Il y a bien urgence à agir
Le déficit constaté des différents Régimes de retraite, projeté sur les prochaines années est énorme. Plus de 30Mds en 2020, époque relativement proche pour que n'interviennent pas les différentes appréciations sur les prévisions.
Il est peu constructif de relativiser ce déficit, quoique....
On a bien vu les députés il y a un peu plus d'un an voter sans sourciller, à la demande de J. F. Coppé un amendement (participations financières des entreprises) coûtant 4 Mds/an de ressources au budget. Et les médias ne s'en sont pas émus le moins du monde.....
Difficultés de débattre du sujet Retraites
Une difficulté est due à la disparité des statuts fonction publique/ services publics/ salariés du privé. Une partie des salariés du privé ne connaissent quasi rien sur le sujet retraite. En moyenne, les fonctionnaires et assimilés le connaissent mieux car ce sujet fait partie de leur « carrière/statut ». Ils ont choisi leur système de retraite en entrant dans la « carrière », ce qui est rarement le cas du privé. Par contre certains ont tendance à tout voir à travers leur propre statut....et les dirigeants du pays, qu'ils soient politiques ou qu'ils soient hauts fonctionnaires ont une tendance certaine à projeter leur propre cas....Fonctionnaire pour les uns, professions aisées pour les autres.....
Une autre difficulté est que beaucoup s'imaginent savoir.....des tissus d'énormités répandus de tous bords..... Une autre est aussi que beaucoup exposent soit leurs revendications (pourquoi pas, mais ce n'est pas une « solution »), soit leur conception de la retraite (pourquoi pas, elles sont au bon sens du terme discutables, mais ce n'est pas non plus une « solution ».....).
Quels sont les axes de « communication » du gouvernement
- Le problème est démographique, la solution doit être démographique.
- L'espérance de vie augmente donc il est normal de travailler plus longtemps.
- Faire la réforme du gouvernement c'est sauver la répartition.
De démonstration scientifique..point...ces affirmations sont tout à fait contestables et certains les combattent vivement. Mais comme il s'agit d'axes de « communication » du gouvernement les contestations ne prennent guère dans les classes populaires du secteur privé.
Un point pourtant pourrait être mis en avant car non contesté (chiffres du gouvernement, du COR -Conseil d'Orientation des Retraites-, articles des Échos...) : dans les déficits, la crise intervient pour 2/3 et la démographie pour 1/3 seulement.
Peut-on dès lors dire que « le problème est démographique ? Pour 1/3 seulement.
Et justement la réforme du gouvernement fait peser l'effort à plus de 80% sur les salariés ! Et c'est bien là -à mon sens – qu'est le véritable problème : les salariés sont supposés supporter presque toutes les conséquences de la crise.
Et les conséquences de la crise peuvent, doivent -à mon sens-, se traiter par des moyens en rapport avec les acteurs de la crise (banques, dividendes, produits financiers etc.).
Il reste que 1/3 du déficit est le fait de la démographie. D'abord le papy-boom né du baby boom des années 47 à 71, donc largement prévisible depuis cette époque...et l'augmentation de l'espérance de vie -vue à partir de 60 ans- qui a augmenté jusqu'à maintenant de 1,4 année pour dix années. Cette élévation est -de manière prospective- intégrée dans le code des assurances et les autres codes d'ailleurs- depuis 1993.......
Alors, disons le tout de suite, un des régimes de retraite : l'Arrco, régime de retraite complémentaire généralisé et obligatoire pour tous les salariés du secteur privé, non seulement n'a pas -hors la crise -et n'avait pas en 2007, de déficit prévisible à moyen/long terme....Il présentera même si la réforme du gouvernement est menée à son terme d' énormes excédents sur lesquels le gouvernement lorgne déjà. Évidemment, l'Arrco a intégré dans ses calculs depuis longtemps et le papy boom, et l'élévation de l'espérance de vie. Ce qui ne veut pas dire que sa gestion soit exemplaire pour les salariés, c'est un autre sujet.
Pour ces deux problèmes démographiques, le COR en 2007 a donné les différentes solutions possibles dans un graphique célèbre pour les praticiens du secteur (cf document).
Trois possibilités :
augmenter les cotisations, augmenter l'âge légal de la retraite, augmenter la durée de cotisation.
Et là se situe l'énormité des propos du gouvernement et de certains de ses supporters. A aucun moment on ne voit de disparition possible de la « retraite par répartition ». C'est donc la crise, donc ses acteurs qui sont un traumatisme pour la retraite par répartition. Pour la retraite -tout court- devrait-on dire, car, par exemple, les Fonds de pensions des Pays-Bas sont en très mauvais état (cf document).
Pour répondre à ce chantage -il suffit d'ailleurs de regarder la pyramide des âges (cf document) et de constater que, le papy boom passé, le rapport démographique sera certes moins « favorable » qu'avant le papy boom -et pour cause, les futurs papy boomers étaient alors salariés- mais encore fort correct. Il faut donc s'inscrire en faux par rapport à cette peur de l'augmentation continue du nombre de retraités par rapport au nombre d'actifs prévue, en tous les cas connue, depuis 1972 !
Pour la partie démographie donc, augmenter les cotisations me paraît la meilleure solution, cotisations tant patronales que salariales, les employeurs devant supporter au moins la moitié de celles ci.
Meilleure solution parce que les petits salariés -et il s'agit de l'écrasante majorité des salariés (cf document)- ont besoin d'une retraite d'un bon niveau. Or, avant toute réforme, ce niveau sera de moins de 70% du salaire. Et les petits salariés n'ont pas les moyens de cotiser seuls en plus pour une retraite supplémentaire du fait de leurs moyens financiers limités mais aussi par difficulté à se projeter dans l'avenir.
Ce n'est pas le cas des personnes aisées, qui dans des systèmes d'épargne peuvent toujours subir sans peine des fluctuations ou rajouter de l'argent s’il le faut. Ils sont au final toujours gagnants.
C'est donc aussi un problème d'égalité.
Rappelons donc que la retraite du Régime général des salariés ne joue que jusqu'à un plafond. Et qu'il faut bien considérer que ce qui est vrai en dessous du plafond ne l'est pas forcement au dessus.
Il faut donc, pour la part démographique du problème des retraites, augmenter les cotisations. Augmenter les cotisations d'abord patronales. Il n'est pas inconcevable du tout de relever aussi les cotisations salariales. Mais pour cet aspect, il est possible de laisser aux négociateurs syndicaux le choix entre un relèvement de cotisations ou une augmentation de la durée de cotisation nécessaire. Toujours pour la part « démographie » du problème ( soit un tiers du coût global), pour la part salariale des cotisations , au maximum la moitié de la cotisation globale donc au plus 1/6 (donc 17%). Rappelons donc à ce sujet que la réforme envisagée par le gouvernement fait peser plus de 80% du coût sur les salariés, loin des 17% envisagés ici !
Là se posent les objections fortes : compétitivité des entreprises......
Enfin un débat sur ces aspects !....La compétitivité dépend-t-elle entièrement des coûts salariaux? Rappelons que jusqu'en 2008 les coûts salariaux du secteur manufacturier allemand, celui qui exporte des machines outils, était de près de 20% supérieurs aux coûts du secteur manufacturier français !
Un économiste peu suspect d'être « de gauche » comme Patrick Artus appelle les pays européens à rapidement augmenter les salaires sous peine d'aller très vite dans « le mur ». L'Allemagne vient de le comprendre un peu et les salaires des salariés de la métallurgie viennent d'être augmentés de 3,5%.
Curieusement...rien dans les médias....les notes de Patrick Artus qui datent du début de mai 2010, n'ont été citées par les Échos qu'en août 2010 alors qu'elles sont habituellement commentées très rapidement...
Augmenter les salaires ou les charges salariales retraite -donc en tout état de cause, les coûts salariaux -, cela revient quasiment au même. En effet, les salariés, confiants dans un niveau de retraite correct, ne restreindront pas leur consommation pour augmenter leur part d'épargne en vue de la retraite, ce qui a pour effet d'accroître ou de soutenir la demande....Mais peut être est-ce justement le contraire que le gouvernement et le patronat recherche...
Une objection à la hausse des cotisations ?
L'augmentation de l'espérance de vie imposerait une augmentation de l' âge légal de la retraite ?
Mais si l'espérance de vie à partir de 60 ans est passée entre 1981et 2010 de 20 ans à plus de 24 ans, les dividendes, eux, sont passés de 3,2% à 8,4 % du PIB ! Alors !
Mais il s'agit là d'un problème économique......politique....du vrai débat sur les retraites en fait.