Quel accompagnement pour la fin de vie ?

Résumé de l’introduction de Madame MARTIN

 Madame MARTIN est membre de l’ADMP (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité). Cette association a été créée en 1980, consécutivement à la parution de l’article « Un droit » de Michel Lee Landa dans "Le Monde". Il y demandait de pouvoir terminer sa vie dans la dignité, au moment choisi par lui-même.

A cette époque, on soulageait encore peu la douleur, soit par désintérêt de la question, soit pour des questions de principe. L’association a donc milité pour que la lutte contre la douleur soit prise en compte et que le droit de mourir soit reconnu, y compris pour aider à mourir. Rappelons l’étymologie du mot « euthanasie » : il signifie « bonne mort », et son sens a donc bien évolué pour être aujourd’hui à peine acceptable.

Pendant près de vingt ans, aucune loi n’a été discutée au Parlement, mais la situation des personnes en fin de vie s’est tout de même améliorée, notamment par la reconnaissance de l’intérêt des soins palliatifs pour éviter les souffrances et les thérapies inutiles.

Enfin, les droits des malades ont été reconnus récemment, notamment au travers de deux textes : la loi Kouchner de 2002 et la loi Léonetti de 2005. La seule chose qui reste impossible pour aider les malades, est de leur apporter une aide active pour mourir. Depuis, les demandes d’euthanasie par les malades eux-mêmes sont devenues exceptionnelles, il reste à savoir comment traiter les cas particuliers. L’association ne demande pas de légaliser l’euthanasie, mais de la dépénaliser dans des cas précis.

  

Exposé du Docteur Noëlle VESCOVALI

 Cette question pose des questions à la fois humaines et professionnelles.

Elle concerne aussi la vision de la mort de notre société, mais aussi de la maladie grave, de la dépendance et du handicap.

Tous, nous serons concernés par la fin de vie, soit de l'un de nos proches, soit un jour pour nous-mêmes.

J'espère que ce débat nous permettra de cerner autant les enjeux d'une telle question que d'en aborder la complexité face à des situations qui sont toujours singulières et forcent notre respect de la personne qui est en face et une exigence de discernement professionnelle.

Nous devons avant tout nous garder de positions trop générales et idéologiques, car elles risquent de ne pas tenir compte de la complexité de chaque cas.

Revendiquer une position par trop unique ne tiendrait pas compte d'enjeux si essentiels. On ne peut idéaliser la mort, prétextant qu'il y aurait une bonne mort ou une mort dans la dignité. Ce qui semble le plus important envers ceux que nous aimons, c'est de pouvoir leur permettre de vivre une existence accompagnée et soutenue jusqu'aux derniers instants.

La mort ne doit pas être une honte, car elle fait partie de la vie. La société ne peut s'en défausser d'une manière ou d'une autre. Elle doit anticiper, accueillir.

Préciser le sens des mots, ne pas tout mélanger

J'aimerais également ici clarifier diverses notions que l'on a souvent tendance à confondre et qui à mon sens font toute la réalité de certains affrontements idéologiques.

- La fin de vie : tous hommes et toutes les femmes, à un moment vont se trouver enfin de vie. Soit qu'ils seront atteints d'une maladie grave qui peut évoluer depuis de nombreuses années, ou de manière plus récente, soit qu'ils seront très âgés et se trouveront en déficit d'organe.

 - La maladie longue : Par ailleurs, il y a la grande dépendance, le lourd handicap parfois vieillissant, la maladie chronique. Et là la difficulté de vivre peut exister.

Nous ne pouvons mélanger les registres lorsque l'on parle de bien ou mal mourir. Tout dépend dans notre réflexion de qui on parle et de quand on se place dans le parcours de vie du patient. Parle-t-on d'un patient en fin de vie ? ou bien parle-t-on d'un patient en cours d'évolution d'une maladie longue et qui n'est pas en phase terminale ?

Ce n'est pas la même chose, je tiens à le dire. Et une réponse à l'emporte-pièce qui jetterait le bébé avec l'eau du bain quelque soit le moment de sa vie ne serait certainement pas la bonne réponse.

Un projet de société démocrate qui oublierait de s'occuper de ses concitoyens les plus souffrants faillirait, à mon sens, au strict respect des droits de l'homme. C'est là que doivent être mis les moyens, dans les hôpitaux, à domicile.

- Les soins palliatifs

La personne gravement malade doit être accompagnée dans ses dernières semaines, ses derniers instants avec le respect et la sollicitude qui lui redonne l'estime de soi ; un hôpital doit donner sa vraie place à de tels accompagnements de ses malades.

Un patient qui vit avec un lourd handicap, une maladie chronique, une maladie grave devant laquelle les ressources thérapeutiques se restreignent souhaite alors parvenir au terme de son existence le plus dignement possible et cette dignité passe par la reconnaissance par les autres de ses mini projets, par l'attention portée à sa parole, par des soins qui apportent confort et sécurité, par le soulagement de la douleur et des autres symptômes. Le malade a le droit d'être entendu dans sa souffrance et être soulagé. C'est tout cet ensemble que l'on nomme précisément les soins palliatifs.

Soins donnés, écoute attentive et chaleureuse leur permet de s'approprier le temps qui leur reste à vivre avec leurs proches. Il s'agit d'accompagner la vie jusqu'à son terme ne pas abandonner l'autre, Responsabilité illimitée qui ne cesse pas pour les soignants, même si nous sommes devant un mur, la mort fait partie de la vie.

Les soins palliatifs, c'est donc acquérir un savoir faire et un savoir être permettant une prise en charge globale dans sa singularité par des soins de qualité et un accompagnement profondément humaniste.

Juste auparavant, j'aimerais bien situer le cadre de notre débat de ce soir en éliminant un thème qui n'est pas au programme :

- Le suicide assisté

Concernant la revendication de certains à un suicide légalement assisté, il ne s'agit pas là d'un champ qui concerne directement les professionnels de santé que nous sommes. C'est une question adressée à l'ensemble de nos concitoyens et à leurs représentants. Il s'agirait pour ses partisans d'organiser par la loi un droit à l'assistance au suicide. Il concernerait donc des personnes ne souhaitant plus continuer à vivre et qui demandent à la société de les « aider à mourir ». Chacun est libre d'approuver ou non un tel projet de société.

J'attire ici l'attention sur trois points :

LA LOI DU 22 AVRIL 2005 dite Loi Léonetti

Justement, le législateur a mis à notre disposition, celle des malades, des proches et des professionnels de santé des lois qui gagneraient à être plus connues et appliquées.

Je vous en ai préparé des copies que vous pourrez prendre en partant.

Cette dernière loi, sur laquelle je m'appesantirai un peu ce soir permet de cerner les obligations des soignants face au malade en fin de vie et les droits des malades en fin de vie.

Je précise que cette loi, issue d'un large débat et d'un remarquable travail parlementaire, a été votée au Parlement à l'unanimité de la gauche et de la droite, de ceux qui croient en Dieu et ceux qui n'y croient pas, aussi de personnes souhaitant au départ une légifération de l'euthanasie. C'est dire si l'on est bien là devant une réflexion sociétale et humaine ; portée par la patrie des Lumières et des Droits de l'Homme, elle a vocation à être un modèle pour l'Europe et le Monde.

En voici les principales dispositions :

- Le droit au refus de l'acharnement thérapeutique déraisonnable

[Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ]

Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable . Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris.

- Le droit au soulagement de la souffrance « Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade... »

Différentes situations peuvent alors se produire :

PATIENTS MAINTENUS EN VIE ARTIFICIELLEMENT (art 3,4 et 5)

Limitation ou d'arrêt de traitement qui assure le maintien en vie du patient (non en fin de vie). C'est l'arrêt du traitement qui est susceptible de provoquer la mort (de la laisser survenir)

PATIENTS EN FIN DE VIE (art 6 à 9)

« En phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause. Limitation ou d'arrêt de traitement pour une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause

PATIENT EN CAPACITÉ D'EXPRIMER SA DECISION

Le médecin doit respecter cette décision après demande réitérée permettant de s'assurer de l'intégration des conséquences de la décision.

PATIENT HORS D'ÉTAT D'EXPRIMER SA DECISION

Le médecin prend la décision en intégrant tous les paramètres qui lui indiquent dans quel sens aurait été la décision du patient s'il avait été en capacité de l'exprimer : procédure collégiale, concertation avec équipe, prise en compte des directives anticipées, de l'avis de la personne de confiance, de la famille et des proches.

Le médecin va donc décider en s'appuyant :

Dans tous les cas, il n'y aura aucune pratique clandestine ou isolée. L'ensemble de la procédure et les décisions seront inscrites sur le dossier médical avec les motivations des décisions.

Cette mesure permet le contrôle a posteriori par le juge et évite toute tentation d'outrepasser ce que prévoit la Loi.

Dans tous les cas, il n'y aura pas d'abandon du malade. On poursuivra les soins de confort.

« Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l'article L. 1110-10 ».

L1110-10 : « Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne malade et à soutenir son entourage »

 

Conclusion

La loi Léonetti encadre de manière très précise les situations de décisions difficiles en fin de vie :

- Non pas en disant ce qu'il faut faire

- Mais comment prendre une décision toujours difficile et unique.

Elle impose à tous une réflexion éthique parfois très ardue, plutôt que des certitudes bien hasardeuses ou des solutions simplistes à des situations singulières et si complexes.

Deux après sa promulgation, l'application concrète de la loi d'avril 2005 reste très imparfaite. En infraction avec elle, des situations d'acharnement inadmissible persistent. Il faut appliquer la loi et non la changer ! Nos concitoyens connaissent mal cette loi et les droits importants qu'elle leur confère.

C'est pourquoi, un certain nombre de mesures concrètes sont indispensables : l'information du public, la formation des professionnels de santé libéraux et dans les institutions. (hôpitaux et maisons de retraite), le développement des structures comme les unités de soins palliatifs, les équipes mobiles de soins palliatifs hospitalières et les réseaux de santé en soins palliatifs qui réalisent les soins palliatifs à domicile.

 

Pour tout conseil ou information, je suis à votre disposition :

au 01 30 13 06 33 ou au mail : n.vescovali@lepallium.fr

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