Quelle Europe voulons-nous ?

Les Français ont rejeté le traité instituant une constitution pour l’Europe car ils ne veulent pas d’une Europe ultralibérale, de l’Europe du dumping social, d’une Europe non européenne, d’une Europe américanisée, d’une Europe aux frontières non définies, d’une Europe intégrant la Turquie.

 

La conception ultralibérale de la constitution européenne nous aurait ruinés, nous et nos partenaires pour le plus grand profit des multinationales et de leurs actionnaires ; le traité interdisant effectivement toute négociation sur les normes sociales et, de toute façon, ouvrait un boulevard au dumping social des pays les moins disants en la matière ; l’adhésion de la Turquie est une question préjudicielle de la plus haute importance, car l’ampleur de la démographie turque fera de ce pays, lorsqu’il sera entré dans l’Europe, et compte tenu des institutions européennes confirmées par la constitution et de leurs mécanismes, la puissance dominante en Europe (45% environ des droits de vote dans les organes communautaires) alors même que la candidature turque est appuyée par Washington pour d’évidentes raisons stratégiques.

 

L’une des raisons majeures pour lesquelles il fallait absolument rejeter le traité constitutionnel résidait dans les termes de son article I-41, qui mettait la défense européenne et la politique étrangère commune sous la coupe des Etats-Unis. En effet, le paragraphe 2 de cet article précisait que la politique de sécurité et de défense commune devait respecter « les obligations découlant du traité de l’Atlantique nord pour certains Etats membres » et devait être « compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre », ce qui signifiait que la politique européenne de défense et de sécurité commune devait emboîter le pas de la politique américaine.

 

Quoique le traité évoquât l’économie sociale de marché et affirmât, dans la section 2 du chapitre III du titre III, poursuivre des objectifs généreux en matière de politique sociale, ses clauses particulières privaient l’Union européenne des moyens d’atteindre les objectifs affichés.

 

L’absence de coordination des politiques économiques suffisait à ruiner les prétentions du traité à assurer un haut degré de développement économique et un équilibre de plein emploi. La politique économique y était conçue comme devant être conforme « au principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre » (article III-178). Elle était, pour cette raison, incapable de lutter contre les délocalisations, l’entrée des pays de l’Est ayant introduit au sein du marché de « petits dragons asiatiques » refusant logiquement d’aligner leur législation sociale sur celle des pays de l’Ouest. D’ailleurs, toute harmonisation était interdite et l’hypothétique politique industrielle d’un Etat était par avance condamnée (article III-167-1). La politique macro-économique était explicitement anti-keynésienne (article III-184) et d’inspiration monétariste (article III-185). On ne voit donc pas très bien comment l’Union aurait pu, dans ces conditions, parvenir aux objectifs affichés, ni du coup, satisfaire les engagements sociaux énumérés à l’article III-209, surtout compte tenu du poids supplémentaire que constitue la mise à niveau des économies de l’Est européen et, d’ici une dizaine d’années de la Turquie.

 

 

 

L’Europe du futur peut être une Europe supranationale indépendante des Etats Unis et dotée d’une législation sociale avancée qui élève le niveau de vie de tous les salariés et d’abord des plus pauvres d’entre eux et qui se trouvent à l’est du continent.  La nécessité de défendre les droits des travailleurs face au capitalisme mondialisé implique de jeter les bases d’une coopération entre nations européennes, par exemple pour mettre en place un système de protection sociale européen fondé sur l’harmonisation par le haut des législations sociales. Mais si l’on détruit les nations avant de construire l’Europe sociale, on confortera le capitalisme dans ce qu’il a de plus brutal avant même de parvenir à imposer des normes sociales avancées. La fusion de zones économiques très disparates implique le dumping social de la part de celles qui sont les plus arriérées. Les peuples européens savent très bien que des directives européennes telle que la directive Bolkestein leur sont défavorables. Cette directive pénalise les salariés des pays entrants comme ceux des autres nations : dans les premiers, elle encourage les entreprises à maintenir des bas salaires au nom de la conquête de marchés extérieurs ; dans les seconds, elle pousse à pressurer les salaires, au nom de la concurrence. 

 

La politique industrielle de l’Union européenne est inconsistante. Elle est même contre-productive. Bruxelles s’est au nom de la concurrence, attaqué aux entreprises européennes. La commission a empêché nombre de regroupements et de fusions qui auraient été à l’avantage de notre continent dans la compétition mondiale. Il est par ailleurs inadmissible que la commission interdise les aides aux entreprises. Aucune industrie naissante n’aurait pu voir le jour en Europe puisque nous savons qu’aucune d’entre elles n’a jamais pu, dans l’histoire, émerger sans l’intervention de l’Etat, y compris dans les pays les plus libéraux comme la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis. L’Amérique ne s’interdit pas d’instaurer des protections dès lors que ses intérêts sont menacés.

 

 

 

Propositions pour un autre Europe :

 

Avancées démocratiques :

 

Le Parlement partage l’initiative des lois avec la commission, il vote l’impôt ainsi que l’ensemble des lois européennes. La plupart des questions, y compris fiscales et sociales, relèvent en principe de décisions à la majorité qualifiée. Le président de la commission est élu et les commissaires sont investis par le parlement de façon à refléter la majorité politique résultant des élections européennes.

 

Avancées économiques :

 

L’Union européenne et les Etats membres doivent pouvoir mener des politiques économiques efficaces et coordonnées. A cette fin, l’Union a le droit d’emprunter et, dans des limites à définir, de recourir au déficit public à court terme. Tous les leviers d’action sur la demande comme sur l’offre sont mobilisables pour soutenir l’activité et l’emploi (taux d’intérêt, taux de change, tarifs douaniers, quotas, dépenses publiques, impôts, etc.).

 

A l’égard des pays non membres, l’Union décide à la majorité qualifiée des protections douanières ou autres, de la taxation et des règles encadrant la circulation des capitaux. La Banque centrale européenne doit poursuivre tous les objectifs de la régulation macroéconomique (stabilité des prix, plein emploi, croissance, équilibre de la balance des paiements) et elle arbitre entre ses objectifs selon la nature des problèmes les plus urgents pour le bien-être et le niveau de vie des Européens. Elle publie le contenu de ses délibérations et rend compte de sa politique devant le parlement. Ce dernier peut modifier les statuts de la BCE et révoquer Gouverneur de cette dernière.

 

L’Union prend à la majorité qualifiée les décisions harmonisant la fiscalité des Etats membres afin d’éviter une concurrence faussée par des écarts trop importants de taxation des produits, du chiffre d’affaires, des bénéfices et des autres revenus du capital.

 

Avancées sociales :

 

La Charte des droits fondamentaux s’impose au droit national de tous les Etats membres, pour autant qu’elle garantit des droits supérieurs.

 

Conformément aux objectifs de solidarité entre les Etats membres, de plein emploi, de convergence des performances économiques, de protection sociale élevée et d’accès aux services sociaux et d’intérêt économique général, l’Union doit impérativement limiter au mieux la compétition fiscale et la concurrence des systèmes juridiques en matière de droit de travail et de protection sociale.

 

A cette fin, l’Union consent un effort de solidarité financière renforcé pour faciliter un rattrapage plus rapide des pays dont le niveau des salaires et de droits sociaux est inférieur à la moyenne ; la loi européenne détermine à la majorité qualifiée l’ampleur et les modalités de cet effort. A cette fin également, l’Union autorise les Etats membres à maintenir des monopoles publics dans la production et la distribution des services d’intérêt général.

 

Avancées en matière de politique extérieure et de défense commune.

 

La Constitution européenne doit clairement affirmer la possibilité de déterminer et de mener une politique extérieure et de défense parfaitement indépendante de toute puissance extérieure à l’Union.

 

Jean-Paul

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