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Depuis, l’apparition de la vie, tous les êtres dotés du pouvoir de croître et de se multiplier sont bien en compétition pour l’accès à des ressources limitées, l’accès à la lumière dans une forêt pour les végétaux, les ressources végétales et animales pour les animaux. Relations de compétition certes, mais surtout relations extrêmement complexes d’interdépendances. Les êtres vivants entretiennent entre eux, depuis les mitochondries incorporées dans les cellules, les insectes pollinisateurs qui coopèrent avec des végétaux, jusqu’aux hommes par l’agriculture, des relations symbiotiques pour former des écosystèmes. Compétition certes, mais surtout interdépendance.
Et nous les hommes dans tout ça ? Comme tous les êtres vivants, nous sommes souvent en compétition entre nous, mais nous sommes surtout étroitement interdépendants les uns des autres pour faire société. La coopération et la transmission, ce sont les qualités essentielles à l’origine de la prééminence de notre espèce sur les autres. Seul, point de salut. La compétition entre les hommes est d’une complexité à la mesure de la complexité de nos sociétés modernes. Ce ne sont pas des individus qui se battent entre eux pour accéder à une ressource, une richesse convoitée, ce sont des groupes d’hommes faisant société, des organisations complexes qui sont en concurrence entre elles, pour conquérir des marchés, des matières premières, des zones d’influence. Le succès du groupe ne se limite pas à la somme des qualités individuelles, mais aussi à la qualité de l’organisation, à la stratégie, au collectif pour reprendre un terme sportif. Ce qui n’exclut surtout pas la compétition entre les individus au sein même de ces organisations pour accéder à des situations de pouvoir de prestige et prétendre à de hautes rémunérations.
La compétition, qu’on le déplore ou non, est omniprésente dans notre vie. L’école organise depuis le CP, voire depuis la maternelle la sélection de ses élites. L’équité dans cette sélection n’est que théorique. Pour preuve le peu de mobilité sociale : seulement 4% des étudiants issus des catégories populaires accèdent aux écoles les plus prestigieuses. Les catégories sociales se reproduisent à quelque chose près d’une génération à une autre. Hormis la courte période des trente glorieuses, parenthèse vite refermée, l’ascenseur social est bloqué. La compétition est omniprésente dans notre vie professionnelle : concours d’entrée dans la fonction publique, recrutement dans le privé, etc.
Pour aller plus loin sur cette question, on peut ajouter que l’égalité est indispensable à une compétition juste et non faussée. En sport les tricheurs, les dopés disqualifient la compétition.
En théorie tout le monde part sur la même ligne à égalité de chances. Mais dans la société l’égalité des chances est plus que théorique, et la concurrence est faussée pour l’accès à certains postes, par le jeu des relations, l’entregent, le copinage, le piston.
Le fameux élitisme républicain n’est-il qu’un leurre ? Certes quelques-uns issus de milieux les plus modestes réussissent à accéder au plus haut niveau. Mais même avec un prix Nobel en poche ils resteront toujours suspects aux yeux de leurs pairs : le mépris de Sartre envers un Camus qui ne faisait pas partie de sa caste. L’héritage culturel transmis par le milieu familial est primordial pour la réussite personnelle, à l’école bien entendu, mais au-delà. Cet héritage culturel c’est aussi la transmission des codes sociaux propres à chaque milieu. C’est surtout l’ouverture d’esprit à tout un champ de possibles, souvent inconcevables dans certains milieux populaires. Faire une prépa, pour des gosses des « quartiers » comme on dit, est tout simplement inimaginable. Faudrait-il qu’ils en connaissent déjà l’existence, avant d’espérer y rentrer?
Les sociétés sans aucune compétition sont des sociétés bloquées et inégalitaires. Des situations acquises, des baronnies, où pouvoir et richesses se transmettent de génération en génération. La stratification sociale, les inégalités se reproduisent à l’identique. La naissance vous cantonne irrémédiablement dans une catégorie sociale, pire encore, dans une caste hermétiquement close dont nul ne peut espérer sortir, sinon croire comme en Inde aux cycles de réincarnations. Dans les régimes totalitaires, ce sont les intrigues de palais, les allégeances envers un puissant qui font ou défont les carrières. Et par un curieux pied de nez de l’histoire, c’est dans ces sociétés à prétentions égalitaires que règne le népotisme le plus affligeant, comme en Corée du Nord.
Qu’entend-on par idéal de compétition et idéal d’égalité ? Le premier idéal serait la réussite des plus méritants, des plus créatifs, des plus audacieux, des plus talentueux pour créer des richesses, au bénéfice de tous à condition qu’elles soient, au moins en partie redistribuées. De l’artiste qui nous lègue une œuvre admirable, à l’entrepreneur qui crée des emplois, et même au politique qui prend les décisions opportunes et courageuses qui éclairent l’avenir, la société y trouve son compte. Mais, entendons-nous bien, on est bien dans l’idéalisation. Quant au sportif qui gagne des compétitions, qui gagne des médailles, mais aussi déchaîne des passions troubles, il ne fait que du spectacle, et ce n’est en rien condamnable. Au niveau de tout un chacun, entrer en compétition contre nos propres limites dans la perspective de notre propre amélioration, permet de gagner en estime de soi, et en reconnaissance des autres, sans que cela nuise à quiconque, bien au contraire. L’idéal d’égalité, signifie-t-il le nivellement des individus, en ni riche ni pauvre, selon un standard commun à tous? Qui désormais pourrait encore le souhaiter après la triste expérience au 20éme siècle des utopies, ô combien généreuses et altruistes du 19ème siècle. Cet idéal d’égalité, ne dissimule-t-il pas aussi, parfois du ressentiment envers celui qui a plus ?
Entre un idéal d’égalité et l’engagement pour réduite ces inégalités il y a un vaste champ d'actions concrètes possibles. L’école est certainement le lieu où les inégalités s’installent dès l’origine et là où toutes actions précoces ont le plus chances d’apporter des améliorations. Mais, même en France, où la formation initiale pèse d’un poids déterminant sur les carrières, plus que dans bien d’autres pays, rien n’est irrémédiablement figé. La formation tout au long de la vie, la reprise des études en cours de carrière, ouvrent des perspectives de changements de situation et permettent d’oser penser que tout est toujours possible. Outre-Rhin, ce système a démontré son efficacité sociale et sa pertinence économique.
- Si l’idéal d’égalité permet de réduire des écarts de richesses considérables souvent injustifiés, et viser les deux extrêmes de l’inégalité : l’opulence démesurée, indécente de certains, et le dénuement absolu d’autres, alors oui cet idéal est conforme aux valeurs humanistes.
- Que l’idéal de compétition vise au dépassement de nos propres limites, à notre amélioration est aussi parfaitement conforme à notre éthique. C’est une compétition où il n’y a que des gagnants.
André HANS
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