Le culte de l'Internet est-il une menace pour le lien social ?

" INTER " pour " interconnexion " et "NET " pour " Network " (réseau)

Préambule  le sujet est vaste,  je me limiterai à une réflexion sociologique du phénomène INTERNET.

Internet et tout ce qui lui est associé : le multi média, les ordinateurs, l’informatique, l’information n’est-il pas devenu l’objet d’un véritable culte ? A lire la presse, à entendre la radio et à regarder la télévision, à consulter les nombreux articles et ouvrages consacrés aux « nouvelles technologie de l’information », « à la société mondiale de l’information », on peut effectivement se poser la question. Tout ce qui touche à l’Internet y est l’objet d’une valorisation sans précédent sur le mode de la promesse, celle d’un monde meilleur (Internet associé à différentes valeurs : liberté, connaissance, communauté, universalité ...).

D’où vient ce nouveau « culte » (au sens métaphorique, le culte est la vénération, ou plus simplement le fort attachement, que l’on peut porter à quelque chose ou à quelqu’un), quelles sont ses racines historiques, pourquoi rencontre-t-il apparemment un si grand succès ?  N’y a-t-il pas là, si ce nouveau monde devait s’imposer, un risque majeur pour le lien social déjà fragilisé, ou des opportunités ?

Bref rappel historique du NET

1962 : Origine du NET Mise en place par l'armée de l'air américaine d'un réseau maillé de calculateurs.

 

1969 ARPAnet, projet de recherche DARPA, du nom d'une agence de recherche du département de la défense du gouvernement des Etats-Unis. Le projet a pour but de maintenir les communications entre les ordinateurs militaires en cas de catastrophe majeure (contexte de la guerre froide), l’objectif est militaire « permettre la communication entre des personnes devenues isolées par une attaque nucléaire ».

 

1970 : 4 universités californiennes appliquent ces principes.


1989, un des principaux objectifs du WWW était d'être un espace pour partager l'information. Cela semblait évident que ce devait être un espace dans lequel tout le monde pourrait être créatif, auquel tout le monde pourrait contribuer. (...)

1990, le CERN développe le système hypertexte WWW. INTERNET devient le réseau mondial.

 

1991 les travaux de Tim Berners-Lee, chercheur du CERN de Genève et son équipe vont donner naissance au World Wide Web.

 

Informer n’est pas communiquer : L’information selon Norbert Wiener est ainsi définie, de façon extraordinairement générale et réductrice à la fois, comme le « nom pour désigner le contenu de ce qui est échangé avec le monde extérieur ». Que faut-il entendre par communication ?

 

La communication est d'abord l'idéal d'expression et d'échange qui est à l'origine de la culture occidentale, et par la suite de la démocratie. Elle présuppose l'existence d'individus libres et égaux. On pourra développer ceci quant aux différents médias répandus ou non par pays.

 

C'est aussi l'ensemble des médias de masse qui, de la presse, à la radio et à la télévision, ont considérablement bouleversé en un siècle les rapports entre la communication et la société.

 

C'est également l'ensemble des nouvelles techniques de communication, qui, à partir de l'informatique, des communications, de l'audiovisuel et de leurs interconnexions, viennent en moins d'un demi siècle de modifier au niveau mondial les conditions d'échange, mais aussi de pouvoir.

 

C'est enfin les valeurs, symboles et représentations qui organisent le fonctionnement de l'espace public des démocraties de masse, et plus généralement de la communauté internationale à travers l'information.

 

Etymologiquement, ce mot signifie "mettre en commun, partager". C'est le sens de partage qui renvoie à ce que nous attendons tous de la communication: partager quelque chose avec quelqu'un.

 

Transmettre de l’information (Emetteur => Récepteur). Le bon usage c’est réduire de l’incertitude.

Communiquer c’est avant tout vouloir se comprendre avec quelqu’un sur quelque chose (EóR).

 

Internet et la jeunesse : Les discours enthousiastes sur Internet tirent parfois leur légitimité de leur nouveauté. Leur capacité à mobiliser l’énergie d’une partie de la jeunesse tient à cela. La publicité ne manque pas d’associer aux nouvelles technologies de l’information et surtout à ce que l’on peut faire avec, le goût du jamais vu et le rejet de tout conformisme.

 

La libre circulation et le refus de la loi : Pour les fondamentalistes d’Internet, l’idéal d’un monde transparent s’incarne dans un « village global », sans frontière, sans loi, sans contrainte. La « libre circulation » est en effet un leitmotiv chez les planétaires.

 

Le tabou de la rencontre directe : Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous avons construit un réseau de communication susceptible, s’il était poussé à son extrême, de séparer les hommes et de les dispenser de toute rencontre directe. Toute communication, toute relation, toute rencontre doivent désormais passer par le réseau. Le contenu de « l’ancien monde » doit être renversé dans le « nouveau monde » en laissant derrière tout ce qui s’oppose à la montée de la conscience collective.

 

Une nouvelle inaptitude à la communication directe ? La pratique systématique de la communication par l’intermédiaire des ordinateurs et des réseaux est la réalité concrète du nouveau culte de l’Internet. Communiquer tout le temps, toujours, à propos du plus de choses possibles et quel qu’en soit le contenu ! Activez l’information : voilà le véritable rite auquel il faut sacrifier, à toute heure du jour et de la nuit. Le prix de l’aisance apparente dans la communication médiatisée serait-elle le développement de l’inaptitude à la confrontation directe ? Dans l’univers du « tout Internet », l’individu est conduit à disposer de son propre territoire géographique d’évolution, au sein duquel il n’a plus à négocier quoi que ce soit avec autrui.

 

L'individu face aux nouveaux médias : Les solitudes interactives avec Internet, nous sommes entrés dans ce que j'ai appelé l'ère des solitudes interactives. Dans une société où les individus sont libérés de toutes les règles et contraintes, l'épreuve de la solitude est réelle, comme est douloureuse la prise de conscience de l'immense difficulté qu'il y a à entrer en contact avec autrui. On peut être un parfait internaute et avoir les plus grandes difficultés à nouer un dialogue avec le voisin du cybercafé. Demain dans la vie numérique, la diffusion en temps réel n’occupera qu’une très petite place. Dans ce monde, les interactions virtuelles se déroulent dans un espace où les uns sont toujours décalés par rapport aux autres. Celui-ci est bien loin, dans sa réalité, des promesses d’en finir avec la séparation des humains.

Observations sur l’utilisation : Internet permet d’éliminer les distances, rapproche ceux qui sont lointains, mais éloignent ceux qui sont proches. Le constat majeur de l’utilisation d’Internet, quand elle devient intensive, est que cela conduit à l’isolement, il y a de moins en moins de communication interpersonnelle, c'est-à-dire d’échange en face-à-face, avec toute la richesse de ce moyen d’échange (effets verbaux et non verbaux) et de la synchronisation temps réel permettant les recadrages immédiats et non décalés en temps différé.

è L’isolement est ici provoqué, non pas par la situation géographique, mais par le dispositif    technique qui enserre les individus, (contraire par rapport à l’effet escompté initialement).

     Une recherche menée sur les pages personnelles des élèves de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, en dégage les caractéristiques. En majorité, ces pages sont des moyens utilisés non pas pour communiquer avec les autres, mais des lieux où chacun a la liberté d’exprimer ses goûts et ses préférences les plus intimes, en s’affranchissant de la contrainte sociale habituelle qui interdit de tels épanchements. Il croit le faire à la face du monde, bien qu’en réalité, il ne s’adresse qu’aux quelques internautes virtuels qui arriveraient à ces pages. Entre moyen de libre expression et lieu hors du droit et de la morale convenus et institués, Internet est, de ce point de vue, vécu comme un espace de liberté.

 

Conclusion provisoire: Les changements en cours correspondent à un véritable bouleversement anthropologique (social et culturel), ils affectent en effet plusieurs domaines essentiels: la relation avec soi et sa propre image, le rapport aux autres, la façon d'envisager les images qui nous entourent, la perception de l'espace et du temps, et même les formes de la connaissance. L'ensemble de ces changements dessinent peu à peu une nouvelle culture, celle des écrans (le visuel prépondérant à l’oral), avec un risque de fracture générationnelle et ses conséquences sur la transmission et l'isolement, quant à la famille, elle compte désormais moins pour certains ados que leur réseau d'amis virtuels. Le média est fondamentalement ce qui est au milieu, il est donc à la fois ce qui sépare et ce qui unit. Comme bien souvent, il est porté un jugement plus sur le potentiel des techniques que sur leurs effets.

 

Citation d’un prix Nobel de littérature 1998 :

« L’information ne nous rend plus savants et plus sages, que si elle nous rapproche des hommes. On peut ignorer le monde, ne pas savoir dans quel univers social économique et politique on vit, et disposer de toute l’information possible ».

                                                                                                                                      José Saramago

 

Bibliographie :

       Le culte de l’Internet, une menace pour le lien social ? Philippe Breton Septembre 2000

       Internet et après ? Dominique Wolton 1999

       Internet multimédia : ça change quoi dans la réalité ? Bruno Ollivier novembre 2001

       Le Monde diplomatique décembre 1998 « à quoi sert la communication ? » par José Saramago

       La vie n° 3416 et n° 3417 février 2011

       Le Monde magazine n°56 supplément au Monde n°20438 du 9/10/2010

 

                                                                                                                             Daniel Soulat 30/04/2011

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Ouverture du débat : En ayant mentionné l’effet escompté, puis l’effet produit par l’utilisation, la perception de certains utilisateurs et chercheurs, les effets médiatiques autour de ce média, j’ai souhaité attirer votre attention, tenté de vous éclairer sur un phénomène bien connu, qui consiste à avoir tendance à juger les évolutions techniques sur leurs potentiels, et peu sur leurs effets produits.

Quels sont pour vous les différences avec les moyens de dialogue et de communication antérieurs. Quelle différence entre un courrier et un E-mail ? Qu'est-ce qu'INTERNET change positivement, négativement sur la vie des hommes et leurs comportements en société, à travers leurs interactions (compréhension, assimilation, rythme,…), coutumes, pratiques, relations avec autrui, culture, les  risques et opportunités ? Mais hors contexte du travail, pourra faire l’objet d’un autre débat. De même il pourrait y avoir une suite sur le domaine de la pédagogie.