Tentative de définitions
Damasio distingue plusieurs niveaux dans le savoir-faire d’un organisme vivant, dont l’objectif premier est de rester en vie:
· Le plus élémentaire est le comportement, qui paraît intelligent et finalisé : souvent il ne dépend pas d’un cerveau mais se gère de façon automatique au niveau de chaque cellule (homéostasie). La gouvernance d’un organisme multicellulaire est hautement décentralisée.[…]La vie d’un organisme humain isolé repose sur une multitude de vies simultanées et bien articulées entre elles.
· L’esprit est l’ensemble des processus produits par le cerveau. Le film incessant et involontaire de nos pensées en est l’un des produits qui émerge à la conscience. L’essentiel du travail de l’esprit nous est inaccessible, il se passe hors de notre conscience.
· La conscience est la connaissance du processus mental et ce qui en résulte. Elle permet la délibération et la prise de décision, et les créations culturelles.
Au cours de l’évolution, le cerveau n’arrive que lorsque l’organisme est déjà très compliqué, pour mettre un peu de cohésion dans cette mécanique décentralisée de l’homéostasie. Une idée fondamentale est que l’esprit puis la conscience ont eu pour raison d’être au cours de l’évolution de servir le corps pour l’aider dans cette tâche de survie qui devenait de plus en plus complexe pour des organismes évolués.
« Les neurones peuvent envoyer des signaux qui influencent [les autres cellules] et ainsi changer ce qu’elles effectuent. […] les neurones existent au bénéfice de toutes les autres cellules du corps […].Ils assistent le corps multicellulaire pour qu’il puisse gérer sa vie. […] En résumé, les neurones portent sur le corps ». « La communication corps-cerveau est aller et retour : elle va du corps au cerveau et du cerveau au corps ».
Il s’en suit plusieurs conséquences :
· Le cerveau recueille une multitude de signaux venant de tous les points du corps [et aussi de l’extérieur à travers les sens] et y répond. (bidirectionnel). Nous n’avons pas d’autre source d’information.
· Nous ne pouvons pas nous passer des émotions pour communiquer avec le corps. Les émotions de base sont : joie, tristesse, peur et colère. On peut y ajouter : dégoût, surprise, mépris... et d’autres
· la conscience ne constitue qu’une très petite fraction du fonctionnement du cerveau. Le pilote est pour une grande part automatique. C’est l’immensité de l’inconscient. « Avant la conscience, la régulation de la vie était entièrement automatisée ; après, elle le reste, mais elle développe petit à petit un potentiel de délibération de plus en plus grand ».
Information matérielle du corps émotions pensées
« Le contrôle non conscient peut en partie être façonné par le contrôle conscient ». C’est le rôle de l’éducation et de tout apprentissage. La question est : comment pouvons-nous prendre la main ? 2 réponses (non-exhaustif)
Le placebo est un pseudo-médicament ou -traitement appliqué en double aveugle. Son effet, estimé à 10 à 40% selon le type de maladie, n’est pas imaginaire : la production de substances chimiques (endorphines, dopamine, etc.) a été démontrée par biochimie et imagerie cérébrale, ce qui explique la réduction de la douleur ressentie et fait dire à un médecin : « Le placebo est un médicament ! »(C. Brefel-Courbon) Selon J.J. Aulas : « L’effet placebo intervient toujours, il est surtout efficace pour soigner les troubles subjectifs tels que la douleur, l’anxiété, la dépression, etc. ». « Une dose standard de morphine améliore de plus de moitié la douleur ressentie chez 75% des patients. Eh bien un placebo de morphine administré dans les mêmes conditions fait aussi bien chez 56% des patients ! »
Selon T. Janssen, l’effet placebo peut influencer la pression sanguine, diminuer les œdèmes, réduire l’acidité gastrique, baisser le taux de cholestérol, modifier le nombre de globules rouges ou blancs, et même améliorer l’activité cardiaque enregistrée par électrocardiogramme…
On sait donc à peu près comment fonctionne cet effet. Mais dans quelles circonstances est-il le plus favorable? C’est « l’espoir qui engendre la pensée que l’on va guérir associée à la décision de suivre un traitement » (M.Ricard) et aussi la même attitude de la part du médecin qui contribue à cet espoir. « Si la peur exerce une influence négative sur la santé [il existe même un effet nocebo], l’optimisme est en revanche très bénéfique. [.. .] Indéniablement, une approche positive de la vie prépare un futur positif. Le médecin, par l’attention qu’il porte à son malade, les termes qu’il emploie, les explications qu’il donne… y contribue fortement.
Tentative de définition actuelle de ce terme
Ce qu’on entend aujourd’hui par méditation recouvre une multitude de pratiques dans lesquelles il n’est pas simple de se retrouver. Nombre d’entre elles sont d’origine asiatique mais toutes les traditions religieuses, les sagesses aussi, ont une expérience dans ce domaine. Il s’agit d’« explorer l’esprit, explorer les mécanismes intérieurs du bonheur et de la souffrance » (M. Ricard). L’objectif est d’acquérir un certain contrôle sur son propre esprit en le disciplinant à force de concentration, accompagné d’une discipline éthique. « Le corps se sert du repos profond que lui offre la méditation comme d’une autorisation pour évacuer ce qui n’a aucune raison de rester stocké dans notre système nerveux ou dans nos muscles » (matériau refoulé, anciens traumas émotionnels, motivations négatives, addictions,…).
Dans la tradition chrétienne, la méditation a pour objectif d’entrer en relation avec Dieu, et dans toutes les religions d’accéder au monde spirituel par la contemplation. Ce qui est largement proposé aujourd’hui est très différent et consiste plutôt à cultiver d’abord un bien-être personnel, puis par voie de conséquence un bien-être social à travers la bienveillance, l’altruisme et l’éthique, éventuellement un bien-être spirituel à travers une dimension contemplative, l’ensemble constituant une recherche du bonheur.
La forme la plus répandue aujourd’hui est la méditation en pleine conscience, qui repose sur quatre piliers tous nécessaires : l’attention au corps et à ses messages ; l’attention aux sentiments (agréables, désagréables, neutres) comme la vulnérabilité, le chagrin, la colère, la peur,… ; l’attention au processus mental (discours cognitif que génère l’esprit : le film qui se déroule) ; l’attention aux lois et principes de l’expérience.
Son impact sur le cerveau commence à être mesurable à travers de vraies expériences scientifiques. Elles révèlent un potentiel de changement.
Quelles observations sur le cerveau pendant la méditation ?
1. Activité oscillatoire particulière (synchronie des ondes) au sein du cortex cérébral.
2. IRM pendant la méditation : les zones activées typiques sont liées à l’empathie
3. Activité de l’amygdale abaissée.
4. Réactions du système endocrinien. Meilleur taux de cortisol
5. Perception, vigilance améliorées
Quelles observations sur la relation méditation/santé ?
On observe des effets importants et mesurables sur 1) la souffrance qui est atténuée ; 2) la dépression ; 3) les maladies cardio-vasculaires et immunitaires liées au stress (responsable de près de 40% du risque d’infarctus).
« Nous avons appris que les émotions destructrices telles que la colère, la peur, les chocs et le chagrin, ainsi que diverses formes de stress, pouvaient toutes altérer non seulement l’esprit mais aussi le corps et le cerveau. Nous avons appris que l’entraînement mental pouvait y remédier ».
le 12/12/15 Marie-Odile DELCOURT
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Sources :
Thierry Janssen. La solution intérieure. Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit. Arthème Fayard.2006.
Antonio Damasio. L’Autre moi-même. Odile Jacob 2012.
Jon Kabat-Zinn & Richard Davidson. L’esprit est son propre médecin. Les Arènes. 2014. Mind and Life, rencontre entre méditation (bouddhiste, chrétienne ou autre) et science (médecine, neurosciences) depuis 1987,
Vidéo Christophe André Méditer aujourd’hui 1h40 https://www.youtube.com/watch?v=nOtsYVniGR8
Articles sur l’effet placebo La Recherche + Jean Jacques Aulas + diaporama Christine Brefel-Courbon
Matthieu Ricard. Plaidoyer pour le bonheur. Pocket 2003