La médiation, succédané de justice ou approche originale pour la résolution des conflits?

Pourquoi ma société a-t-elle de plus en plus besoin d’un tiers supposé neutre qui s’intercale entre moi et mon voisin, entre moi et l’administration, entre moi et la justice ? Faut-il qu’elle soit bien malade pour avoir besoin de cet intermédiaire pour recoudre le tissu social ?

Pourquoi a-t-on inventé des médiations conventionnelles auxquelles les parties ou médiants acceptent de se rendre pour tenter de régler conflits familiaux, conflits sociaux entre voisins, conflits professionnels… ?

Et pourquoi le juge qui a le devoir et le pouvoir de dire le droit laisse-t-il de temps à autre la place au médiateur ?

La  triangularisation du conflit ne décharge-t-elle pas l’individu de ses responsabilités propres et l’appel à un médiateur ne court-circuite-t-il pas les échanges sociaux directs ?

En désencastrant le social et en prétendant le réencastrer, ce tiers ne fait-il pas oublier temporairement les problèmes… à moins qu’il n’ajoute un niveau d’aliénation supplémentaire ?

 

Autant de questions et d’autres sur lesquelles nous pourrons débattre ensemble.

 

Pour lancer le débat, je proposerai trois entrées :

 

1° : Le langage

Structurels de la langue, les mal entendus sont  préjudiciables à la communication et sources de conflit. Ils sont aussi sources de créativité. Ce qui est vécu comme malentendu au niveau du langage entraîne parfois des conséquences dans les actes : refus d’obéir, opposition, désertion, stress, départ, rupture, violence…

 

2° : Les conflits

Ils sont inévitables car la personne humaine se construit en se différenciant : l’enfant s’extrait de la fusion en disant non à ses parents ; l’adolescent conteste pour bâtir son identité. L’adulte traverse la vie en faisant face à des risques (des chances) de conflits familiaux, de couple, de voisinage, d’entreprise, entre se confrontant à des cultures différentes … Chaque fois, le conflit le pousse à prendre une position.

Au-delà des conflits personnels comment oublier les politiques, ceux qui ont traversé (et avec quelle intensité) notre histoire sanglante ou traversent notre actualité ? Chaque fois, les protagonistes tentent de camper sur leurs positions intellectuelles ou… géographiques !

 

3° : Le tiers

Appelé à l’aide, le médiateur échappe à la problématique du contenu, du problème à résoudre ; il n’est pas dans le savoir et laisse ce pouvoir aux personnes impliquées dans le conflit. Il laisse le récit et l’histoire aux gens.

Sensible aux attitudes, aux émotions qui signifient quelque chose de l’ordre malentendu, de la blessure, de la violence, il ne joue pas à rechercher le consensus à tout prix ; il va voir ce qui se passe du côté de la différence, de la séparation. En creusant, il permet aux parties de sortir de leurs positions pour aller sur le terrain des valeurs.

En creusant encore plus, il fait l’hypothèse que chacun pourra éventuellement reconnaître, au-delà des divergences, les différences et pourquoi pas les intérêts communs.

Les médiateurs ont l’habitude de s’appuyer sur un idéogramme chinois1 qui signifie à la fois crise et opportunité. Le conflit dépassé est souvent source de renouvellement, de créativité, de redémarrage.

 

Le travail du médiateur s’appuie sur des apprentissages, des techniques mais aussi des attitudes et des comportements. Pour qualifier ceux-ci… difficiles à mettre en pratique, on peut se référer à ce texte d’un philosophe danois célèbre :

Si je veux réussir à accompagner un être vers un but précis, je dois le chercher là où il est

et commencer, justement là.

Celui qui ne sait pas faire cela se trompe lui-même, quand il pense aider les autres.

Pour aider un être, je dois certainement comprendre plus que lui, mais d’abord comprendre ce qu’il comprend.

Si je désire avant tout montrer ce que je sais, c’est parce que je suis orgueilleux et cherche à être admiré de l’autre plutôt que l’aider.

Tout soutien commence avec humilité devant celui que je veux accompagner ;

Et c’est pourquoi je dois comprendre qu’aider n’est pas vouloir maîtriser mais vouloir servir.

Si je n’y arrive pas, je ne puis aider l’autre. Soren Kierkegaard (1813-55).

 

A bientôt, le plaisir de passer un moment de réflexion avec vous.

 

Yves Bourron, médiateur.

 

 

NB. Dans le temps de débat, pour illustrer concrètement, le travail de médiation, Marie-Odile Delcourt pourra témoigner de son expérience de médiatrice, intervenant dans le champ de la justice pénale ; à travers quelques exemples, je pourrai raconter la façon dont je suis médiateur dans le champ institutionnel et celui de d’entreprise.

 

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