Comment mesurer la richesse ?

Le texte ci-après contient des données techniques et des statistiques qui ne seront pas reprises dans l’exposé oral. Elles permettent d’illustrer la complexité du sujet et pourront être utilisées par les intervenants.

 

De quoi est constituée la richesse ?

Les revenus.

Les biens immobiliers, possédés ou disponibles (prêt, location, usufruit)

Le capital mobilier, comptes, placements.

L’environnement physique : air pur, eau de bonne qualité en abondance, cadre agréable (jardins, forêt…), accès facile à de nombreux services publics et privés.

L’environnement social : famille, amis, associations.…

Est-on riche ou pauvre objectivement (mesure à partir de critères) ou subjectivement : il y a toujours plus riche et plus pauvre que soi.

 

A quoi sert la richesse ?

A disposer d’un certain confort de vie.

A satisfaire des envies, luxe, art, voyages…

A épargner pour un investissement futur ou pour assurer sa sécurité.

A conquérir, conserver, accroître son pouvoir sur les autres.

 

Mesures de la richesse

 

LE PIB (Produit intérieur brut),

C'est l'indicateur le plus ancien et le plus utilisé.

Définition.

C’est la mesure de la production de richesses (= biens et services) réalisée en un an sur le territoire national par tous les agents économiques : ménages, entreprises, associations, secteur public. Son évolution sur une période permet de mesurer la croissance économique.

Le PNB (produit national brut) ajoute au PIB les revenus en provenance de l’étranger et en retranche ceux payés aux autres pays. Le PNB est moins souvent cité et utilisé que le PIB.

Chiffres : les données internationales (en dollars) émanent du FMI ; celles de la France (en euros) sont produites par l’INSEE.

Composition du PIB.

Pour l’année 2012, le PIB de la France est évalué à 2 023 milliards d’€ + 603 mds d’importations, soit 2 635 mds d’€. Les emplois du PIB sont les suivants :

Consommation des ménages 1 130 43 %

Administrations publiques 503 19 %

Activités sans but lucratif 43 1,6 %

Formation brute de capital fixe (FBCF) 402 15 %

Exportations 558 21 %

LE PIB par habitant

Le PIB/habitant est la valeur du PIB divisée par le nombre d'habitants d'un pays. Il permet de mesurer le développement d'un pays et, dans une certaine mesure, le niveau de vie de ses habitants. Mais il ignore les inégalités entre les habitants : catégories sociales, hommes et femmes, jeunes et vieux…

Par ailleurs, il ne rend compte qu'imparfaitement du niveau de bien-être de la population ou du degré de réussite d'un pays en matière de développement, car il est incomplet.

Il ne prend pas en compte le travail non rémunéré effectué au sein des ménages ou des communautés (et particulièrement l’autoconsommation – jardins familiaux, animaux de basse-cour…). La production de l'économie sociale et surtout celle de l’économie souterraine (probablement 10 à 15 % du PIB en France contre plus de 20 % en Espagne) ne peuvent être chiffrées et sont l’objet d’évaluations très approximatives.

Par ailleurs, la contribution des services non marchands et notamment des administrations publiques est évaluée d’après leur coût. D’où une distorsion entre un même service rendu par un opérateur privé (facturé au prix de vente) et celui d’un acteur public (seulement son coût).

Evolution du PIB global.

En France, progression annuelle en volume (= à prix constants) :

De 1950 à 1974 : entre 2,9 et 7,1 % par an ; moyenne entre 4 et 5 %. (Les « 30 glorieuses »)

De 1975 à 1990 : de –1,1 (1975) à 4,7 % par an ; moyenne voisine de 3 %.

De 1991 à 2007 : entre –0,7 et + 3,7 % par an, soit en moyenne 1,9 % par an.

Depuis, le PIB français est en baisse (jusqu’à -3,1 en 2009).

Le fort ralentissement de la croissance, puis le début de la décroissance, entraînent chez beaucoup de gens un sentiment de frustration.

Evolution du PIB par habitant

En France, il se situait, en 1980, à 12 865 dollars, soit environ 9 900 €. De 2007 à 2013, il a atteint, en moyenne, 43 000 $, soit 33 000 €. Cela ne signifie pas que le niveau de vie des gens a triplé en trente ans ; il faudrait corriger cette croissance nominale par la hausse des prix.

Si l’évolution de ce PIB « brut » par habitant n’a donc qu’une signification limitée, il permet toutefois des comparaisons entre pays où la structure des prix est assez comparable, ce qui est le cas dans l’Europe, non pas des 27, mais des 9 ou des 12. Ainsi, sur un groupe de 10 pays, (9 de l’UE + les USA) :

La France était deuxième en 1980 ; elle n’est plus que sixième en 2010, après le Danemark, les Pays-Bas, les Etats-Unis, l’Irlande et la Belgique et elle est talonnée par l’Allemagne.

En 30 ans, le PIB a été multiplié par 4 dans 7 de ces pays. Par 5 en Espagne, 7 au Portugal et 7,5 en Irlande. La France est lanterne rouge avec 3,5. Si beaucoup de Français estiment avoir un revenu insuffisant, ce n’est donc pas tout à fait par hasard.

Les insuffisances de la notion de PIB.

Les Français souffrent plus que d’autres, parce que leur PIB est, plus qu’ailleurs (sauf au Danemark) largement constitué de dépenses publiques dont le poids ne cesse de croître. Ils subissent donc des impôts et des cotisations sociales très élevés. Le « disponible » qui leur reste après impôts pour l’utiliser librement est donc réduit d’autant. En contrepartie, ils attendent de l’Etat et des organismes sociaux davantage de prestations. Mais il n’apparaît pas qu’à part les « assistés » (nous en avons beaucoup), les Français soient mieux servis que les Allemands, les Belges ou les Italiens. D’où la morosité des « classes moyennes » qui paient plein pot sans guère de retour.

En revanche, les Français ne se rendent pas toujours compte qu’ils bénéficient d’une « prime » non chiffrable parce qu’ils vivent dans un pays développé depuis longtemps. Outre ce que nous consommons pour nous nourrir, nous loger, nous vêtir, nous bénéficions d’une médecine de grande qualité, de routes, d’autoroutes, de TGV ; partout des écoles, des piscines, des salles de fêtes. De beaux musées, des monuments et des jardins qu’on nous envie et qui attirent des millions de touristes, ce qui contribue aussi à notre richesse.

S’agissant de biens préexistants et non produits, ils ne sont pas pris en compte dans le PIB. Celui-ci ignore aussi la qualité de l’air et de l’eau et les atteintes à cette qualité, sans s’occuper non plus de la consommation de matières premières non renouvelables ni de la destruction d’espaces verts. Tout cela devrait être comptabilisé comme une diminution de stock. En fait, le PIB ne mesure que la production, pas la qualité de notre vie ni les variations du capital dont nous disposons.

Comparaisons entre pays.

En milliards de dollars, la France est cinquième dans le monde, avec un PIB de 2 609 mds. C’est l’équivalent de la Californie, seulement 17 % de celui des Etats-Unis. Nous pesons 32 % du PIB chinois, 44 % de celui du Japon, 77 % du PIB allemand. Le Royaume-Uni, le Brésil, la Russie et l’Italie nous suivent de près. L’Inde ne pèse encore que 1 800 mds de $.

Ce PIB est calculé en dollars sur la base des taux de change. Mais, d’un pays à l’autre, la structure des prix et leur niveau sont très différents : on ne fait pas du tout la même chose avec 1 000 € en France et au Mali. Cette insuffisance et celles relevées plus haut ont conduit à rechercher d’autres indicateurs.

Les autres indicateurs.

Le PIB à parité de pouvoir d’achat (PPA) :

Il permet, à certains égards, des comparaisons entre les pays plus pertinentes que le PIB calculé en dollars sur la base des taux de change.

Suivant ce critère, le classement ci-dessus est complètement bouleversé. : en 2009, la France, avec 2 108 milliards de dollars, n’est plus que huitième. Les Etats-Unis restent en tête mais notre PIB n’est plus que le quart de celui de la Chine, la moitié du Japon et de l’Inde. Nous sommes dépassés de loin par l’Allemagne et, de peu, par la Russie et le Royaume-Uni.

le PIB-PPA par habitant et par an

Il mesure, non plus la puissance relative des pays, mais la situation de leurs habitants. En 2012, il s’échelonne entre 600 $ pour les pays les plus pauvres, et 104 000 $ pour le Qatar, 81 100 $ au Luxembourg, 61 400 $ à Singapour. La France n’est plus que 23ème avec 36 100 $, loin derrière la Norvège, la Suisse, l’Autriche, les Pays-Bas, l’Irlande, la Suède (plus de 40 000 $). En Europe, elle est aussi devancée par l’Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni et la Finlande. Dans ce classement, la France qui se situait, il y a quinze ans, dans le peloton de tête, a perdu, depuis, une place par an ! C’est un appauvrissement relatif par rapport à ses voisins.

Les variations du PIB-PPA depuis 2007 (c’est-à-dire la croissance dont bénéficient les habitants) sont très diverses. En 5 ans, la Grèce a perdu 20 %, l’Italie, l’Espagne et l’Irlande environ 10 %. La France n’a gagné que 8,4 % (soit environ 1,5 % par an), alors que l’Allemagne a progressé de 13,8 %, la Suisse de 12,7 %, l’Autriche de 9 % et les Pays-Bas de 8 %.

Le Happy planet index

ou indice de la planète heureuse, classe 178 pays d'après 3 indicateurs : l’empreinte écologique, l’espérance de vie et le degré de bonheur des populations. Ce classement donne une image très différente de la richesse et de la pauvreté des nations.

Le PIB régional ou PIB urbain

Il mesure la production d’une zone, mais pas sa richesse : une zone résidentielle dont les habitants ont des revenus élevés, mais gagnés ailleurs, sera moins bien notée qu’une zone d’activité. Ainsi, le PIB de Paris, un des plus élevés de France, est constitué des produits de ses entreprises et du coût de ses administrations, pas des revenus de ses habitants obtenus ailleurs.

L’indicateur de développement humain

Il est inspiré des travaux d'Amartya Sen, et vise à appréhender le bien-être social. Il a été créé en 1990 par le PNUD (Programme des Nations-Unies pour le Développement).

Il est fondé sur trois critère majeurs : L’espérance de vie à la naissance, le niveau d’éducation, le niveau de vie.

En 2012, sur une échelle allant jusqu’à 1, le pays le plus démuni est la Somalie avec 0,26. A moins de 0,5, l’indice est considéré comme bas (12 pays dont les données sont disponibles). Entre 0,5 et 0,7, l’IDH est moyen : 47 pays. Entre 0,7 et 0,8, l’indice est élevé : 47 pays. Au dessus de 0,8, l’indice est très élevé. C’est le cas de 38 pays. En tête, la Norvège avec 0,971. La France est 8ème avec 0,961.

Si on considère le seul critère de l’espérance de vie à la naissance, elle était, en 2011 en France, de 82 ans (hommes : 79 ans, femmes : près de 86 ans), ce qui nous situe dans le peloton de tête des pays développés. C’est 20 ans de plus qu’en Russie, par exemple.Elle n’atteint que 45 ans en Sierra Leone.

Les écarts de revenus.

L’INSEE calcule chaque année les revenus des Français : salaires, retraites, revenus du capital, prestations reçues. En 2011, avec un revenu moyen de 23 000 €, les 10 % de Français les plus riches ont eu un revenu moyen mensuel de 58 400 € , soit 7,5 fois celui des 10 % les plus pauvres : 8 100 €,

Le seuil de pauvreté relative est fixé à 50 % ou à 60 % du revenu médian. En 2011, l’Observatoire des inégalités l’établit à 814 ou 977 € suivant la définition retenue. 7,1 % de la population sont en dessous du seuil à 50 %.

Il existe aussi un seuil de pauvreté absolue calculé en fonction du coût des besoins essentiels. Le premier seuil augmente avec la hausse de l’ensemble des revenu ; le second avec l’inflation.

La richesse en capital et sa répartition.

Le PIB ne mesure que des flux. Il ne tient pas compte du patrimoine, public et privé (actif et passif) ni de leur variation. Ainsi, la construction a longtemps été le principal moteur de la croissance en Espagne. Maintenant que ces logements sont construits, qu’ils soient ou non occupés par leurs propriétaires (que ceux-ci soient espagnols ou étrangers), ce capital ne participe pas au PIB. Seuls, les frais d’entretien et les loyers peuvent être pris en compte (actuellement, beaucoup de ces logements sont vacants).

Le patrimoine total des Français est évalué à 14 200 milliards de $, soit environ 11 000 mds d’€ : cinq fois le PIB. Cela représente en moyenne 170 000 € par Français ou 700 000 € pour une famille avec deux enfants. La France se classe au 7ème rang mondial pour la richesse moyenne par ménage.

Ces chiffres recouvrent de très fortes disparités : En France, six millions de gens possèdent moins de 1 500 €. A l’autre bout de l’échelle, il y a 2,2 millions de millionnaires. Parmi eux ; six « pèsent » plus de 10 milliards d’€ et 48 autres plus de1 milliard. La 500ème fortune française est encore de 64 millions.

Au delà de l’aspect anecdotique de ce type de classement, retenons que les 10 % des Français les plus riches possèdent ensemble 48 % du patrimoine total (dont 35 % pour les 5 % les mieux dotés. La moitié la moins riche se partage seulement 7 % du patrimoine total.

En conclusion, si on compare les déciles, l’écart entre les patrimoines (1 à 300) est considérablement plus élevé que celui des revenus (après impôts, 1 à 6).

 

Bibliographie sommaire :

Saine lecture : « Reconsidérer la richesse » par Patrick Villeret Ed de l’Aube (poche) 247 p – 9,60 €.

                                                               Jean-Claude Charmetant

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