La culture pour tous, est-ce une utopie ?

Voici le texte d'introduction du débat du 12 janvier 2008, qui n'était pas disponible avant la réunion.

Quelle que soit la définition que l’on donne de la culture, large ou plus restrictive, demeure toujours l’idée, au coeur de la définition, que la culture fonde une identité et une appartenance au groupe. La question de la démocratisation de la culture, c'est-à-dire de l’accès de tous à ce qui forge l’identité commune, est donc essentielle puisque l’enjeu est celui de l’intégration sociale des individus.

La démocratisation est inscrite dans les missions du ministère des Affaires Culturelles dès  sa création en 1959 par Malraux : « le ministère chargé des affaires culturelles a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France au plus grand nombre possible de Français, d’assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel et de favoriser la création des œuvres d’art et de l’esprit qui l’enrichissent »

 Quel bilan peut-on faire aujourd’hui de ce projet politique d’amener la culture à tous ?  La période incite  plutôt au pessimisme. Le sentiment existe, de plus en plus fortement, d’une fracture culturelle qui ne recoupe d’ailleurs pas complètement la fracture sociale, entre une élite qui a les clefs et la connaissance et une grande partie de la population qui est exclue de cette culture. On peut donc faire le constat d’une forme d’exclusion culturelle.

L’inquiétude est aussi  alimentée par le retour en force du discours, il y a  encore quelques mois, sur les savoirs fondamentaux à l’école qui tend à présenter comme secondaire les pratiques artistiques. 
Malaise aussi entretenu par la manière dont a été traite ce thème au moment de la campagne électorale des présidentielles : très peu de choses dans le programme de Nicolas Sarkozy qui  semble privilégier une vision patrimoniale de la politique culturelle. Des propositions qui étaient  un peu plus développées  en revanche dans le programme de Ségolène Royal sur l’enseignement artistique à l’école. 
Enfin le sort budgétaire réservé au ministère de la culture, inquiète les acteurs culturels. Doit-on conclure à l’échec des politiques culturelles ? La revendication d’une culture pour tous n’est elle qu’une utopie ?
Doit-on conclure à l’échec des politiques culturelles ? La revendication d’une culture pour tous n’est elle qu’une utopie ?

L’intervention de l’Etat dans le domaine culturel est une tradition française que l’on peut faire remonter au moins au  XVII ème siècle et qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Aussi la Troisième République hérite-elle d’un dispositif fortement marqué par les pratiques monarchiques. La Direction des Beaux arts est rattachée au ministère de l’Instruction publique mais les moyens financiers sont très modestes. Ce sont les villes qui jouent un rôle fort puisque les municipalités, au début du siècle, financent  fréquemment musées, bibliothèques, conservatoires et théâtres.

Un tournant décisif est  pris avec le Front Populaire. Trois idées fortes s’imposent alors:  

Le projet de Jean Zay de créer un ministère de la vie culturelle n’aboutit pas et l’expérience au final a été courte (c’est une des raisons de l’échec avec les difficultés économiques) mais ce fut bien le « temps de la prise en compte avant celle de la prise en charge » et s’impose alors, pour la première fois la revendication de l’égalité devant la culture. 

La constitution de 1946, dans son préambule, fait référence à des droits culturels mais  la période de la IVème République est surtout marquée par une absence de volonté politique du Parlement et des budgets pour la culture qui ne dépassent jamais 0,20 % du budget de l’Etat. Seule surnage de cette période l’expérience du Théâtre National Populaire  de Jean Vilar qui demeure un modèle du genre.

Il faut bien attendre 1959 pour parler d’invention de la politique culturelle.

Malraux s’inscrit dans la filiation du Front Populaire même s’il récuse la prise en charge par son ministère, du secteur de Léo Lagrange des loisirs et de la culture populaire. La revendication démocratique est forte  dans la conception que Malraux a de son ministère des Affaires Culturelles. Rappelons cette phrase tirée d’un discours de 1967 « il faut bien admettre qu’un jour on aura fait pour la culture ce que Jules Ferry a fait pour l’instruction publique : la culture sera gratuite ».

Dans les années 70 plusieurs mouvements de fond se dessinent :

La première rupture correspond à « l’ère Lang » même si les politiques menées sont dans la continuité de celles mises en place depuis 1959. La rupture est avant tout quantitative : en 1982 le budget de la culture est multiplié par 2, soit 0,76 % du budget de l’Etat. L’objectif de 1% est fixé, il est presque atteint en 1993. Nouveauté aussi avec une visibilité plus forte des politiques qui passe par des effets d’annonces, une couverture médiatique plus marquée. Ainsi la fête de la musique, la journée du patrimoine… Un autre aspect de cette politique est le volet décentralisation. Enfin la politique de grands travaux s’inscrit, elle, dans la tradition classique des interventions de l’Etat.

Depuis quelques années, les critiques se multiplient à l’encontre des politiques culturelles. Les plus courantes mettent en avant  un soi-disant déclin de la culture et au premier chef de la culture française, lié au tout culturel. Est dénoncé aussi l’Etat culturel qui sert certains artistes et les princes créant coterie et phénomènes de cours. Enfin un autre argument pour illustrer l’échec de la démocratisation culturelle est fourni par les enquêtes qui montrent que 55% des Français ne vont jamais au théâtre, 71% n’écoutent jamais de concerts et 38% ne lisent jamais de livre ou le journal.

Ainsi si tous les acteurs politiques sont d’accord pour tenir le discours que la culture est au coeur de la problématique sociale et du projet politique, en revanche restent des désaccords sur la déclinaison concrète de ce projet.

Questions pour le débat

- Acter l’égalité des genres et des pratiques, mettre tous types de cultures sur le même plan, n’est ce pas une façon de creuser les inégalités de l’accès à la culture ? N’est-ce pas valoriser de fausses cultures ?

- La culture humaniste, classique est elle morte ?

- Quelle est la place aujourd’hui  du spectacle vivant dans une société de l’individu où une offre culturelle incomparable est à disposition de manière immédiate grâce aux nouveaux médias ?

-      Bref quel type d’action culturelle pour la société d’aujourd’hui ? Quels objectifs pour une politique culturelle municipale ?

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