Faut-il craindre le "Big Data" ?

Le Big Data est un concept né d’une nouvelle génération de technologies et d’architectures informatiques conçues pour extraire, à un coût accessible, de la « valeur » de très grands volumes d’une large variété de données en permettant une capture, une exploration ou une analyse à grande vitesse et leur visualisation exploitable, d’où le concept associé des « 4 V » (volume, valeur, variété, vitesse). Plus de 40 ans de progrès en matière de télécommunication, d’informatique, de statistique, de logiciels et de baisse du coût des traitements informatiques en ont créé les outils au fil de l’eau.

Par extension, le Big Data (en Français académique mégadonnées ou données massives) désigne la capacité nouvelle et croissante pour des institutions diverses (Etats, entreprises, groupes de pressions, …, individus ?) de traiter informatiquement en temps quasi réel l’énorme flux de données émises en continu par tous les citoyens et les mêmes institutions pour en tirer des avantages de toutes natures. Quasiment en tous domaines, ses applications sont croissantes.

 

Parcourons les principaux domaines de données où se pratique le Big Data.

Commercialement, tous nos achats sont répertoriés 2 fois au moins, à l’unité au passage en caisse et globalement pour les paiements par l’intermédiaire des banques. Ils sont donc analysables en détail en temps réel par exemple pour la gestion des stocks mais aussi pour connaitre nos habitudes d’achat et faire du marketing, des propositions « avantageuses » individualisées ou des publicités ciblées. Mieux encore, dans les mêmes buts, nos démarches aléatoires précèdant l’achat sont analysables par les fournisseurs d’accès (FT, Numéricable, ... ), les moteurs de recherches(Google, … ) ou les sites des vendeurs (Amazon, FNAC, … ).

Fiscalement (économiquement et socialement), au titre de la lutte contre l’évasion fiscale, l’Etat accède à l’ensemble détaillé de nos revenus légaux (salaires, retraites, revenus de placements, ventes d’immeubles) au point de préremplir gracieusement notre déclaration de revenus. Idem pour toutes les prestations sociales. Au-delà, dans le cadre judiciaire, il peut mettre sous contrôle en temps réel toutes les revenus et dépenses d’individus ou d’entités soumises à une enquête. De l’ensemble de ce type de données associé à bien d’autres sources économiques ou sociales classiques, des ministères et organismes publics ou privés comme l’INSEE peuvent mesurer systématiquement et tenter de prévoir une foultitude de paramètres économiques et sociaux de façon plus performante.

En matière de santé, la Sécurité Sociale est capable d’analyser toutes nos prescriptions individuelles (y compris redondantes !) par docteur, maladie supposée, … lui permettant d’observer notre comportement et les multiples aspects du fonctionnement de notre système de santé pour l’améliorer en efficacité sanitaire, détecter les épidémies, faire de la prévention et maîtriser son coût énorme en chassant les gaspillages et dysfonctionnements. La connaissance de ces données nous intéresse au premier chef ainsi que nos soignants pour notre santé, mais aussi beaucoup d’agents économiques : chercheurs, secteur pharmaceutique, employeurs, assureurs, vendeurs dont les intérêts ne sont pas identiques aux nôtres.

En matière scientifique, le Big Data permet de renouveler et d’accroitre les capacités de Recherche, Développement et Exploitation en matière de santé, de biologie et de génétique (ADN), de météorologie, d’économie, d’énergie (réseau intelligent), d’écologie, en fait dans pratiquement en tous domaines scientifiques car la Science s’appuie depuis toujours sur le traitement de nombreuses données mesurées. Accroitre la capacité de mesure, de collecte et d’analyse est le rêve de tout chercheur pour innover, valider, améliorer les procédés, réduire les risques et les gaspillages de toutes natures,…

En matière d’informations, chacun d’entre nous, selon ses équipements de télécommunication et surtout l’usage qu’il en fait, fournit en permanence à ses destinataires de courriels, ses réseaux sociaux, ses moteurs de recherches, les sites d’informations ou d’achat qu’il parcourt et où il laisse parfois même des commentaires, et in fine ses fournisseurs d’accès des informations sur ses activités, leur lieu, ses opinions et comportements, toutes informations « banales » unitairement mais collectivement utiles à des fins commerciales, sociales ou judiciaires. Inclus dans ce flux issu de notre quotidien, les réseaux sociaux qui prolifèrent (Facebook,Linkedin, Tweeter, …) sont l’occasion pour certains d’afficher publiquement des informations personnelles intimes, des opinions tranchées qu’en d’autres temps ils auraient caché même à leurs proches. Cette exposition volontaire est en somme authentifiée 2 fois: écrite par l’émetteur qui en décide le réseau de diffusion! Quitte à s’en plaindre ensuite !

Bien au-delà de ces traitements individuels, des Etats ont mis en place et développent des systèmes géants pour observer en continu et en temps réel, tous les échanges de données publiques ou privées circulant sur les différents moyens de transmissions nationaux et internationaux ( téléphonie fixe et mobile, internet, voies filaires ou satellites).Le plus célèbre est le réseau Echelon issu de la guerre froide que les USA ont largement développé depuis. En fait, chaque état développe son système selon ses moyens. Les objectifs affichés sont la sécurité des états et des citoyens et la lutte contre le terrorisme et la criminalité. Très louables, ces objectifs, mais les mêmes moyens de surveillance permettent très facilement de faire de l’espionnage économique systématique ou de surveiller chaque citoyen, en particulier ceux détectés par des filtres basés par exemple sur des mots clés spécifiques au but recherché. Pour limiter les risques de contestation politique, certains états limitent même l’utilisation de l’internet ou du mobile (Chine, Corée du Nord, Cuba, …).La puissance qu’on devine de ces moyens d’observation fait craindre une surveillance excessive des individus du type « Big Brother». Il faut néanmoins noter que ce type de surveillance à des fins politiques (Stasi, Gestapo, KGB, .., Renseignements généraux) était largement développée « au crayon » avant la naissance de l’informatique et que le détournement présidentiel des écoutes téléphoniques légales à des fins personnelles a déjà existé chez nous.

Et nous, dans tout ça, que faire?

Tout d’abord, il faut intégrer que cette situation ne peut que se développer. En effet, d’une part, le Big Data est de moins en moins couteux pour ses utilisateurs sous l’effet du cloud (informatique en nuage) et de la persistance de la loi de Moore. D’autre part, le besoin de connaissances des situations pour contrôler, anticiper, prévenir, orienter, améliorer, réagir ou se protéger est une constante à tous les niveaux de la société humaine. Par exemple, qui n’a pas rêvé de filtrer l’usage de l’internet pour ses enfants ?

Ensuite, on ne peut compter sur l’Etat pour régenter le système. Tout d’abord, ce système est mondial. Le limiter au pouvoir des GAFAM, c’est se boucher maladroitement et volontairement les yeux. Mais surtout, l’Etat a nécessairement une position ambigüe car il doit d’une part assurer la Liberté des citoyens et d’autre part leur Sécurité. L’équilibre est en permanence difficile à trouver. Il suffit de se rappeler les positions des acteurs politiques sur l’utilisation de l’ADN ou sur la vidéosurveillance pour réaliser la faiblesse et l’hypocrisie de certaines positions, sans compter le risque permanent de forfaiture. Néanmoins, l’Etat doit légiférer pour accompagner un développement permanent, complexe et mondial qu’il est incapable de piloter et d’anticiper, et se donner les moyens d’assurer notre Sécurité quitte pour moi à perdre un peu de notre Liberté.

Alors qu’elle attitude adopter ?

Devons-nous arrêter d’émettre des signaux exploitables vers l’extérieur (ou tout crypter?) à la manière des personnes sensibles aux ondes radio qui doivent s’isoler totalement de la civilisation pour ne plus souffrir du mobile ou du wifi?

Devons-nous en conscience nous adapter à ces systèmes en réduisant notre signature à la façon des silhouettes de navires ou d’avions antiradar ?

 C’est mon point de vue discutable, pensant que ma modeste silhouette d’acheteur et plus généralement de citoyen un peu engagé n’est pas susceptible d’intéresser à titre personnel, individuel un « adversaire-partenaire » éventuel « bien ou mal » intentionné. Par contre, j’accepte volontiers le traitement collectif de ces données au risque qu’il soit en parti détourné car ceci permet à la Société de progresser, en particulier en matière de DD.

Du coup, je limite un peu mon émission d’informations personnelles, beaucoup plus d’ailleurs par manque de temps et incompétence que par détermination inflexible !

 

Et maintenant, à chacun de « courir le risque » ( !) de nous exposer

ses questions et idées sur le sujet dans le cadre de notre sympathique CD !

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