moyens possibles pour aboutir à concrétiser les actes que nous pensons être justes ? (en outre, pouvons-nous définir exactement ce qu’est un acte juste à nos yeux ?).

Toute notre vie, nous serons confrontés à des choix, parfois cornéliens, nous aurons des décisions capitales à prendre, des chemins hasardeux à suivre… Les actes que nous devrons effectuer tout au long de notre existence le seront dans une optique précise, reconnue par nous seuls, nous conduisant vers les objectifs que nous nous serons fixés.

N’oublions pas cependant que nous aurons toujours à répondre de nos actes, que ce soit devant nos proches, la justice et les lois de notre pays, notre communauté ou devant Dieu pour certains.

La justification que nous donnons à notre action doit-elle primer sur l’acte lui-même et les moyens mis en place pour sa réalisation ?

Pour madame Imbert, le plus important n’a pas été de donner la mort à son enfant mais le « pourquoi » de cet acte (hors-la-loi jusqu’à présent). Elle doit justifier son action aujourd’hui devant la société qui lui demande des comptes mais elle dit être en paix avec elle-même car, par amour, elle a réussi à faire ce que son fils lui réclamait.

Dans « La condition humaine » de Malraux, Kyo comparaît devant König qui veut absolument lui faire perdre sa dignité en ne lui laissant le choix qu’entre trahir ses camarades ou être livré à la torture. Il prend alors une troisième option, celle du suicide en avalant du cyanure. La conséquence de son acte en est la mort et ce qui justifie sa décision c’est qu’il a agi en fonction de ce qu’exigeait sa conscience : il est resté  « propre ». D’aucuns diront pourtant qu’il a manqué de courage quand on découvre ce qu’a fait son ami Katow….

Pour arriver au but désiré, les actes que nous accomplissons ne doivent pas être contraires à notre éthique personnelle… sinon pouvons-nous encore être respectables ?

Cependant, rappelez-vous l’histoire de cet avion qui s’est écrasé dans la Cordillières des Andes. Il transportait une équipe de rugbymen argentins. Pour survivre, les rescapés durent se résoudre à manger leurs amis décédés dans le crash. Certes, le cannibalisme reste toujours considéré comme un acte de barbarie et pourtant c’est ce qui a permis à ces hommes, perdus dans un environnement hostile, de ne pas mourir. Ici, pas de justifications à proprement parler, car, dans ce cas précis, nécessité fait loi (quoique nombreux sont ceux qui n’auraient pu aller jusqu’à cette transgression ultime pour sauver leur peau).

Dans une situation extrême, je pense que les tabous peuvent disparaître pour ne privilégier que l’essentiel : l’instinct de survie, le prix à payer en étant le renoncement à nos valeurs profondes et c’est loin d’être négligeable pour beaucoup d’entre nous.

Comme pour Kyo, ces hommes n’ont eu que deux choix possibles : mourir lentement ou devenir anthropophages. Ils ont pu manger de la chair humaine car leur désir de vivre  a pris le pas sur leur éthique personnelle, la morale et les lois. Reste à savoir comment ils ont, depuis, intégré cet acte dans leur conscience en dehors du contexte dramatique.

Durant la seconde guerre mondiale, nombre de résistants ont sacrifié leur vie pour sortir le pays de la tyrannie nazie tandis que d’autres collaboraient sans vergogne.

In fine, l’objectif à atteindre (libérer la patrie) a exigé l’appel à la conscience et à la volonté personnelle de ces combattants dont les actes courageux ont fait d’eux des héros qui ne se sont pas compromis. Ils ont été au bout de leurs  convictions intimes en payant le prix du sang. C’est d’ailleurs ce qui leur confère ce caractère héroïque.

Sans dimension morale et en dehors du cadre de la loi (quand la loi est juste et non arbitraire), aucun acte ne peut trouver de justification.

Les actes monstrueux du 20e siècle ont vu le jour avec la collaboration d’individus qui se sont contentèrent d’appliquer à la lettre, et sans aucun état d’âme, les lois iniques du nazisme, du fascisme ou du franquisme. Ils puisaient leurs justifications dans des politiques dévoyées qui ont vécu de l’extermination de leurs semblables à des fins hégémoniques.

Par contre, un gouvernement peut se trouver dans l’obligation de commettre des actes qui sont généralement considérés comme des crimes afin d’assurer la survie du pays et celle de la loi dont il est responsable. Ce sont les raisons invoquées pour justifier la guerre. La raison d’état fait appel à la nécessité et les crimes commis en son nom (pleinement criminels en regard du système juridique en vigueur) le sont au titre de mesures d’exception, les actes d’état n’étant pas soumis aux mêmes règles que ceux des citoyens de cet état.

Nous pouvons, hélas, constater que ce siècle qui commence n’en a pas fini avec les atrocités et leurs justifications aberrantes…

Gardons à l’esprit que même le droit ne doit pas pouvoir nous obliger quand la morale nous retient, le pire des jugements étant celui que l’on porte sur soi-même.                                                                                           

                                                                                              DANY

* Pour un sophiste, si l’on ne peut connaître le vrai et le bien, il n’y a rien de juste ni d’injuste en soi : tout se réduit à l’utile. Il n’y a pas de connaissance plus vraie qu’une autre, il s’agit seulement de savoir ce qui vaut le mieux.

 

Justification du titre de mon exposé (suite aux questions de certains d’entre-vous)

Pourquoi je n’ai pas choisi d’intituler mon sujet : « La fin justifie-t-elle les moyens ? »

Dans le mot « acte », que je préfère, il y a l’implication obligatoire de la volonté de l’individu.

Cette notion n’apparaît pas dans la définition de « moyens ». Seule la finalité des moyens aboutit à l’acte.

Quant au mot « résultat », il signifie ce qui arrive ou se produit à la suite d’une action et les conséquences qui en découlent.

« La fin », dans le sens qui nous intéresse ici, c’est ce vers quoi tend le déroulement d’une action, sa conclusion, son dénouement. La notion de « conséquences » n’est pas mise en évidence comme elle l’est dans la définition du mot « résultat ».

Or, ce qui est le plus important, ce sont les conséquences de nos actes. C’est ce sur quoi nous devrions nous interroger avant d’agir car c’est ce dont nous aurons à nous justifier.

                                                           DANY

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