La nation est-elle un concept dépassé ?

L'idée ou le concept de nation n'a pas toujours été clair. Avant la révolution de 1789, la notion de nation avait ce sens d'origine ethnique : les juifs présents en France étaient généralement considérés comme une nation.

C'est justement la volonté républicaine issue de la Révolution de créer une seule nation, quelle que soit l'origine des uns et des autres, dans le peuple français. La nation repose désormais sur la volonté collective de citoyens ayant des droits et devoirs individuels et non sur des groupes communautaires ayant des droits et privilèges différents.

La nation est alors une entité qui, de par sa nature, garantit la liberté et les droits de chaque citoyen qui la compose, et la meilleure façon d'accomplir cette mission est de se regrouper en un état qui promulgue les lois ; l'état-nation sur un territoire défini en est l'élément indispensable.

Il n'y a pas de Nation sans peuple et, dans la conception républicaine, le peuple est l'ensemble de la population qui réside dans le territoire de l'état-nation.

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Dans cette conception, il ne peut alors y avoir "d'étrangers" à demeure dans cet état-nation ; tous les habitants du même territoire font partie du même peuple, quelle que soit l'origine de chacun.

En conséquence, tous les habitants du territoire français font partie du même peuple : le peuple français. L'exercice politique du peuple français s'exprime alors au nom de la nation dans l'état-nation qu'est la république française : c'est la fameuse formule : "au nom du peuple français" qui prend tout son sens. On ne peut dès lors que dénoncer l'expression "peuple corse dans le peuple français" qu'avait prôné Jospin pour faire plaisir aux nationalistes de Corse.

Comme, dans une république laïque, tout le monde doit avoir les mêmes droits, le fait d'accepter tout ou partie de la population vivant sur le territoire de notre état-nation avec des droits différents qu'ils soient civils (droits coutumiers à connotation religieuse comme avec la référence à la charia), ou politiques (droit de vote aux seules élections locales pour des étrangers n'ayant pas la nationalité française, et le fait qu'ils puissent ainsi exister sur notre sol une population vivant depuis longtemps ne possédant pas cette nationalité française), est une régression manifeste et invraisemblable de l'idéal républicain.

Ainsi il est indispensable de proclamer haut et fort que pour l'idéal républicain, toute personne vivant en France doit avoir, et donc accepter, la nationalité française (disons par exemple au bout de 10 ans de résidence) ; et de même on doit exiger la perte de la nationalité française,  pour les Français de toutes origines qui ne résident plus sur le territoire national depuis des décennies.

La dérive actuelle de la gauche bobo et de l'extrême gauche communautariste est d'accepter et surtout de vouloir qu'une partie de la population vive continuellement en "étrangers" sur le territoire de notre état-nation, et possède donc "ad vitam aeternam " des droits au rabais (comme seulement le droit de vote aux élections locales), renouant ainsi avec les organisations inégalitaires des sociétés, à l'exemple des "métèques" dans la démocratie athénienne antique. Cette façon de reconnaître la légitimité de l'inégalité des droits aboutit logiquement à l'institution ultérieure de droits coutumiers communautaires de nature ethnico-religieuse, destructeurs du caractère laïque de notre république. La souveraineté du peuple, appelée communément "souveraineté populaire" ne peut s'exercer correctement en premier lieu que si toute la population présente sur le territoire défini de l'état-nation fait partie du même peuple, avec les mêmes droits de citoyens.

Nous pouvons proclamer que dans un état-nation dans lequel prévalent les valeurs républicaines de l'égalité en droit, tous les résidents de cet état-nation forment le peuple et doivent donc avoir la qualité de citoyen. Il n'y a donc pas à prévoir une dissociation de la nationalité et de la citoyenneté, qui déboucherait tôt ou tard sur une conception de filiation ethnique du concept de nation.

Il faut évidemment parler de la patrie si on précise toutes les implications de la nation; mais cela ne pouvait se faire qu'après avoir bien défini l'attitude des républicains face à tout ce qui touche le concept républicain de la nation : une grande valeur mais sans sacralisation ; et il est indispensable de se le rappeler pour se situer face à cette notion de patrie.

En effet, la patrie, étymologiquement, c'est la terre des « ancêtres », et dans la langue française, la connotation au mot «père» est évidente ; le mot est donc bien une référence à une filiation ethnique pour la possession d'une terre.

C'est d'ailleurs la raison qui ont poussé tous ceux qui ont promu les dérives antirépublicaines du concept de la nation, à exalter la notion de patrie.

Les guerres coloniales, impérialistes, nationalistes se sont toujours servies de cette notion de patrie, surtout en utilisant l'idée même de «mère-patrie» qui en rajoute encore sur le mode de l'exaltation émotionnelle du mot «mère», cette fois, pour au besoin, justifier l'injustifiable des actions de domination et d'asservissement des autres peuples, en leur déniant souvent le droit à se constituer en «état-nation», voire des actions de destruction à leur égard

Quels sont les objectifs que se donne cette vision républicaine de la nation ?

Le postulat de base a été pour les révolutionnaires de 1789 et des années suivantes l'Egalité en Droit de tous (les hommes naissent libres et égaux en droit), donc ni esclaves, ni serfs, ni différence des droits entre nobles, clergé et tiers-état; tous les résidents du territoire deviennent alors des citoyens libres et égaux (d'abord sur le plan civil, puis sur le plan politique) et forment une nation, construction politique qui a donc pour objectif l'émancipation de ses citoyens.

Et cette émancipation se fait en premier lieu contre les actions d'asservissement ou de destruction de l'extérieur (comme lors de l'occupation nazie), et contre les actions de négation de ses ennemis de l'intérieur (les royalistes à l'époque et maintenant les islamogauchistes et autres indigènes de la République). Je n'oublie pas non plus les dérives autocratiques de notre régime présidentiel. Lorsque le pouvoir actuel contrôle directement ou indirectement 95% des médias, la République est en danger. Les libertés jour après jour subissent des attaques. Il faut s'inquiéter de projet de suppression des juges d'instruction. Notre président veut donner le pouvoir d'enquête au Parquet ; le juge d'instruction n'ayant plus qu'un rôle de contrôle de son déroulement. Or on connaît la tradition française de soumission du Parquet au ministère de la justice. De même le parlement français ressemble de plus en plus à un théâtre de marionnettes.

Ce combat pour l'émancipation est un combat permanent contre entre autres toutes les dérives comme le nationalisme, forme exacerbée de la domination d'une nation sur d'autres, engrangeant l'agression qui peut être guerrière ou économique ou les deux à la fois, et ses succédanés que sont le colonialisme et l'impérialisme. Une autre dérive à un degré moindre est représentée désormais par le souverainisme de gauche ou de droite, qui sacralise tellement l'état-nation qu'il en fait un moyen d'enfermement des citoyens dans un cadre étriqué.

Le choix des républicains des années révolutionnaires 1789 et suivantes a été celui du concept de la nation émancipatrice du peuple vivant dans le pays (à l'époque le royaume de France).

Pour cela ils sont partis du postulat de base de l'Egalité en droit de toute la population, devenu rapidement celui de chaque citoyen, en déclarant que chacun naît libre et égal en droit, c'est à dire très précisément (surtout pour l'époque), ni esclave, ni serf, et sans différence des droits entre nobles, clercs, et le reste de la population. L'appartenance à la Nation, c'est le sentiment d'être égal à autrui et force est de constater que notre pays est devenu de plus en plus inégalitaire ces dernières décennies.

C'est donc bien l'Egalité en Droit qui est le principe générateur de tout, la Liberté (individuelle) n'étant que sa traduction au sein de l'organisation de la société dans laquelle personne ne doit être sous la domination d'un autre ou d'un groupe communautaire ou autre (et profitons de cela pour rappeler que la liberté dans ce sens n'est pas absolue, donc n'est pas celle du renard dans le poulailler et que les lois votées par la souveraineté populaire de la nation l'encadrent pour le bien de l'intérêt général) Quant à la Fraternité, au départ ressentie comme la solidarité égalitaire des révolutionnaires entre eux dans le combat, elle a pris le sens lors de la révolution de 1848 de Fraternité sociale, c'est à dire celui de la recherche de faire de chacun des égaux dans la société, ce qui a été traduit bien plus tard par la formule de Jean Jaurès « il est temps de faire des égaux ».

Or ces trois principes Liberté individuelle, Fraternité sociale, et Egalité, sont à la base du concept de laïcité dans son caractère d'émancipation individuelle et collective.

La France, forte de ses principes, se doit d'être ouverte au monde mais il n'est pas question de dire que le monde entier peut venir en France à son gré et avoir tous les droits sans les devoirs et responsabilités des citoyens. Elle se doit se respecter et d'intégrer ses immigrés dans la dignité tout comme les immigrés se doivent d'accepter les principes de la République. De la même manière, on ne saurait tolérer que l'hymne national soit sifflé. Il n'est pas nécessaire pour autant que chacun plante le drapeau national dans son jardin.

La Nation ne se conçoit pour le moment que dans un cadre français, mais pourrait se concevoir dans un cadre européen. L'Europe politique est morte depuis bien longtemps ; ses frontières ne sont pas clairement définies ni même ses valeurs comme la laïcité qui est une notion inconnue dans certains pays. Si le peuple français a rejeté le traité constitutionnel, c'est en partie parce que l'Europe ne protège pas. Or, derrière l'idée nationale, il y a aussi la notion de solidarité et de protection. L'appartenance à une nation, c'est le sentiment que nous sommes tous solidaires ; que je n'affronte pas le monde tout seul, que nous l'affrontons ensemble. L'action collective peut alors avoir un sens. Dans la mondialisation, le cadre local est vécu comme trop petit, l'Europe comme trop faible, trop floue, trop incertaine. Que nous reste-t-il ? La seule chose qui soit à peu près solide, ou qu'on voudrait solide : la nation, dans laquelle on peut inscrire une politique et une démocratie.

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