Quelle ville voulons-nous demain ?

Introduction de Bruno SAUVAGE

Je vous propose de commencer par un tour de table :

Pouvez-vous donner quelques exemples de villes, de quartiers de ville, ou de rues, qui vous paraissent les plus sympathiques, pour s’y promener ou  pour y vivre ?

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Merci de vos témoignages, …

En 2050, plus de 70 % de la population mondiale vivra dans des grandes métropoles, et la conception des villes du futur est un enjeu essentiel pour définir les conditions de vie dans les prochaines décennies.

Pour mener à bien l’exercice de vision de la ville du futur, il faut commencer par prendre en compte les contraintes générales dans lesquelles s’inscrit l’activité humaine à long terme, et y apporter des réponses aussi adaptées que possibles pour proposer un mode de vie satisfaisant pour les habitants.

Parmi ces contraintes à long terme,  deux séries de  considérations macroéconomiques doivent être prises en compte:

-          Le contexte (macro) économique au sens financier.

-          La gestion des ressources physiques à long terme.

Le contexte (macro) économique :

Notre pays souffre de déséquilibres structurels, dont l’un des plus préoccupants est le déficit de la balance commerciale. Ce déficit génère, en contrepartie, pour équilibrer la balance des paiements, des prises de participation croissantes de fonds internationaux, directement dans l’économie ou par le biais de la dette publique. Ces fonds doivent être rémunérés, et au déficit commercial structurel s’ajoute le coût croissant de la rémunération des fonds internationaux, aux dépens de la richesse distribuée dans le pays.

La facture énergétique pèse très lourd dans le déficit commercial, et elle est croissante. Il est peut-être possible d’équilibrer notre balance commerciale hors énergie, mais avec quels créneaux miraculeux d’exportations peut-on espérer compenser la facture énergétique ?

C’est pourquoi, l’intérêt d’un pays comme la France est de s’engager sans tarder dans la « décarbonisation » de son économie avec les efforts que cela appelle dans le bâtiment comme dans la politique des déplacements et des transports.

L’aménagement urbain est l’outil stratégique qui permet de répondre à ces enjeux, tout en stimulant l’économie par une politique dynamique de construction et d’organisation des modes de déplacements économes en énergie.

La gestion des ressources à long terme :

Le problème des ressources est un problème planétaire.

La civilisation industrielle développée depuis le XIXième repose sur une forte consommation de « ressources de stocks » (charbon, pétrole, gaz, minerais, …) qui disparaissent au fur et à mesure qu’on les exploite. Les ressources qui étaient faciles à exploiter sont déjà bien entamées, et il faut mettre en place des moyens de plus en plus colossaux pour aller chercher des hydrocarbures ou du gaz dans les couches géologiques profondes ou pour brasser des millions de tonnes de matériaux pour en extraire un peu d’huile ou des minerais.

Il ne s’agit pas de remettre en cause les acquis formidables de la technique de ces deux derniers siècles. Les techniques continueront à progresser et à nous procurer des outils de plus en plus performants.

Mais ce qui doit être remis en cause, c’est le développement démesuré donné à certaines  applications industrielles, fortes consommatrices d’énergie et de matières premières, et consommatrices d’espace aux dépens des espaces naturels, agricoles et forestiers.

L’économie de demain fonctionnera sur des ressources de « flux », c'est-à-dire des ressources, qui sont peut-être limitées dans leur potentiel instantané, mais qui ne s’épuisent pas : énergie solaire, photosynthèse, vent, eau, et recyclage méthodique des matériaux, …

On redécouvrira en particulier l’importance des productions agricoles et forestières, pour l’alimentation bien sûr, mais aussi comme pourvoyeur de toute une série de matériaux de base pour l’industrie et l’énergie.

« Optimiser » le potentiel des ressources, implique de préserver les surfaces cultivables et forestières. Et c’est un non sens de faire disparaître chaque année 60 000 ha de sols agricoles et forestiers en France métropolitaine, alors que l’on court après la croissance..

(60 000 ha, c’est la surface nécessaire pour nourrir 600 000 personnes en régime végétarien, et 200 000 personnes en régime comme le nôtre si nous aimons un peu la viande et le fromage).

Cette consommation d’espace est principalement liée aux infrastructures routières,  et à l’étalement urbain, et dans cet étalement urbain les réseaux de voirie et les surfaces de stationnement occupent une surface prépondérante.

La ville future : une ville « compacte »

Dans les villes du futur, il va donc falloir rationaliser les consommations d’énergie, et les consommations d’espace.

Vous aurez compris que la place de l’automobile dans la ville future ne pourra pas être la même qu’aujourd’hui.

La place faite à l’automobile a orienté le développement urbain au cours des dernières décennies. Il faut maintenant adopter une nouvelle approche, et redécouvrir que ce qui fait l’attrait d’une ville, c’est sa dimension et son « intensité » humaines.

Les villes, ou les quartiers de ville que l’on aime visiter, ont en général été conçus avant l’ère de la voiture. Et les automobiles y ont un accès limité. 

Les « éco-quartiers » qui se construisent aujourd’hui, sont conçus pour que les déplacements de proximité entre le logement, les écoles, les magasins, la station de transports collectifs se fassent à pied. Cela implique une certaine densité de construction et donc de contenir les automobiles en limite du quartier si l’on veut que l’espace entre les immeubles reste aéré.

La ville compacte permet aussi de bénéficier de la proximité des espaces verts environnants :

Supposons qu’une ville « à la campagne » de 10 000 habitants occupe un carré de 4 km2 (ville a dominante pavillonnaire)  les habitants qui seront au centre seront situés à plus de 1 km de la campagne. Si cette ville occupe 1 km2, ville de densité moyenne, les habitants du centre seront à  500 m de la campagne…. Et on aura sauvegardé 3 km2 de campagne supplémentaire.

Où en est-on en Île de France ?

La planification urbaine doit répondre aux enjeux mentionnés ci-dessus, (économie d’énergie, économie d’espace), mais elle doit bien sûr répondre aux besoins des habitants.

En Île de France, le problème majeur est de répondre à la demande de logements, (on en construit 35 000 par an, alors qu’il en faudrait 70 000), et au problème des déplacements, le réseau de transports collectifs n’étant pas à la hauteur des enjeux pour une agglomération de cette importance.

La loi sur le Grand Paris de juin 2010, a fixé l’objectif de construction de 70 000 logements par an, et a lancé le principe de construction d’un grand métro circulaire autour de Paris.

Pour sa part, la Région a adopté un programme de « mobilisation pour les transports », prévoyant le renforcement du réseau ferré existant, la création de quelques lignes nouvelles et la construction d’un ensemble de lignes de tramway et de bus en site propre, pour les 10 à 15 ans à venir.

Comment atteindre les objectifs fixés en matière de logement ? Comment mettre en œuvre la « transition énergétique » ?

Qui décide ? Avec quels moyens ?

Si la Région, par l’intermédiaire du STIF (Syndicat des transports d’Ile de France), a quelques pouvoirs (mais des moyens financiers qui restent limités) pour réaliser les grandes infrastructures de transports collectifs, en revanche, l’aménagement au niveau local pour l’implantation des logements et l’organisation des déplacements de proximité dépend des communes.

Les PLU, plans locaux d’urbanisme des communes doivent être compatibles avec le SDRIF, Schéma Directeur de la Région Île de France, actuellement en cours de révision. (Le SDRIF toujours en application est celui de 1994).

Le SDRIF définit les zones dans lesquelles des projets de construction devraient être programmés, mais les communes restent entièrement libres de suive ces orientations ou de ne pas les suivre.

Les droits à construire sont fixés par les communes dans leurs plans locaux d’urbanisme, et en général, les communes sont très frileuses pour permettre de nouvelles constructions. Dans l’état actuel des PLU des communes de la Région Île de France, il n’y a aucun espoir de voir progresser le rythme de construction au rythme attendu.

Quelles que soient les faiblesses du système, il n’en reste pas moins que l’établissement des plans d’urbanisme au niveau local est la démarche essentielle  par laquelle se définit, ou ne se définit pas, l’avenir de la ville et l’organisation urbaine des prochaines décennies.

On ne pourra préparer l’avenir que si une prise de conscience se fait au niveau de chaque commune et chaque groupement de communes, pour avoir une vue beaucoup plus ambitieuse en matière de construction de logements et d’organisation urbaine répondant aux  enjeux du futur.

Et le débat est ouvert : Comment rendre nos communes moins frileuses en matière de construction ? Comment convaincre les habitants d’accepter une évolution de leur ville ? Comment prendre en compte l’évolution nécessaire des modes de déplacements et les économies d’énergie ? Comment voyons-nous notre ville demain ?

Bruno SAUVAGE

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Quelques informations :

- Un sujet voisin a été traité en décembre 2007 au Café-Débat, sur une introduction de Jean-Marc : "Quel habitat pour demain ?"

- Consulter le SDRIF : Schéma Directeur de la Région Ile de France

- Une présentation du SDRIF a lieu le 15 novembre à 20h30 à la salle des fêtes de Maules (78) par les associations locales de défense de l'environnement

- Note rapide de "Territoires" n°606